Intervention de Laurette Onkelinx sur le projet de réforme du (dé)financement de la Sécurité sociale du Gouvernement MR/NVA

Mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, avec ce projet, on arrive à un moment clé, à un moment charnière de l'histoire de ce gouvernement. Il nous avait habitués à toute une série de réformes qui, en réalité, dégradent la qualité de notre État social: toutes les réformes sur les pensions, le saut d'index, la taxation de la consommation. On cadenasse les salaires et pas les dividendes. On en revient à toute une série d'acquis concernant la qualité de l'emploi mais, ici, on atteint des sommets. On s'attaque à la sécurité sociale, pas seulement pour faire des économies ici et là. Non! C'est notre modèle social dans son ensemble qu'on fragilise.

 

 

On le fait, je dirais, dans un contexte particulier. Sous ce gouvernement et ses approximations budgétaires - on sait qu'on est très loin de la goed bestuur qui avait été vantée par un parti du Nord°-, le déficit de la sécurité sociale pour 2017 est trois fois plus important que prévu, essentiellement en raison d'ailleurs de mauvaises estimations budgétaires au niveau fiscal.

 

 

 

Deuxièmement, selon les prévisions du Bureau du Plan, pour atteindre l'équilibre en 2018, il faudra trouver en recettes - on l'espère aussi - et en dépenses, quelque 6,5 milliards d'euros. Enfin, vous avez encore tous en tête les déclarations du président du premier parti de ce gouvernement, Bart De Wever, qui affirmait: "Il n'y a que dans la sécurité sociale que nous pouvons encore grignoter de l'argent." Cela, c'est le contexte.

 

 

 

Effectivement, c'est dans ce contexte-là, c'est dans cette perspective-là que le gouvernement a choisi de nous imposer ce projet de loi sur la réforme du financement de la sécurité sociale. Je suis persuadée, le PS est persuadé qu'avec ce projet, vous offrez vraiment la sécurité sociale comme plat de résistance aux appétits de la N-VA.

 

 

 

Vous savez que la sécurité sociale, c'est pour nous, socialistes, un sujet de première importance. Nous nous sommes toujours battus pour avoir le système de sécurité sociale le plus performant. Le mécanisme de gestion globale, de dotation d'équilibre, de diversification des sources de financement, les verrous de responsabilisation, nous les avons tous développés.

 

 

 

Nous sommes d'ailleurs particulièrement fiers d'avoir réussi à réaliser, avec cette sécurité sociale, un des piliers de notre démocratie. D'ailleurs, partout dans le monde, la Belgique est citée en exemple pour son système de sécurité sociale. Je dirai, à ceux qui la regardent un peu comme un monstre à cinq pattes, que la sécurité sociale n'est pas quelque chose d'abstrait. Il ne s'agit pas d'un fardeau budgétaire que nous devons porter. On dit souvent: "Oui, mais vous savez, c'est difficile. D'ailleurs, avec vous, la sécurité sociale a été en déficit."

 

 

 

Mais oui, évidemment. Et vous avez applaudi cela. Pourquoi? Tout simplement parce qu'en période de crise, la sécurité sociale a été le véritable bouclier de notre État. Nous l'avons remerciée de cela. D'ailleurs, grâce à notre système de sécurité sociale, pendant la crise, notre taux de croissance économique est resté supérieur à celui de l'ensemble des pays de l'Union européenne.

 

 

 

Par contre, il a effectivement fallu en payer un certain prix, qui est tout à fait explicable. Lors d'une crise, il y a moins d'emplois et donc plus de dépenses; il y a moins de cotisations, donc moins de recettes. En plus, pour relancer l'économie, on fait des plans de réduction de cotisations sociales. Nous en avons fait aussi. Cela fait une nouvelle diminution des recettes pour la sécurité sociale.

 

 

 

Ce n'est pas un dysfonctionnement de la sécurité sociale. Il ne s'agit pas d'irresponsables qui ont permis des déficits de la sécurité sociale. C'est inhérent au suivi de la crise d'une part, et aux modalités de relance d'autre part.

