Question de Laurent Devin à François Bellot, ministre de la Mobilité, sur l'accident ferroviaire de Morlanwelz

Monsieur le président, chers collègues, monsieur le ministre, avant toute chose, permettez-moi de préciser que mon propos aujourd'hui ne vise pas à faire polémique ni à attiser inutilement les tensions, car, trois jours après ce très grave accident mortel à Morlanwelz, le temps est à l'émotion, à la compassion et à la solidarité.

 

Oui, nous devrons comprendre ce qu'il s'est passé mais il faut, comme on le dit, laisser le temps au temps, le temps de la décence mais aussi le temps des enquêtes.

 

Lundi soir, des cheminots ne sont pas rentrés de leur travail car ils y ont perdu la vie. Les émotions sont encore vives. Une période de deuil s'est ouverte que nous devons respecter et partager. Nos pensées vont aux victimes, à leur famille et aux collègues présents sur place.

 

Habitant la commune voisine, je me suis rendu sur le lieu du drame lundi soir. Vous y étiez, monsieur le ministre. Vous y étiez, monsieur Van Hees. Un silence glaçant, des familles endeuillées qui pleuraient la perte de leur être cher, des cheminots fracassés par les émotions négatives qu'ils venaient de vivre. Les équipes d'aide aux victimes les encadraient. Je crois que vous avez pris la mesure du drame. Les CEO d'Infrabel et de la SNCB étaient présents. Vous y étiez aussi. La douleur, la peine, l'effroi, le silence glacé …

 

Aujourd'hui encore, au nom de mon groupe, je souhaite présenter mes condoléances aux familles et aux proches endeuillés par la perte de leur être cher. Au nom de mon groupe, je souhaite également adresser toutes nos pensées, tout notre courage aux blessés qui, aujourd'hui, sont encore à l'hôpital ainsi qu'à leurs proches. Nous adressons aussi notre solidarité à la grande famille des cheminots, à l'ensemble du personnel d'Infrabel et de la SNCB qui, au quotidien, encore aujourd'hui, oeuvrent à l'intérêt commun. Ces hommes et ces femmes sont amenés à travailler dans des conditions difficiles.

 

Chers collègues, nous devons, par respect pour les victimes et leur famille, rester dignes et nous engager, sans réserve, à apporter toute la clarté sur ce drame. Nous devons nous engager à apporter des réponses aux nombreuses questions que tout un chacun se pose. Il faudra ainsi faire la part des choses entre ce qui relève de la fatalité et ce qui relève de la responsabilité. Notre devoir sera alors de tirer toutes les leçons pour éviter qu'un tel incident ne se reproduise.

 

Monsieur le ministre, permettez-moi, dès lors, de vous poser les deux questions suivantes. Quelles mesures d'accompagnement ont-elles été proposées aux victimes et à leur famille?

 

Que pouvez-vous déjà nous dire sur les circonstances ayant entraîné cet accident dramatique et mortel?

Réponse de François Bellot

Monsieur le président, mes chers collègues, je présente une fois encore nos condoléances aux familles et proches des cheminots qui ont perdu la vie lundi soir. C'est, au demeurant, le sens de vos différentes interventions. Et je tiens à vous remercier de cette solidarité que nous sommes capables de trouver en de tels moments.

 

Je dois bien avouer, et je ne vise pas nécessairement des personnes présentes ici, que je suis dépité par l'interprétation de cet événement tragique à laquelle certains se livrent. Ils instrumentalisent un drame pour appuyer leurs revendications quelques heures à peine après l'accident. Je considère que nous devons faire preuve de dignité - et celle-ci fait partie des valeurs qui nous animent tous aujourd'hui.

 

Ensuite, distinguez bien la question de la sécurité ferroviaire des voyageurs et celle de la sécurité au travail. La première a, par exemple, été illustrée le matin même, quand des automobilistes n'ont pas respecté des règles élémentaires du Code de la route et ont, de la sorte, provoqué un accident ferroviaire. Quant à la seconde, si elle en est parfois proche, elle n'en constitue pas moins un autre problème. Lorsque Mme Dutordoir s'est présentée devant la commission de l'Infrastructure, elle a indiqué que le taux d'accidents internes à l'activité ferroviaire, dans la catégorie des accidents du travail, était supérieur à la moyenne du taux d'accidents qui surviennent dans le secteur industriel - pour prendre un point de comparaison.

