Question d'Ozlem Ozen à Philippe De Backer, secrétaire d'Etat à la Vie privée, sur le screening des participants à Tomorrowland

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, comme vous le savez, notre pays accueille de nombreux festivals, tellement réputés que les festivaliers affluent chaque année du monde entier pour danser sur des rythmes endiablés. Même si M. Vermeulen n'est pas allé à Tomorrowland - dont il ne passerait peut-être même pas le screening -, ce festival participe au rayonnement international de notre pays.

 

Malheureusement, cette année, 400 000 festivaliers ont fait l'objet d'un screening à partir de données qu'ils ont encodées lors de l'achat de leur billet. Il s'agit d'une méthode disproportionnée puisqu'elle est généralisée. Leur consentement ne leur a pas été demandé. Cette méthode a été appliquée de façon massive, sans critère déterminé.

 

Je tiens également à rappeler que la Cour européenne des droits de l'homme est très claire à cet égard. Il s'agit d'une méthode complètement disproportionnée. La Commission de la Protection de la vie privée regrette ne pas avoir été consultée au préalable à la mise en œuvre de cette initiative. Elle estime également cette pratique illégale. Elle s'est désolidarisée du contrôle effectué par la police fédérale.

 

Monsieur le ministre, je ne vais pas répéter toutes les questions qui ont été avancées aujourd'hui par mes collègues. Comment a-t-on procédé? Sur la base de quels critères? La première conséquence, c'est que l'accès a été refusé à 38 personnes. Pouvez-vous nous donner des informations complémentaires à leur sujet? Ces personnes sont-elles connues pour des faits de radicalisme, de terrorisme? Vont-elles être fichées sur une liste noire? Quelles seront les conséquences futures, éventuellement pour leur liberté de circuler? Vont-elles pouvoir reprendre l'avion et retourner aux États-Unis, par exemple?

 

Messieurs les ministres, quelles suites allez-vous apporter à ce dossier?

Réponse de Philippe De Backer & Jan Jambon

Jan Jambon: Bien que ce ne soit pas là l'essentiel, je voudrais confirmer que l'absence de M. Vermeulen à Tomorrowland n'a aucun lien avec le screening.

 

L'essentiel est que l'on pose ici des questions pertinentes. Il serait bien plus ennuyeux de devoir

répondre à des questions si un festivalier connu de la police avait commis un attentat à Tomorrowland.

 

Si les autorités locales ont sollicité l'aide et la collaboration de la police fédérale, c’est en raison du fait qu’après avoir réalisé une analyse locale du risque, elles ont eu à cœur d’assurer la sécurité de leur festival, ce qui est une attitude très saine.

 

Les noms des détenteurs de billets ont été fournis par la Banque de données nationale générale (BNG). Étant donné que ce fichier ne se limite pas à mentionner les condamnations, les résultats ont été ensuite interprétés sur la base de trois critères: le terrorisme, le trafic de drogues et les fauteurs de troubles.

 

On peut encore améliorer la communication et nous le ferons. Le comité P et la Commission de la protection de la vie privée mènent une enquête. Sur la base des résultats, nous améliorerons les processus.

 

Il nous incombe, dans le respect de la protection de la vie privée et de l’État de droit, d’assurer la sécurité des dizaines de milliers de festivaliers.

Philippe De Backer: La sécurité lors de grands événements est naturellement une mission essentielle des autorités, mais ce screening soulève de nombreuses questions, notamment à propos du fondement légal d’un règlement local, de la communication, des critères d’exclusion et de l’absence de  possibilités de recours. En outre, la banque de données utilisée n’est peut-être pas le meilleur outil car elle n’inclut par exemple pas les étrangers. Un tel screening ne peut en aucun cas être une porte ouverte à l'arbitraire. C’est pourquoi je me réjouis que la méthode de screening soit soumise à une étude.

 

La sécurité est un aspect essentiel mais il convient de veiller à l’équilibre. Je me pose de sérieuses questions quant à la proportionnalité et l’efficacité de ce screening de masse. Nous  devons continuer à opter pour des mesures susceptibles d’accroître la sécurité réelle lors de grands événements, tout en respectant l’État de droit, les contrepoids (checks and balances) et la protection de la vie privée.

Réplique d'Ozlem Ozen

Monsieur le ministre, il faut évidemment garantir la sécurité des festivaliers, surtout quand nous sommes au niveau 3 de la menace.

 

Nous ne sommes pas opposés à des mesures comme l'organisation de contrôles à l'entrée de festivals ou le placement de portiques de sécurité. Ce sont des mesures qui sont proportionnées, qui peuvent être acceptées par tous au vu des risques encourus.

 

Cependant, ici, il est question - et cela pose véritablement problème - d'une mesure excessive, généralisée, sans critère prédéterminé, prise pour Tomorrowland et peut-être pas pour d'autres évènements sportifs ou d'autres rassemblements où des risques existent également. Je souhaite rappeler que nous sommes dans un État de droit et que la police doit aussi respecter les règles et surtout la vie privée des citoyens.