Question de Julie Fernandez-Fernandez à Charles Michel, Premier ministre, sur le référendum catalan

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, dimanche dernier, j'ai suivi de près l'actualité espagnole. Vous avez été le premier dirigeant européen à condamner la violence policière survenue lors du référendum organisé par le gouvernement catalan. Comme vous, nous condamnons sans réserves la violence digne d'un régime d'un autre temps, qu'a subie l'Espagne pendant près de quarante ans. Dans une démocratie, on ne peut jamais opposer les matraques aux urnes.

 

Mais le temps de l'indignation et de l'émoi étant passé, est venu le temps de l'analyse et des solutions. Malheureusement, un tweet ne sera pas suffisant. Le dialogue, prôné par l'opposition espagnole depuis des mois face à un gouvernement sourd, est sans aucun doute la clé à cette crise opposant l'unité d'un État aux séparatistes.

 

Monsieur le premier ministre, nous ne pouvons pas rester indifférents aux déclarations faites ces derniers jours dans la presse par vos partenaires de majorité. Jan Peumans, président N-VA du Parlement flamand déclarait d'ailleurs le 27 septembre à la presse que, lorsque les résultats du référendum en Catalogne seraient connus, il s'agirait de s'y plier et de reconnaître la Catalogne comme un État indépendant. Nous connaissons aussi la proximité de votre vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur avec le parti de Carles Puigdemont et le soutien de M. Francken avec la cause catalane.

 

Oui, il y a matière à s'inquiéter, surtout que le Parlement catalan s'apprête à déclarer son indépendance lundi.

 

Monsieur le premier ministre, confirmez-vous reconnaître l'unité de l'État espagnol? Confirmez-vous reconnaître l'intangibilité des frontières de l'Espagne? En résumé, dans ce dossier, jusqu'où suivrez-vous vos partenaires nationalistes de la N-VA? Reconnaissez-vous le résultat issu des urnes lors du référendum de dimanche?

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, chers collègues, la semaine passée, jeudi et vendredi, nous étions réunis en Conseil européen avec, à l'ordre du jour, la relance du projet européen. L'ambition est de rendre l'Europe plus efficace, plus près des préoccupations des citoyens et de considérer que l'Europe était une idée du siècle passé qui est fondée sur des valeurs de paix, de sécurité, de liberté.

 

Trois jours plus tard, le dimanche, nous avons été confrontés à ces images à la suite de ce référendum qui a été organisé et considéré comme illégal par la Cour constitutionnelle espagnole. J'ai été choqué. Ma réaction a d'abord été instinctive, intuitive.

En ma qualité de premier ministre, j’ai voulu lancer un signal clair. Le recours à la violence est proscrit en Europe. En aucun cas la violence ne peut constituer une réponse à une crise politique

 

Ma conviction sur ce sujet est qu'il faut se mobiliser, avec les pays de l'Union européenne, pour encourager le dialogue politique. Je dois dire avec beaucoup de franchise, monsieur Delpérée, que j'ai là une divergence de vue fondamentale avec vous. Là où vous parlez d'ingérence, je parle de la détermination à faire valoir les vertus du dialogue politique sur le sol européen.

 

J'ai constaté d'ailleurs que lundi, quelques heures après les événements de dimanche, la Commission européenne a réagi en prenant ses distances avec la violence et en encourageant le dialogue politique. Je souscris à cet appel appuyé par la Commission européenne.

Ces derniers jours, mes services ont multiplié les discussions à l'échelon européen. Hier, j'ai rencontré M. Tusk et j'ai eu un entretien téléphonique avec M. Juncker. Nos conseillers diplomatiques ont également eu des contacts avec d'autres pays européens.

 

Pour l'instant, nous sommes sur la même longueur d'onde: en finir avec la violence, laquelle n'est pas une réponse politique et promouvoir en priorité un dialogue en Espagne entre les autorités catalanes et le gouvernement de Madrid.

 

À ce stade, je ne soutiens pas encore une médiation internationale ou européenne. Dans les prochains jours, la priorité consiste à amorcer le dialogue en Espagne. Nous évaluerons peut-être la situation ultérieurement, en fonction de son évolution. Un état des lieux sera dressé ce mois-ci, lors d'un prochain sommet européen, sur la base d'éléments et de faits nouveaux.

 

À propos de la reconnaissance de l'indépendance, je souhaite être clair.

 

Il n'est évidemment pas question de s'exprimer sur un sujet qui à ce stade-ci n'est pas posé. Une initiative a été prise. Elle est contestée par les autorités espagnoles et par la Cour constitutionnelle. Nous verrons en quoi consisteront les développements futurs. Je serai conséquent. Nous ne pouvons à la fois vouloir un dialogue et déjà préjuger des conséquences de celui-ci.

 

Point complémentaire extrêmement important à mes yeux: nous allons être très, très engagés dans un cadre européen pour veiller à ce que l'État de droit dans toute sa dimension, les principes démocratiques, l'ordre national sur le plan juridique puissent être pris en considération dans le cadre de ce dialogue tellement nécessaire.

Enfin, en dépit des divergences de vues fondamentales au Parlement sur l'avenir de la Belgique, nous avons, au cours des trois dernières décennies, toujours trouvé des solutions par la voie du dialogue et dans le respect de nos principes démocratiques. Il s'agit, selon moi, d'un enseignement important pour l'avenir.

Réplique de Julie Fernandez-Fernandez

Monsieur le premier ministre, il faut évidemment entendre la volonté et l'expression de tous les peuples. Quand on parle de l'avenir de l'Espagne, c'est avec tous les Espagnols qu'il faut le construire: avec les Catalans mais aussi avec tous les autres, les Andalous, les Asturiens, les Galiciens et les Basques.

 

Monsieur le premier ministre, je vous avais demandé une réponse plus courte qu'un tweet; il s'agissait de me dire oui ou non. Je ne sais si ce sont les badges de vos collègues de la N-VA ou les drapeaux dans leurs couloirs qui vous font peur, mais je n'ai pas obtenu de réponse! En refusant aujourd'hui de me donner une réponse claire, vous fragilisez l'unité de l'Espagne et vous ouvrez une voie dangereuse pour l'Union européenne, un précédent hasardeux, surtout quand on connaît la composition séparatiste de votre gouvernement.

 

L'Europe a toujours été un projet de paix basé sur la diversité de nos peuples mais aussi et surtout sur l'État de droit, dans ce dossier comme dans tant d'autres.