 

Il convient aussi d'attendre les résultats des différentes enquêtes qui sont en cours avant d'émettre un jugement. C'est certainement plus approprié avant de tirer des conclusions. Vous dire quand les résultats de ces enquêtes nous parviendront, je n'en sais rien. Je pense qu'Infrabel et la SNCB nous communiqueront les leurs dans un délai assez court.

 

Par contre, l'organe officiel d'enquête fédéral, qui mène une enquête encore plus approfondie, et l'enquête judiciaire prendront beaucoup plus de temps. Je ne dispose pas des leviers pour agir sur ces enquêtes.

 

Je peux aussi vous affirmer qu'aucune économie n'a jamais été réalisée sur la sécurité. Vous n'avez jamais entendu au sein de la commission de l'Infrastructure, qui assure le suivi des travaux de la commission Buizingen, que les moyens manquaient en matière de sécurité ferroviaire. Je suis le premier à dire que la sécurité est la priorité numéro 1, que ce soit pour les voyageurs ou les travailleurs. Les CEO des deux entreprises adhèrent totalement à cet objectif. Malheureusement, le risque zéro n'existe pas. Mais c'est un idéal vers lequel il faut tendre, en améliorant toujours les processus et les méthodes.

 

Quatre enquêtes sont en cours. Je souhaite que nous puissions comprendre au plus vite ce qu'il s'est passé. Tenir compte des accidents pour renforcer la sécurité est un processus continu et indispensable, qui doit être discuté - comme le disait M. Maingain - dans des organes internes à la SNCB et dans l'organe fédéral de sécurité qui dépend de mon collègue M. Ducarme.

 

Enfin, en ce qui concerne les investissements, aucune économie en matière de sécurité n'a été réalisée ou ne sera réalisée dans les prochains plans pluriannuels d'investissement (PPI) de la SNCB et d'Infrabel par rapport aux précédents. Ceux qui disent le contraire voudraient instaurer un climat de peur qui serait intolérable.

 

Du point de vue du remplacement du personnel, Mme Dutordoir a indiqué ce matin dans la presse que chaque départ à la pension d'un membre du personnel opérationnel, en particulier le personnel roulant et celui de la sécurité, serait remplacé "un pour un". Elle citait d'autres professions, par exemple dans l'administration, où les proportions seraient bien différentes.

 

J'espère que la dignité et le respect l'emporteront dans l'analyse de cet accident et des conclusions qu'il conviendra d'en tirer. Il faut tirer ces conclusions et il faut adopter les process nécessaires si c'est indispensable pour ne plus que pareil accident se produise. Je ferai aussi remarquer que tous les travailleurs qui étaient présents lors de cet accident sont des travailleurs expérimentés, qui avaient "de la bouteille" et une large expérience derrière eux. On ne peut même pas incriminer un système de formation de jeunes techniciens.

 

Je dois bien vous avouer qu'il y a des choses surprenantes dans la presse. Comme vous, je me pose des questions. Mais ce sont les enquêtes qui, de manière indépendante, devront déterminer exactement les circonstances et surtout les causes de cet accident qui est un accident de trop.

 

De toute façon, chaque fois qu'un accident se produit, c'est un accident de trop! Mais comme je l'ai indiqué, toute activité humaine est sujette à risques et ces derniers doivent être réduits. Toutefois, si les supprimer définitivement est l'idéal vers lequel on doit tendre, il est impossible à atteindre tant l'activité humaine est dépendante des conditions d'exécution.

Réplique de Laurent Devin

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je pense que c'est dans l'unité et la dignité que l'on peut faire face à des drames comme celui que nous avons vécu lundi à Morlanwelz.

 

Le groupe socialiste sera aux côtés de toutes celles et ceux qui sont en train de mener les enquêtes. C'est dans la volonté partagée de faire toute la lumière sur cet accident dramatique que nous aiderons les familles des victimes à comprendre l'impensable et que nous permettrons aussi au personnel de la SNCB et d'Infrabel de continuer à œuvrer dans le sens de l'intérêt général pour le service aux citoyens dans des conditions de sécurité maximales.

 

Dès la semaine prochaine – et c'était notre demande –, nous serons en commission avec vous, monsieur le ministre, avec le ministre Ducarme, avec les CEO de la SNCB et d'infrabel et aussi avec le représentant des cheminots, pour commencer à comprendre ce qui a mené à ce drame. C'est notre devoir pour la grande famille des cheminots et aussi pour l'ensemble des navetteurs et des citoyens marqués par ce drame.