Question de Frédéric Daerden à Charles Michel, Premier ministre, sur Carrefour et la situation de l'emploi en Belgique

Monsieur le premier ministre, monsieur le vice-premier ministre, dans quelques jours, la loi Renault aura vingt ans et, pour souffler les bougies, voilà à nouveau un drame social. Il y a des anniversaires qu'on préférerait ne pas célébrer. Carrefour vient d'annoncer la suppression de plus de 1 200 emplois. Aujourd'hui, comment ne pas penser à ces travailleurs mais aussi à ceux de chez Caterpillar, ING, Axa, Blokker, 3M, Truflo Rona et tant d'autres? Des milliers d'emplois supprimés dans des entreprises rentables!

 

Qu'a fait votre gouvernement? Absolument rien! Pire, au moment où il a fallu prendre une décision, vous avez lâché les travailleurs de Caterpillar sur la question des prépensions. Monsieur le premier ministre, avec votre politique, avec vos déclarations prétendant que les travailleurs coûtent trop cher et qu'il faut pouvoir les licencier plus facilement, vous attisez le feu des licenciements!

 

Chez Carrefour, avec votre saut d'index, ce sont chaque année six millions d'euros qui sont pris aux travailleurs pour être réorientés vers les actionnaires et ce, pour créer de l'emploi. Pour créer de l'emploi? A contrario, malgré cela, ce sont plus de 1 200 emplois qui sont sacrifiés! Depuis l'installation de votre gouvernement, les accises sur les boissons ont plus que triplé. Selon Comeos – pas l'IEV! –, 16 000 emplois ont été perdus dans notre pays! Voilà le résultat de votre politique!

 

Messieurs les ministres, ce sont les travailleurs qui créent la richesse et non les actionnaires! Ce sont les travailleurs qui doivent être défendus! Plus personne ne croit en vos beaux discours. Lorsque vous avez fait semblant de tendre une main aux travailleurs de Carrefour, ils n'ont pas été dupes et ils ont tout de suite dénoncé votre hypocrisie.

 

Aujourd'hui, nous avons besoin d'actes forts. Vous êtes à la tête du gouvernement et vous devez arrêter de vous cacher derrière les patrons. Monsieur le premier ministre, monsieur le vice-premier, allez-vous avoir le courage de dire à vos amis patrons que cela suffit et que les licenciements boursiers, c'est terminé? Allez-vous rendre justice aux travailleurs de Carrefour mais également de Caterpillar et d'ING, en soutenant, pour empêcher ce genre de drame, nos propositions de réforme de la loi Renault, nos propositions en matière de droit d'alerte, nos propositions empêchant ces licenciements boursiers?

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, chers collègues, il est certain que l'on peut tous reconnaître que l'annonce d'un plan social, avec à la clé des licenciements, n'est évidemment pas une bonne nouvelle. Comme c'est, je le suppose, le cas de chacun des membres ici présents, mes premières pensées vont évidemment aux travailleurs qui sont inquiets pour leur avenir.

 

C'est la raison pour laquelle, dans les heures qui ont suivi cette annonce, avec d'autres collègues du gouvernement, M. Peeters et moi-même avons provoqué une réunion avec la direction et avec les représentants syndicaux.

 

Nous avons provoqué cette réunion parce que nous souhaitions avant tout que la direction nous apporte des clarifications concernant le contexte dans lequel cette annonce avait été faite. Les discussions ont d'ailleurs été intenses. Beaucoup de questions précises et concrètes ont été posées pour tenter de clarifier un certain nombre de points importants. 


La direction a qualifié les hypermarchés de "problématiques" au sein de la structure du Groupe Carrefour en Belgique.

 

Nous avons compris qu'un certain nombre de ces hypermarchés étaient soit en perte maintenant, soit avaient des perspectives de pertes. Selon la direction, ces pertes seraient en lien avec les exigences de la transformation digitale et avec les transformations dans le chef des consommateurs, notamment la manière dont ceux-ci envisagent leur consommation de produits non alimentaires en hypermarchés. La concurrence de sites d'e-commerce comme Amazon joue aussi un rôle.

 

 

Nous entendons tout mettre en œuvre pour limiter le préjudice social, et en particulier les licenciements secs. C'est le message que nous adressons à la direction et aux salariés de Carrefour. Nous nous mettons à la disposition des travailleurs auprès desquels nous entendons jouer un rôle de soutien actif.

 

La loi Renault nous offre en effet un cadre même si certaines remarques doivent être faites concernant la manière dont la loi Renault a été appliquée dans le passé.

 

Ce gouvernement, par le biais du ministre Peeters, a pris des initiatives dernièrement. Il n'a pas attendu les décisions de ces derniers jours pour formuler un certain nombre de pistes de travail, pour encourager sur un thème qui est principalement dans les mains des partenaires sociaux, la manière de trouver un équilibre afin d'améliorer cette loi Renault. Je forme le vœu que, dans le cadre du travail parlementaire, l'on se penche sur le sujet en concertation avec les partenaires sociaux.

 

Monsieur Daerden, je ne tiens pas à polémiquer avec vous ni avec MM. Hedebouw ou Gilkinet mais les résultats sont là. OCDE, Fonds monétaire international, Banque nationale, tous les indicateurs montrent que les réformes structurelles ont amené 175 000 emplois au point que la difficulté, maintenant, dans certaines entreprises, est de trouver des personnes qui ont la formation requise pour assumer les tâches et les responsabilités.

 

En un mot, je réponds à notre collègue N-VA: ce n'est pas John Crombez qui raison!

Réplique de Frédéric Daerden

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, monsieur le ministre, j'ai entendu vos réponses, les chiffres que vous avez donnés. Selon vous, tout va bien.

 

Cependant, je suis allé à la rencontre des travailleurs du Carrefour de Liège et des usines Truck Technic à Herstal. J'ai entendu leur désarroi, leur sentiment d'injustice. Ils ne comprennent pas l'absence de réaction forte du gouvernement, la logique du gouvernement, la politique de ce dernier, à savoir des cadeaux, des marges accrues pour les uns, des jobs précaires, voire pas de job du tout pour les autres, et donc pour eux.

 

Ce ne sont pas vos statistiques résultant d'une bonne conjoncture qui vont nourrir ces familles.