 

 

 

La sécurité sociale est le patrimoine commun de tous les Belges. Elle suit nos concitoyens tout au long de leur vie. Et je dirais qu'elle les relie solidairement. Elle permet à tous nos concitoyens de se soigner, via le remboursement des soins médicaux ou des médicaments. Elle leur permet, une fois plus âgés, d'avoir une pension de retraite. Elle permet, en cas de licenciement, de bénéficier d'un revenu pour continuer à vivre.

 

 

 

Enfin, nous connaissons les vertus de la sécurité sociale. Rappelez-vous que, sans elle, le taux de risque de pauvreté en Belgique serait de 43 % au lieu de 15 % actuellement, taux qui est encore beaucoup trop élevé. C'est un outil formidable, permettant un partage des richesses et une diminution des inégalités sociales.

 

 

 

Je ne suis évidemment pas étonnée qu'un gouvernement de droite s'attaque à cette identité, cet ADN de la sécurité sociale mais on ne pensait pas - nous, les organisations syndicales, les organisations mutuellistes, tous les spécialistes universitaires que nous avons entendus -, que vous oseriez aller aussi loin.

 

 

 

Décidément, ce printemps est vraiment le printemps des anti-sécurité sociale. Je pense notamment à ce qui va tomber dans les prochains jours, aux économies imposées par Mme De Block qui font que, ce 1er avril 2017, le prix d'une série de médicaments va augmenter. Ce 1er mai 2017, jour hautement symbolique pour les travailleurs, ce sont les prix des antibiotiques qui vont augmenter. Je pense également aux nouvelles mesures que le ministre MR des Pensions s'apprête à prendre, en réformant notamment toutes les bonifications pour diplôme, les années d'études. On va donc de nouveau imposer de travailler plus longtemps pour avoir des pensions plus basses. Et aujourd'hui, ce projet désastreux introduit vraiment le ver dans la pomme.

 

 

 

Sans vouloir refaire les longs débats que nous avons eus en commission, des débats intéressants et approfondis, je voudrais revenir sur quelques points essentiels. Dans le cadre du financement de la sécurité sociale, le gouvernement introduit un coefficient de vieillissement. Au départ, on peut se dire que c'est vraiment intéressant. En effet, nous le savons, les évolutions démographiques vont entraîner de nouveaux besoins en matière de sécurité sociale. D'ailleurs, ceux qui étaient en commission ont bien entendu les mutuelles le dire. Je pense, par exemple, à ce qu'a dit M. Hermesse ou M. Jadot. En 2000, 186 000 personnes avaient plus de 85 ans et, en 2050, ils seront 700 000. C'est le chiffre à retenir et c'est une certitude parce que les personnes qui auront plus de 85 ans en 2050, elles sont nées. Donc, c'est une certitude.

 

 

 

Il y aura évidemment des effets très importants sur les dépenses de la sécurité sociale et il est important de s'y préparer, en adaptant le budget et les modalités du financement de la sécurité sociale.

 

 

 

Comme je l'ai dit, le gouvernement - peut-être avec une bonne intention, je n'en sais rien – prévoit au départ l'application d'un coefficient de vieillissement. Mais pourquoi ne pouvons-nous pas nous réjouir? Parce que ce coefficient de vieillissement est doublement conditionné d'abord à la réalisation d'une performance économique extrêmement ambitieuse – plus 1,5 % du PIB alors que la croissance moyenne du PIB a été de 0,9 % et de 1,2 % ces cinq et dix dernières années; ce sont les chiffres de la Banque nationale – ensuite, à la réalisation d'un choix politique partisan de reculer l'âge de la pension. Si par exception, ces deux conditions sont rencontrées, ce sera le gouvernement qui, de manière arbitraire, dira oui ou non à l'adaptation du coefficient de vieillissement.

 

 

 

In fine, ce coefficient risque fort d'être simplement une douce promesse dénouée de sens, alors que les besoins, eux, sont réels!

 

 

 

En réalité, je pense qu'en acceptant cela, vous avez donné de réels outils aux adversaires d'un bon financement de la Sécurité sociale. J'imagine déjà un conclave budgétaire. La Sécu connaît un déficit? C'est de votre faute! Si vous voulez un effort pour la dotation d'équilibre, vous devez vous engager à augmenter le coefficient de vieillissement et donc, serrer la vis une fois de plus en matière de pensions. Je crois que c'est clair comme de l'eau de roche. Comme on connaît malheureusement trop bien le degré de résistance particulièrement faible des ministres qui ont les matières sociales dans leurs attributions, on sent le piège absolu!

