Question de Stéphane Crusnière à Charles Michel, Premier ministre, sur la taxe sur les transactions financières

Monsieur le premier ministre, nous sommes devant une échéance décisive pour la mise en place de la taxe sur les transactions financières. La société civile monte une nouvelle fois au créneau. La TTF, c'est maintenant ou jamais!

 

En évoquant la TTF et la coopération renforcée, vous avez déclaré: "Nous devons réussir à lever les obstacles techniques et politiques. C'est une question d'élémentaire équité". Vous avez fait cette déclaration à la tribune de l'ONU. Vous tenez donc ce genre de discours à l'étranger. En revanche, vous avez beaucoup de mal à dompter votre ministre des Finances.

 

En effet, de l'aveu même de la Commission européenne - Pierre Moscovici nous l'a rapporté en commission -, l'attitude de la Belgique a radicalement changé. Le ministre des Finances a visiblement mis beaucoup d'énergie à trouver des inconvénients à l'entrée en vigueur de cette taxe. Certains autour de la table parlent même d'une stratégie de pourrissement. Nous aurons tout entendu. Il a ainsi été question d'un problème pour la dette publique. Or, monsieur le premier ministre, si elle se porte mal, c'est davantage à cause de votre politique budgétaire que de la TTF. On a aussi invoqué des lacunes dans les négociations avec nos partenaires du Benelux - comme si l'on découvrait subitement que les Pays-Bas et le Luxembourg ne participaient pas à la coopération renforcée. Puis, on a parlé de difficultés avec les fonds de pension. C'est une tentative de faire accroire que la TTF allait attaquer les retraités belges, alors que votre gouvernement s'en charge sans le moindre scrupule.

 

Bref, monsieur le premier ministre, se tient donc la semaine prochaine un ECOFIN en marge duquel les États participant à la coopération renforcée vont se voir et attendre le feu vert - ou rouge - de la Belgique.

 

Pourriez-vous nous dire, monsieur le premier ministre, si vous allez définir un mandat clair avec votre ministre des Finances et si la Belgique va définitivement accepter l'ultime compromis qui est sur la table?

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, c'est un débat que nous avons eu à quelques reprises ces derniers mois en séance plénière. Et, une nouvelle fois, je vais rappeler un certain nombre d'éléments, y compris factuels.

 

Comme vous l'avez dit, monsieur Gilkinet, nous soutenons - l'accord de gouvernement le précise expressément -cette ambition de progresser sur le plan européen pour mettre en place une taxe sur les transactions qui ont un caractère spéculatif. C'est ce qui est prévu par l'accord de gouvernement et je confirme, mot pour mot, ce que j'ai déclaré à la tribune des Nations unies. Je crois effectivement que nous devons nous engager dans cette voie et lever les obstacles techniques et politiques sur le sujet en question.

 

Je ne peux pas accepter que, séance après séance, on tente de culpabiliser la Belgique et le ministre des Finances par des tissus de contrevérités! Un élément factuel: si la Belgique ne participait pas, il est possible pour les pays de le faire sans nous. Pourquoi ne le font-ils pas sans nous, si c'est si simple que cela?

 

Deuxième élément. Il faut ouvrir les yeux par rapport à cela.

Le contexte politique européen a fort évolué ces derniers mois. J’en ai assez de l’hypocrisie dans ce dossier. L’Allemagne s’inquiète de la situation après le Brexit et la France doute ouvertement. La Belgique œuvre en faveur d’un accord et j’ai l’intention de faire inscrire le plus rapidement possible la taxe sur les transactions financières (TTF) à l’ordre du jour européen. Je n’accepterai pas plus longtemps que le gouvernement belge soit culpabilisé systématiquement dans ce dossier.

Réplique de Stéphane Crusnière

Monsieur le premier ministre, vous êtes mal à l'aise dans ce dossier. Votre énervement ici le prouve encore.

 

Ma question était toute simple: oui ou non, allez-vous accepter le compromis qui est sur la table? Vous noyez le poisson et vous ne répondez pas. Vous vous êtes quand même montré relativement clair avec cette phrase: "Il est possible de le faire sans nous." Ce qui vient d'être déclaré ici est symbolique.

 

C'est encore une nouvelle fois, monsieur le premier ministre, une preuve que vos mots sur votre attachement au projet européen ne sont que de la "com". Monsieur le premier ministre, si vous croyez au projet européen, c'est maintenant ou jamais que vous devez nous le montrer, et dire oui à plus de justice fiscale.

 

Par ailleurs, nous sommes aussi impatients et attentifs quant à la décision que vous prendrez sur la fairness tax. Monsieur le premier ministre, c'est le moment ou jamais de montrer que, cette fois, vous résisterez à la pression de votre partenaire de la N-VA, dont on sait qu'il est opposé à ce projet.