Question de Gwenaëlle Grovonius à Charles Michel, Premier ministre, sur l'accession de l'Arabie Saoudite à la commission de la condition de la femme de l'ONU

Monsieur le premier ministre, l'Arabie saoudite a effectivement été élue au sein de la Commission pour les droits de la femme. Malheureusement, lorsque nous avons interrogé le ministre Reynders hier, nous avons eu le sentiment que la Belgique avait soutenu cette candidature et cette élection. La question que nous lui avons posée hier était simple: quel a été le vote de la Belgique? Et la réponse qui nous a été donnée était tout simplement révoltante, monsieur le premier ministre.

 

Tout d'abord parce que M. Reynders a utilisé une incroyable langue de bois pour essayer de justifier par des circonvolutions pourquoi la Belgique avait émis un vote, sans oser dire que ce vote était favorable à l'Arabie saoudite. Ensuite parce qu'il n'a aucunement assumé ses responsabilités, prétendant même qu'il n'était pas au courant de ce vote. Si tel est le cas, c'est d'autant plus révoltant.

 

Malgré ces circonvolutions, nous avons compris que M. Reynders et notre diplomatie avaient soutenu cette candidature. Sachant la situation et la condition de la femme dans ce pays, nous sommes tout à fait mécontents de cette décision.

 

Mon groupe et moi-même sommes partisans du multilatéralisme et du dialogue. Mais il y a des limites et nous ne pouvons pas non plus remettre en cause de manière fondamentale nos valeurs. Nous devons rester en lien avec ces valeurs de démocratie qui sont les nôtres. Dire oui à la désignation de l'Arabie saoudite au sein d'une Commission pour les droits de la femme, dans un pays où les femmes n'ont aucun droit, c'est tout bonnement une honte, mais aussi un scandale révoltant!

 

Monsieur le premier ministre, la Belgique a-t-elle voté, oui ou non, pour cette désignation? Et quelle est votre position quant à cette désignation?

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, chers collègues, je vais d'abord évoquer les faits tels qu'ils m'ont été rapportés avant de répondre, le plus précisément possible aux interpellations qui, à juste titre, m'ont été adressées.

 

D'abord les faits. Effectivement, dans les enceintes multilatérales, des désignations et des votes interviennent très régulièrement. La plupart du temps, comme au sein des Nations unies, cela se passe sans procédure de vote au sens strict, au travers la procédure du clean slate qui intervient lorsqu'il n'y a qu'une fonction à pourvoir et qu'un candidat pour la briguer. C'est une pratique très courante dans les organisations internationales.

 

S'agissant de l'élection remise en cause ici, d'une manière inhabituelle, du fait notamment qu'une nouvelle administration vient d'être installée aux États-Unis, une demande a été introduite pour qu'un vote intervienne. Nous en avons été informés. Il n'y a eu que quelques heures entre le moment où le ministère belge des Affaires étrangères en a été informé et le moment où la réponse devait être communiquée.

 

Ainsi, un vote a été exprimé par nos diplomates au nom de la Belgique. Je regrette ce vote. Si c'était à refaire et s'il avait été possible de procéder à une appréciation politique au niveau du gouvernement, j'aurais évidemment plaidé contre un vote favorable. Il n'y a aucune ambiguïté dans cette affaire.

 

S'agissant du droit des femmes, bien-sûr, je le suppose, sur tous les bancs de cette assemblée, nous devons être déterminés à redoubler d'efforts, à promouvoir le droit des femmes ainsi que les valeurs universelles, les droits  de l'Homme. Encore plus certainement après une situation telle que celle-ci. C'est la Belgique, il y a quelques semaines, lorsque les États-Unis ont supprimé des soutiens pour She Decides, qui a décidé de mobiliser des moyens renforcés en faveur de la promotion du droit des femmes.

 

Je comprends que dans le jeu démocratique, on soit tenté de chercher la polémique. Mes réponses sont claires. Un vote a été exprimé. Je ne dis pas que la position est secrète. Je regrette ce vote. Nous tirerons les conséquences pour l'avenir et j'ai donné des instructions pour qu'une appréciation politique puisse se faire au plus haut niveau de manière à ce que cela ne se reproduise pas. Bref, nous sommes totalement déterminés à promouvoir les valeurs universelles et les droits de l'Homme.

Réplique de Gwenaëlle Grovonius

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, vos réponses sont insuffisantes. Vous avez des regrets. J'ai envie de dire: "Ouf! Encore bien!"

 

Sincèrement, un tel vote est un scandale. C'est, comme on l'a dit, une gifle pour les droits des femmes. Vous aviez l'occasion de poser un geste fort. Malheureusement, la Belgique a été aux abonnés absents. Les droits des femmes ont tout bonnement été piétinés par ce vote. Je ne suis pas fière de ma Belgique. Ce vote a déshonoré notre pays sur la scène internationale.

 

Le dernier point que je souhaite mettre sur la table, c'est que cela soulève la question de la responsabilité et de la démission éventuelle du ministre Reynders, qui a osé nous mentir hier en commission en nous disant qu'il n'était pas au courant du vote qui allait intervenir au sein de cette Commission. C'est un scandale!