 

 

 

Deuxièmement, le financement alternatif. Pour compenser les réductions de cotisations sociales et le tax shift, il importe, normalement, de prévoir un financement alternatif adéquat afin d'éviter que la Sécurité sociale soit pénalisée. Ce n'est pas les partenaires sociaux qui, là non plus, ont décidé de diminuer les cotisations sociales.

 

 

 

C'est le tax shift du gouvernement. Ils n'y peuvent rien. Il faut compenser cela. Ce financement doit être suffisant. C'est pourquoi les partenaires sociaux, pour l'ensemble du financement alternatif, ont demandé qu'en cas de recettes fiscales insuffisantes, une partie du précompte professionnel soit prélevée. Cette demande est d'autant plus compréhensible que le gouvernement a de nouveau mal estimé les recettes. Pour cet exercice budgétaire, le précompte mobilier et la TVA vont respectivement rapporter 281 millions et 40 millions d'euros de moins que prévu.

 

 

 

Tous les partenaires sociaux, syndicats comme organisations patronales, se sont mis d'accord pour adresser cette demande au gouvernement. Ce dernier, n'en faisant qu'à sa tête, méprisant la concertation sociale, a refusé et a choisi de prendre le risque que le financement alternatif soit insuffisant en conservant comme source de réserve, les accises sur le tabac.

 

 

 

Là aussi, cela vous met à nu, mesdames et messieurs les ministres des Affaires sociales, devant vos contradicteurs. Vous acceptez d'être davantage en position de quémander. Ils exigeront alors des économies supplémentaires.

 

 

 

Je viens de le dire, le tax shift accroît le déficit de la sécurité sociale. Le gouvernement a prévu un financement complémentaire. Mais il est faible, car le gouvernement, comme d'habitude, est persuadé qu'il y aura de nombreux effets retour. C'est une ritournelle que M. Laaouej et les membres de la commission des Finances connaissent bien. Le pire, c'est que non seulement on ne prévoit pas une bonne compensation par le tax shift, mais le gouvernement s'est dit que, à partir de 2021, pour éviter la transparence, pour éviter que le tax shift soit mis en cause, tous les financements alternatifs seraient fusionnés.

 

Par conséquent, il deviendra impossible de vérifier d'où viennent les éventuels problèmes budgétaires. En commission, nous avons senti l'un ou l'autre ministre s'ouvrir un petit peu. Nous avons perçu qu'ils étaient quelque peu sensibles à nos arguments. Le rapport montre que la ministre des Affaires sociales a même dit: "Pour évaluer convenablement les conséquences du tax shift, nous pourrions travailler avec le Conseil central de l'Économie et le Conseil national du Travail". Nous avons approuvé cette suggestion, mais en ajoutant que nous pourrions alors la faire figurer dans le texte, par exemple sous la forme d'un amendement - confiants dans le fait qu'il serait voté. Manifestement, comme d'habitude, ces ministres ont été muselés par leurs collègues.

 

 

J'en profite pour parler à présent des soins de santé. Là aussi, le gouvernement a préféré refuser, nier la demande unanime – entendez-moi bien: unanime! – des organisations syndicales et patronales, bref des partenaires sociaux, qui souhaitaient que le dépassement de l'objectif budgétaire des soins de santé soit pris en charge par l'État. Pourtant, cette demande était parfaitement légitime, puisque les partenaires sociaux n'ont que très peu d'effet sur les dépenses et que c'est le gouvernement qui fixe l'objectif budgétaire et impose des économies drastiques en ce domaine. Je rappelle que la norme fut, à un certain moment, de 4,5 % pour combler notamment les besoins en termes de lutte contre le cancer et que nous allons bientôt, sous cette législature, en arriver aux environs de 0 % par rapport à la croissance économique. Imaginez-vous! Cela signifie qu'il s'agit évidemment d'économies nettes et brutales sur le dos des malades.

 

 

 

Une fois de plus, les partenaires sociaux travaillent sur le projet, proposent des solutions et le gouvernement décide de maintenir son point de vue dans le cadre de notre négociation.

