Monsieur le ministre, certains collègues veulent simplement attaquer et critiquer les représentants des travailleurs qui s'inquiètent des effets de vos réformes. Personnellement, j'aborderai le fond.
En arrivant, vous avez décidé d'imposer à tous les citoyens de travailler plus longtemps et ce, au mépris de la concertation. Lors de nos débats, vous nous avez annoncé que ces mesures fermes seraient bientôt compensées par la prise en compte de la pénibilité. Vous avez créé des attentes énormes et légitimes chez nos concitoyens. En effet, nombre d'entre eux travaillent dans des conditions difficiles. Je pense notamment aux infirmières, aux enseignants, à ceux qui pratiquent les métiers du bâtiment ou le travail à la chaîne, aux cheminots, aux militaires, aux policiers, aux pompiers et je pourrais encore en citer d'autres. Comment ces travailleurs pourront-ils travailler jusque 67 ans? Vous savez pertinemment que l'espérance de vie en bonne santé est de 64 ans dans notre pays.
Monsieur le ministre, en décembre, nous apprenions que vous proposiez un texte portant uniquement sur le service public. Celui-ci n'a pas pu être adopté en Conseil des ministres vu les critiques de vos partenaires de majorité. Comme d'autres, je crains que la montagne accouche d'une souris.
Mes questions sont les suivantes. Selon quel calendrier présenterez-vous votre réforme au Parlement, tant pour le secteur public que pour le secteur privé? Quelles sont les critiques de vos partenaires et comment allez-vous y répondre? Le ferez-vous simplement en supprimant un élément parmi les quatre critères, à savoir le seul qui ait été négocié avec les partenaires sociaux? Où en est la concertation avec les entités fédérées? Finalement, vers quel système se dirige-t-on? Comment allez-vous tenir compte des risques pour la santé? En effet, il s'agit du cœur du problème. Comment allez-vous transposer le projet pour le secteur privé, alors que l'on sait que la FEB rejette la notion de critères?
Pouvez-vous nous assurer qu'aucun travailleur occupant une fonction pénible, qui disposait de tantièmes préférentiels, ne verra pas sa pension diminuer s'il est incapable de prolonger sa carrière?
Réponse de Daniel Bacquelaine
La FGTB me demande de retirer mon avant-projet de loi sur la pénibilité et fait planer une menace de grève générale. Mais comment peut-on justifier une telle attitude, alors qu'il s'agit
précisément de reconnaître la pénibilité de certaines professions et d'y lier des droits supplémentaires en matière de pensions, sous la forme d'un départ précoce à la retraite ou d'une pension plus élevée?
Depuis le début de la législature d'ailleurs, la FGTB réclame cette réforme qui vise à atténuer, pour les travailleurs dont les tâches seraient reconnues pénibles, l'impact du relèvement de l'âge de la retraite.
Alors que le projet est sur le point d'être approuvé en première lecture par le Conseil des ministres, le syndicat socialiste fait volte-face et s'oppose maintenant à la réforme. Comment l'expliquer, si ce n'est pour des raisons strictement politiques.
Il faut également souligner que l'avant-projet de loi doit encore être soumis à la concertation sociale. Les textes ne sont donc pas définitifs. J'appelle par conséquent la FGTB à discuter des textes là où la concertation sociale doit avoir lieu, c'est-à-dire au Comité A ou au Comité de gestion du Service fédéral des Pensions et non dans la rue ou en bloquant l'activité économique du pays.
Pour ce qui concerne la pension à points – il s'agit d'une recommandation du rapport Vandenbroucke, comme l'a souligné Mme Thoron –, les discussions viennent de se terminer entre les partenaires sociaux siégeant au Comité national des Pensions. Nous allons maintenant analyser les remarques qui ont été faites par les partenaires sociaux, avant de décider des orientations qu'il convient de donner à cette réforme. Pour l'heure, il n'y a donc pas encore d'avant-projet de loi qui pourrait être retiré.
