Question de Paul-Olivier Delannois à Kris Peeters, ministre de l'Emploi, sur le licenciement collectif à la résidence "L'Elysée" à Tournai

Monsieur le ministre, dans ma commune, à Tournai, la direction de la résidence l'Élysée qui s'occupe de personnes handicapées a décidé de licencier neuf travailleurs temps plein afin de les remplacer par seize travailleurs à temps partiel issus du secteur paramédical. C'est une nouvelle technique: couper des têtes pour avoir plus de bras à prix réduit.

 

Soyons clairs! D'après les éléments en ma possession et au vu de la santé financière de cette institution, la brutalité de cette décision est injustifiable, tant d'un point de vue social, pédagogique qu'économique. C'est donc tout naturellement que les travailleurs ont fait le choix de dénoncer ces licenciements abusifs et, faute de dialogue social, une grande partie de ces travailleurs sont partis en grève.

 

Évidemment, il faut assurer la continuité du service, garantir la dignité et le bien-être des résidents de l'institution. Mais, monsieur le ministre, la façon dont a été organisé le service minimum pose énormément de questions. En effet, faute d'accord, la direction a "unilatéralement" interpellé vos propres services afin d'interpréter la convention collective du travail dans le secteur. Cela a conduit à la réquisition, par ordre de police, du personnel gréviste.

 

Là où cela devient interpellant, monsieur le ministre, c'est qu'il y a eu plus de travailleurs réquisitionnés que de travailleurs présents en temps normal. Ceci pose évidemment des questions quant aux conditions de travail dans cette institution mais démontre également que le but n'était pas simplement d'assurer le service minimum mais bien de rendre impossible le droit de grève. Pire, les travailleurs sous certificat médical avant le mouvement de grève ont également été réquisitionnés.

 

Monsieur le ministre, sur quelle base légale a eu lieu la réquisition du personnel éducatif? Comment le personnel réquisitionné a-t-il été choisi? Pourquoi le personnel français n'a-t-il pas été réquisitionné? Avant de prendre votre décision, avez-vous entendu les représentants du personnel? Si non, pourquoi? Comment vous êtes-vous assuré que les réquisitions ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit d'actions collectives? Enfin, comment pouvez-vous garantir que votre interprétation de la convention collective du travail ne soit pas utilisée par d'autres employeurs pour remettre en cause le droit de grève dans ce secteur?

Réponse de Kris Peeters

Monsieur Delannois, vous savez très bien que le droit de grève est un droit fondamental garanti en Belgique. Il est très important de le répéter. Vous savez aussi très bien que dans ce secteur d’activités de la résidence l'Élysée, il existe une décision sectorielle qui définit les prestations minimales en cas de grève. Le nombre de travailleurs réquisitionnés a été déterminé par mon administration, comme vous l’avez dit, sur la base de cette décision en tenant compte du nombre de résidents de l'institut.

 

Les réquisitions concernaient la période du 27 septembre au 4 octobre. Une première conciliation sur le fond a eu lieu le 28 septembre et l’employeur ayant refusé de renoncer au licenciement, les organisations syndicales ont refusé de suspendre la grève. Le bureau de conciliation a dû constater l’absence d’accord. Le conciliateur social en charge du secteur et de ce conflit poursuit ses efforts afin de réunir les conditions d’une conciliation fructueuse.

 

La grève se poursuivant, une nouvelle demande de réquisition a été introduite par l’employeur et maintenant, monsieur Delannois,- écoutez bien! - cette fois, la commission paritaire restreinte est arrivée à un accord. Les travailleurs devant assurer les prestations minimales ont été désignés par cette commission. Vous savez très bien, et je vous le précise, que celui-ci est composé de représentants des organisations syndicales et patronales et présidé par un fonctionnaire de mon administration

Réplique de Paul-Olivier Delannois

Monsieur le ministre, je ne suis, bien entendu, pas d'accord avec votre interprétation. Je crois que vous avez fait une erreur lors de la réquisition. Vous avez du mal à le reconnaître, mais ce n'est pas grave car les faits parlent d'eux-mêmes. En effet, à situation inchangée, vous réquisitionnez la semaine dernière et vous ne le faites plus aujourd'hui. C'est une sage décision, mais pourquoi en avoir pris une autre la semaine dernière?

 

Monsieur le ministre, dans une vie professionnelle antérieure, j'ai dirigé une institution pour personnes déficientes mentales. Je connais bien le rôle de directeur, qui est important. Cependant, le rôle de l'éducateur est primordial. Le rapport entre l'éducateur et la personne handicapée est fusionnel, passionnel, fraternel, voire parental. Et, pour des raisons financières sordides ou des raisons philosophiques portant sur le droit de grève, vous ne pouvez pas casser ce lien.

 

Vous pouvez réparer votre erreur en vous intéressant personnellement au fonctionnement de cette institution. Et vous découvrirez certainement, en votre qualité de ministre de l'Emploi, des choses très interpellantes. Vous pourrez, j'en suis certain, avoir une autre approche que celle considérant les éducateurs comme des kleenex et les personnes handicapées comme des marchandises! C'est votre devoir moral