 

 

 

Le traitement de la dotation d'équilibre par le gouvernement est la problématique la plus grave. Je l'avais instaurée afin que, quoiqu'il arrive, la sécurité sociale soit en équilibre en fin d'exercice. Tous les partis du gouvernement étaient d'accord. C'était au moment de la grande crise, quand la sécurité sociale était la pompe, le bouclier pour protéger notre pays des effets de la crise. À chaque instant, je m'étais assurée que l'État puisse toujours payer les pensions, rembourser les médicaments, indemniser les malades, les personnes victimes du manque d'emploi.

 

 

 

Aujourd'hui, la dotation d'équilibre n'est plus garantie. D'ailleurs, pour tous ceux qui ont suivi les travaux en commission, dans ce domaine, le gouvernement dit tout et son contraire. C'est incroyable: non seulement, ils le disent, mais ils l'écrivent! Dans le texte de loi, il est stipulé: "Il n'y aura pas de déficit grâce à la dotation d'équilibre." Cela prête à croire que le projet n'a pas été changé. Puis, Mme De Block nous montre le contraire, page 80 du rapport des travaux de la commission: "Ce n'est tout de même pas automatique d'augmenter la dotation d'équilibre pour financer le dépassement." Dans l'exposé des motifs, "les décisions de combler ou non des dérapages feront l'objet d'un arbitrage politique". "Cette dotation ne peut pas être un chèque en blanc", dit-on encore.

 

 

 

Ils disent tout et son contraire! Le flou le plus total!

 

 

 

En réalité, je dirais "pas tellement". Vous aurez, dites-vous, une partie de dotation d'équilibre et pour le reste, vous imposerez aux partenaires sociaux des économies dans les dépenses en sécu. C'est la raison pour laquelle cela a été tellement critiqué par tous ceux que nous avons auditionnés. Par l'absence de volonté sur la dotation d'équilibre, vous imposez des économies substantielles année après année à la sécurité sociale et aux partenaires sociaux.

 

 

 

Dans la négociation, vous avez perdu. Ils – ceux qui n'aiment pas la sécu; je pense à la N-VA qui le dit sans cesse – ont accepté une prolongation de quatre ans de la dotation d'équilibre. Mais vous l'avez payée par un changement structurel du mode de financement de la sécurité sociale avec des conditions – vous avez dit des facteurs – de responsabilisation pour pouvoir avoir même une partie de la dotation d'équilibre. Ils vont imposer des économies et puis une dotation d'équilibre en partie, et ils ne l'auront qu'en fonction de facteurs de responsabilisation. 

 

 

 

Je vais vous dire quelques morts des facteurs de responsabilisation parce qu'on ne voit pas en quoi les partenaires sociaux, co-gestionnaires de la sécurité sociale, peuvent être responsabilisés par ce biais-là.

 

La dotation d'équilibre dépendra des effets des mesures concernant la lutte contre la fraude sociale. En quoi les partenaires sociaux sont-ils responsables de cela? En quoi? C'est extraordinaire! Et on place cela en premier, pour induire l'idée que le déficit de la sécu est certainement dû aux fraudeurs sociaux et aux gestionnaires de la sécurité sociale qui protègent ces fraudeurs. C'est de la folie furieuse!

 

En quoi les partenaires sociaux peuvent-ils être responsabilisés en la matière?

 

 

Cela dit, avec M. Van Quickenborne, vous aurez remarqué que c'est toujours la même chose: il faut faire des efforts en matière sociale et "strouiller" dans le panier social! Regardez un peu le panier fiscal!

 

 

 

Vous faites n'importe quoi dans le panier fiscal avec des estimations budgétaires farfelues! On en arrive à un exercice où on a 2 milliards en moins que ce qui était prévu. Et qui paie? C'est le social parce que vous avez fait n'importe quoi au niveau fiscal! Commencez par réformer la fiscalité, par la rendre plus juste et vous pourrez peut-être alors vous intéresser au panier social!

 

 

 

Deuxièmement, je sais qu'il faut trouver les moyens adéquats de répondre au surcoût de la sécurité sociale dû au vieillissement. Vous avez raison.

