Question de Gwenaëlle Grovonius à Charles Michel, Premier ministre, sur la demande d'avis de la CJUE sur le CETA

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, l'opposition au CETA a animé nos débats à de nombreuses reprises. On se souviendra, évidemment, de l'importante mobilisation des citoyens, de la société civile, mais aussi du monde politique sur ce traité. On se souviendra également du travail qui a été réalisé dans nos assemblées parlementaires ainsi que par le gouvernement wallon, en particulier par son ministre-président, Paul Magnette, qui a obtenu d'importantes avancées pour défendre nos services publics, nos normes sociales et environnementales.

 

Parmi ces acquis wallons, il y a notamment la demande, par la Belgique, d'un avis à la Cour de justice de l'Union européenne sur l'incompatibilité du mécanisme ICS relatif au règlement des différends dans le cadre des traités européens.

 

Monsieur le premier ministre, j'entends que vous ralliez ces avancées. C'est, sans doute, pour cette raison que, depuis le mois d'octobre, autrement dit depuis sept mois, le fédéral traîne les pieds et refuse d'introduire cette demande liant cette dernière à un autre avis de la Cour de justice sur un traité entre l'Union européenne et Singapour.

 

Cet avis ayant été rendu ce 16 mai, vous n'avez plus d'excuse. Nous pouvons, à présent, avancer dans ce dossier.

 

Monsieur le premier ministre, quand la Belgique va-t-elle, enfin, demander l'avis dont question à la Cour de justice de l'Union européenne? Pouvez-vous vous engager, aujourd'hui, quant à un dépôt avant cet été? Le ministre-président, Paul Magnette, vous a adressé un projet de mémoire, le 15 mars. Pouvez-vous nous confirmer que la contribution des Affaires étrangères sera rapidement apportée?

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, je vous avoue avoir été quelque peu étonné par un certain nombre de messages qui ont été délivrés dans le cadre de la question. Je vais m'efforcer, pour ce qui me concerne, de présenter les faits tels qu'ils se situent et tels qu'ils peuvent l'être de manière la plus objective et la plus rationnelle possible.

 

Premier point. Dans le cadre de l'accord entre le gouvernement fédéral et les entités fédérées, au moment du processus qui a concerné le CETA, comme vous l'avez dit, acquis très impressionnant de la part du gouvernement wallon, il a été convenu qu'un avis allait être demandé. Cet avis sera effectivement demandé, comme je l'ai dit à cette tribune, à la lumière de l'avis rendu par Singapour. Sans attendre cet avis, nous avons lancé, depuis plusieurs mois, la procédure pour préparer les documents juridiques à l'appui de l'avis. Nous sommes donc maintenant en mesure de finaliser les argumentaires juridiques pour pouvoir les introduire.

 

Vous avez été mal informée, madame Grovonius, puisque, certes des informations ont été communiquées au mois de mars mais, par exemple, des éléments complémentaires venant du gouvernement wallon ont été reçus, il y a quelques jours seulement, par le gouvernement fédéral. Nous allons donc tout mettre en œuvre pour réussir, le plus vite possible et probablement autour de l'été, à formuler cette demande d'avis, de manière loyale, comme cela avait été convenu au sein du Comité de concertation, au moment de la procédure sur le CETA.

 

Deuxième point. Vous faites une lecture, disons, très partiale, unilatérale, selon moi, de cet avis rendu sur Singapour qui est en fait beaucoup plus nuancé que ce que vous semblez indiquer. Monsieur Van Hees, permettez-moi de vous dire que vous vous trompez aussi sur ce sujet, puisque la décision rendue sur Singapour correspond très exactement au plaidoyer juridique que le gouvernement fédéral belge a fait en cours de procédure. Cela veut dire quoi? Cela veut dire qu'effectivement, il y a maintenant de la clarté.

Des clarifications ont été apportées sur la répartition, le rôle du Parlement européen et les compétences exclusives, ainsi que sur les compétences mixtes dans le cadre desquelles les parlements nationaux devront se prononcer. Cela pourrait effectivement modifier à l'avenir l'approche des négociations des traités. La discussion se mènera à l'échelon européen.

 

Quelle est la réalité? Les mécanismes d'investissement et les mécanismes de résolution des conflits font l'objet de compétences mixtes, comme le fédéral l'a plaidé dans le cadre de la procédure. Par contre, les autres aspects seront traités par le Parlement européen.

 

Cela me surprend, monsieur Van Hees, quand je vous entends donner des leçons de démocratie, qui sont peut-être inspirées par vos sympathies cubaines, car le Parlement européen est un parlement démocratique avec des élus qui le sont au suffrage universel de manière directe. Je ne peux pas accepter l'idée que, quand le débat a lieu au Parlement européen, il ne serait pas démocratique. Il y a là une divergence de vues fondamentale entre vous et nous. Merci!

Réplique de Gwenaëlle Grovonius

Merci, monsieur le premier ministre, pour ces éléments de réponse. J'ai été très bien informée: je sais notamment que le 30 mai se tiendra une réunion entre le fédéral et les entités fédérées. La contribution des Affaires étrangères sera attendue dans ce cadre. Je regrette, monsieur le premier ministre, de ne pas vous avoir entendu sur des délais plus clairs et sur un engagement précis de la part du fédéral d'amener cette contribution pour que cette demande d'avis à la Cour européenne de justice puisse évidemment arriver dans les plus brefs délais.

 

Monsieur le premier ministre, je n'ai pas envie de faire preuve de naïveté. Et j'aimerais que vous vous engagiez de manière très claire. Ce n'est pas le cas, et je le regrette. Il est inimaginable qu'on puisse encore retarder cette demande d'avis à la Cour européenne de justice. Et j'espère vraiment que nous pourrons avancer rapidement dans ce dossier.