Pour répondre à la question de M. Daerden qui m'a demandé de quelle manière les critères de pénibilité seront définis, je peux lui indiquer que l'avant-projet de loi se réfère aux quatre critères qui ont été définis par le Comité national des Pensions, dans son rapport du 12 septembre 2016, à savoir les contraintes physiques, l'organisation du travail, les risques de sécurité et la nature mentale ou émotionnelle de la pénibilité. Ce sont ces quatre critères qui permettront, dans le cadre de la concertation sociale, de dresser la liste des fonctions pénibles.
Dès lors, je ne peux pas indiquer à ce stade quelles sont les fonctions qui bénéficieront d'une reconnaissance de pénibilité. Et contrairement à ce que M. Hedebouw semble suggérer, je ne considère pas, pour ma part, que les enseignants devraient a priori être exclus d'une telle reconnaissance.
Comme je l'ai déjà indiqué en commission des Affaires sociales, l'avant-projet de loi se fonde, par ailleurs, sur une note de synthèse établie par le secrétariat du Comité national des Pensions qui vise à rapprocher les points de vue qui ont été exprimés en commission Secteur public. L'avant-projet de loi met en œuvre un certain nombre de principe suite à cela: garantir une flexibilité au travailleur bénéficiant d'une reconnaissance de pénibilité en lui donnant le libre choix entre le départ anticipé ou une majoration du montant de sa pension; veiller au respect des conditions légales pour le départ anticipé – monsieur Hedebouw, vous confondez pré-pension et pension anticipée, ce qui m'étonne de votre part.
L'âge minimum de 60 ans doit, par exemple, être respecté. Il est clair que la réforme sur la pénibilité ne va pas venir effacer les réformes précédentes votées dans ce parlement et exécutées par le gouvernement. En outre, il faut prévoir une durée minimale de pénibilité ainsi qu'une gradation dans la reconnaissance de la pénibilité.
L'avant-projet de loi ne permet pas de reconnaître la pénibilité d'une profession sur la seule base du facteur "stress", mais bien en combinaison avec d'autres critères.
En réponse à la question de M. Daerden qui me demande ce qu'il en est des contractuels de la fonction publique, je peux lui dire que la question est évidemment envisagée. Pour ce qui concerne les économies qui résulteront de la mise en œuvre de l'avant-projet de loi sur la pénibilité, je peux confirmer ce que j'ai toujours indiqué, l'octroi de modalités plus favorables en pension liées à une reconnaissance de pénibilité n'engendre pas une économie mais bien un coût, monsieur Hedebouw et monsieur Daerden. Je peux d'ailleurs vous dire qu'il y a des budgets fermés, une enveloppe fermée, bien entendu. Il faut une enveloppe fermée! L'enveloppe existe et vous la connaissez.
Par contre, effectivement, nous allons, en parallèle, supprimer les tantièmes préférentiels d'un certain nombre de professions. C'est vrai! Ce qui est généré en économie par la suppression des tantièmes est recyclé dans la reconnaissance de la pénibilité et permet de passer d'un vieux système archaïque du dix-neuvième siècle à un système moderne qui se base sur des critères objectifs, quantifiables, objectivables et qui collent à la réalité du marché du travail d'aujourd'hui. C'est cela que nous allons faire.
En conclusion, monsieur le président, je voudrais conseiller à M. Hedebouw – je compte d'ailleurs sur lui – de convaincre ses amis de la FGTB de soutenir cette réforme qui va permettre de mieux tenir compte de la réalité des fonctions exercées et de récompenser ceux qui ont exercé un travail pénible et lourd.
Réplique de Frédéric Daerden
Monsieur le ministre, il ne suffit pas de rencontrer les délégations, il faut encore les écouter et tenir compte de leurs remarques. Une réforme qui tient compte de la réalité sociale des travailleurs et de leur santé est nécessaire. Il faut une application objective des critères et non pas des critères objectifs appliqués par arrêté royal que vous déciderez seul, sans négociation. Tout ceci est basé sur des enveloppes fermées et sur un jackpot que vous tirerez de la suppression des tantièmes préférentiels.
Votre projet créera, une fois de plus, des discriminations entre les travailleurs et il va remettre en cause les périodes assimilées à votre notion de "prestation effective". Vous le savez, votre réforme nie totalement une approche globale. Si vous ne sortez pas de l'enveloppe fermée, votre réforme sera un leurre et vous aurez grugé des milliers de travailleurs.