Question de Jean-Marc Delizée à Charles Michel, Premier ministre, sur les licenciements chez Carrefour

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, comme plusieurs d'entre nous, j'aurais souhaité interroger M. le premier ministre sur cette question mais, à l'heure où nous parlons, 11 500 travailleurs du groupe Carrefour Belgique ont le ventre serré. Avec leurs familles, ils vivent dans l'angoisse depuis plusieurs jours et se demandent ce qu'il adviendra de ce plan de transformation de l'entreprise Carrefour.

 

Un conseil d'entreprise extraordinaire se tient pour le moment et nous tentons de suivre les nouvelles quasiment en direct pour savoir quel sera finalement l'impact social en termes d'emplois.

 

J'ai l'impression que l'histoire se répète. Voici deux ans, en septembre 2016, monsieur le président, on accueillait les partenaires sociaux de Caterpillar. Il y a eu de beaux discours et un bel unanimisme pour s'indigner de cette situation. On a entendu le premier ministre dire qu'il allait soutenir les travailleurs et leurs familles. Force est de constater que, depuis lors, d'autres restructurations, d'autres licenciements collectifs ont eu lieu. On se souvient d'ING. On a d'ailleurs reçu les partenaires sociaux et la direction d'ING. Il y a aussi eu AXA, Bombardier, RTL et bien d'autres encore.

 

Finalement, j'ai envie de dire que ce débat a été fait, en commission et dans cette assemblée, mais on n'a pas mis le temps à profit pour tirer les leçons du drame, du séisme de Caterpillar et, notamment, pour interdire les licenciements boursiers et mettre fin à ce que la loi Renault permet de faire aujourd'hui. Nous avons eu ce débat mais, malheureusement, madame la ministre, votre gouvernement n'a pas eu cette volonté, le courage de réformer la loi Renault en vue d'interdire les licenciements boursiers et faire en sorte qu'une cour du travail puisse, finalement, après instruction du dossier, valider ou non le fait d'avoir une procédure de licenciement collectif. Vous ne l'avez pas fait!

 

Madame la ministre, le gouvernement, à savoir le ministre de l'Emploi et le premier ministre, a-t-il eu des contacts avec la direction de Carrefour? Qu'en ressort-il? Qu'allez-vous faire pour interdire, à l'avenir, les licenciements boursiers pour qu'on ne se retrouve plus dans ce type de situation à l'avenir? Aurez-vous le courage de réformer cette loi Renault pour défendre l'emploi des travailleurs en Belgique?

Réponse de Sophie Wilmès au nom de Charles Michel

Mesdames et messieurs les députés, je remercie ceux d'entre vous qui sont capables de garder leur sang-froid et de faire la part des choses quand les moments s'annoncent plus difficiles.

 

Je voudrais vous rappeler qu'il ne faut pas sous-estimer l'importance de la présence de nos ministres et de notre premier ministre à des réunions internationales! Cela donne la possibilité à notre pays de rayonner et de pouvoir influer sur les politiques internationales tant auprès des grandes entreprises qu'auprès des autres dirigeants.

 

Tout comme vous, nous avons appris qu'un conseil d'entreprise extraordinaire avait été convoqué chez Carrefour Belgique cet après-midi. Nous avons tous un téléphone et comme vous, j'apprends maintenant que la Belgique pourrait être impactée à hauteur de 1 233 emplois. Nous n'avons pas plus d'informations à ce stade. Nous espérons que l'impact sera limité en ce qui concerne la Belgique.

 

À propos des licenciements collectifs, c'est la loi Renault qui s'appliquera dans tous ses aspects et c'est bien le conciliateur social de l'administration du ministre Peeters qui jouera pleinement son rôle lors des négociations. Le service de conciliation sociale sera disponible pour les parties concernées.

 

En ce qui concerne l'évaluation de la loi Renault, je vous rappelle que, suite au cas Caterpillar, le gouvernement avait pris des initiatives auprès des partenaires sociaux, en ce compris la demande d'évaluer cette loi. Le ministre Peeters avait fait cinq propositions concrètes. Les partenaires sociaux ont demandé de pouvoir continuer les négociations au sein du Conseil National du Travail (CNT). Dans le cadre des échanges avec son président, le ministre a insisté récemment sur un traitement urgent des propositions, d'ici la fin du mois prochain. Au cas où il n'y aurait pas de consensus, le ministre reviendra avec ses propositions initiales.

 

La situation actuelle est une difficulté majeure que le gouvernement prend au sérieux. Le ministre Peeters la suivra de près. Nous pensons aujourd'hui aux personnes qui sont inquiètes pour leur emploi et nous restons pleinement mobilisés.

Réplique de Jean-Marc Delizée

Monsieur le président, la réponse m'amène à un constat: cette politique de réduction des cotisations sociales, linéaire et aveugle, n'est pas opérante avec des entreprises qui pratiquent un tel cynisme économique.

 

Le groupe socialiste a déposé une proposition de loi portant sur la modification de la loi Renault, dans le but d'interdire les licenciements boursiers. Une autre proposition porte sur le droit d'alerte des travailleurs, mais, vu la situation actuelle, nous ne comprendrions pas qu'on ne donne pas priorité à l'examen de ce dossier.

 

Nous encourageons le gouvernement à rencontrer la direction de l'entreprise et à organiser, encadrer, accompagner un dialogue social en son sein. En tant que président de la Commission de l'Économie, je souhaiterais qu'on puisse faire avec Carrefour ce que nous avons fait avec Caterpillar et ING, c'est-à-dire inviter la direction de Carrefour Belgique et les syndicats afin d'avoir un échange de vues avec eux et de tirer les leçons de cette nouvelle crise. J'espère que ces leçons aboutiront à une volonté politique d'interdire les licenciements boursiers.