Question de Daniel Senesael à Denis Ducarme, ministre de l'Agriculture, sur le Glyphosate

Monsieur le ministre, vous le savez, en matière de sécurité alimentaire, on n'a pas le droit de jouer au pyromane. L'alimentation est trop importante pour la santé pour se permettre de prendre des risques. Et quand des doutes surgissent, il est du devoir du gouvernement de tenter de protéger la population en appliquant le principe de précaution. En l'occurrence, il faut que le gouvernement fédéral cesse d'ignorer les nombreux signaux d'alarme relatifs au glyphosate.

 

Depuis que ce dernier a été classé comme substance cancérigène probable par le Centre international sur le cancer de l'ONU, de nombreux citoyens sont inquiets et demandent à être protégés contre les risques liés à cette substance que l'on retrouve dans le Roundup de la firme Monsanto. Nos concitoyens ont raison de s'inquiéter, surtout que le scandale des Monsanto Papers a révélé que la firme américaine avait payé des scientifiques pour expliquer que le glyphosate n'est pas cancérigène.

 

Le très sérieux journal Le Monde a aussi fait l'objet d'une calomnieuse campagne financée par Monsanto pour attaquer les scientifiques mettant en évidence la dangerosité du Roundup.

 

Que faut-il de plus pour appliquer le principe de précaution et voter en faveur de l'interdiction du glyphosate sur le territoire européen? Une question simple appelle une réponse claire. Le 25 octobre prochain, les États membres se prononcent sur l'autorisation du glyphosate en Europe. La Belgique va-t-elle voter pour ou contre?

Réponse de Denis Ducarme

C'est un sujet auquel je suis particulièrement attentif. Comme nous le savons, le glyphosate est un produit phytopharmaceutique utilisé en particulier par le secteur agricole. Ses substances actives sont notamment présentes dans certains herbicides. Le secteur agricole est aujourd'hui très dépendant de ce produit parce qu'il s'agit de la seule substance systémique totale disponible pour le désherbage. Ce produit fait l'objet d'une controverse scientifique liée au risque de présence de résidus sur les cultures traitées.

 

En effet, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) considèrent que le glyphosate est toxique à une certaine dose mais n'est pas cancérogène. Par contre, comme vous l'avez indiqué, le Centre international de recherche dépendant de l'OMS le classe comme probablement cancérogène. Je remets ici les éléments de la controverse scientifique ainsi présentés.

 

Par contre, vous l'avez dit, l'autre controverse, celle des Monsanto papers est évidemment un élément qui remet un peu de trouble dans ce dossier. Il n'est, dès lors, pas étonnant de voir une forme de mobilisation, même populaire. On ne peut ignorer que 1,3 millions de personnes ont signé un document sur la question du glyphosate, demandant plus de transparence, plus de rigueur, etc. Il est clair que nous devons être extrêmement attentifs à l'ensemble de ces éléments.

 

Monsieur Senesael, vous parliez de devoir. Nous avons le devoir de nous positionner avec calme et rigueur. Or, je constate aujourd'hui qu'il y a certains doutes. Vous disiez qu'il n'y a pas de consensus sur le plan européen. Mais vous savez qu'il ne faut pas de consensus et que la décision sera prise à la majorité qualifiée. Aujourd'hui, certains doutent que cette proposition de la Commission passe la rampe.

 

Je souhaite, dès lors, vraiment déterminer la position belge dans le calme et avec rigueur. Dans ce cadre, je veillerai à obtenir des éclaircissements auprès de la Commission européenne. Pour ce faire, j'ai formellement transmis des questions qui portent, d'une part, sur le choix du délai, de la durée de renouvellement et, d'autre part, sur le fait qu'à ce stade, la proposition de la Commission européenne n'implique pas de démarche visant à rechercher des méthodes alternatives.

 

J'attends la réponse de la Commission européenne. Elle nous permettra de parfaire l'instruction du dossier et de déterminer la position belge dans ce cadre.

Réplique de Daniel Senesael

Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses. Quand une substance comme le glyphosate est considérée comme cancérigène probable, le gouvernement a le devoir de protéger la population. À ce que je sache, la santé des gens n'est pas le nouveau jeu de la télé-réalité! Êtes-vous incapable d'entendre et de comprendre depuis maintenant des mois – avec la pétition qui circule dans toute l'Europe – les demandes légitimes de la population en faveur d'un autre modèle alimentaire, avec moins de produits chimiques nocifs pour la santé et pour l'environnement?

 

Pour développer ce nouveau modèle alimentaire, les agriculteurs sont en première ligne. Je viens d'une modeste commune où les agriculteurs sont nombreux. Quand je demande l'interdiction du glyphosate, je pense avant tout à leur santé. Au lieu de maintenir le glyphosate, vous feriez mieux d'aider les agriculteurs à développer des alternatives non nocives. C'est votre devoir de ministre de l'Agriculture!