 

 

 

Il est évident qu'il faut augmenter le taux d'emploi, notamment celui des travailleurs qui arrivent sur le marché après 55 ans. Je ne vais pas dire les travailleurs plus âgés. Ils sont encore jeunes, vaillants, vigoureux et expérimentés. Mais ils ne le sont pas tous. Il existe différents moyens d'augmenter le taux d'emploi des plus expérimentés. Avec le CD&V, nous avions travaillé sur le bonus à l'emploi. Nous avions également déposé des propositions pour diminuer le temps de travail en fin de carrière car d'aucuns sont plus fatigués, en tout cas dans certains métiers, tout en s'assurant qu'ils ne perdaient rien en termes de salaire. Cela permettait un avantage incontestable pour rester à l'emploi pour ceux qui le pouvaient. Au contraire, vous êtes dans la contrainte et vous avez, dès lors, comme retour de manivelle une augmentation extrêmement sensible des dépenses en indemnités d'invalidité et en soins de santé, en plus d'épuiser toute une série d'hommes et de femmes qui ont travaillé toute leur vie.

 

 

 

Selon moi, vous préconisez de mauvaises solutions. J'en profite pour dire que si nous avons la chance, à un moment donné, de retravailler au sein du gouvernement fédéral, nous exigerons de revenir à la pension à 65 ans.

 

 

 

Par ailleurs, monsieur Bogaert, on a travaillé ensemble, comme avec d'autres collègues. Que se passait-il à chaque conclave? On regardait le fiscal, on regardait le social et puis le troisième panier qui est un panier "divers". Pour ce qui concerne le social, nous travaillions ensemble à des mesures qui ont été prises. Nous avons pris nos responsabilités dans absolument tous les domaines, y compris en matière de pensions, y compris en matière d'emploi, y compris en matière de soins de santé.

 

 

 

Ce que l'on fait ici, monsieur Bogaert, dans le cadre de la réforme du financement de la sécurité sociale, c'est autre chose. C'est vraiment dire: "Je constate qu'il y a un déficit." Et certains de dire que, puisqu'il y a un déficit, il faut le combler. Vous pouvez avoir un peu de dotation d'équilibre mais alors, vous devez prendre telle et telle mesure et le ministre pourra dire: "Grâce à la réforme, telle qu'elle est prévue, soit je prends de nouvelles mesures sur lesquelles on se met d'accord, soit j'envoie la patate chaude aux partenaires sociaux" en leur disant: "Vous n'avez qu'à vous arranger pour vous mettre ensemble et vous mettre d'accord sur des économies dans tous les domaines de la sécurité sociale, sinon elle sera en déséquilibre et nous la laisserons en déséquilibre, parce que la dotation sera insuffisante." C'est exactement le jeu dans lequel on les a plongés et ils en sont là, béatement, à accepter ce jeu imposé par la N-VA. C'est incompréhensible!

 

 

 

J'en reviens aux facteurs de responsabilisation. Le premier facteur, c'est donc la lutte contre la fraude sociale.

 

 

 

Le deuxième facteur de responsabilisation - je rappelle que nous sommes dans la dotation d'équilibre -, ce sont les effets des mesures concernant la lutte contre les mécanismes d'utilisation impropre. Qu'est-ce que c'est que cela? Que signifie la lutte contre les mécanismes d'utilisation impropre? C'est ce qu'on nous a expliqué, à savoir quelque chose qui n'est pas légal. On utilise un mécanisme à des fins qui ne sont pas légales. Dans ce cas, il faut simplement prendre ses responsabilités par une loi, comme on doit le faire en matière d'optimisation fiscale. Pourquoi voulez-vous en la matière responsabiliser les partenaires sociaux? C'est incompréhensible! Une loi aurait suffi!

 

 

 

Le troisième facteur - il y en a six -, c'est la contribution de la sécurité sociale dans la réalisation des objectifs budgétaires tels que déterminés dans le pacte de stabilité.

 

 

 

Ce n'est pas du tout la responsabilité des partenaires sociaux. Ce ne sont pas eux qui négocient le pacte de stabilité, mais ce sont eux qui sont responsabilisés pour imposer des économies supplémentaires. Donc, en quelque sorte, la sécurité sociale devient véritablement la variable d'ajustement de soutien à l'austérité. C'est insupportable!

 

 

 

Quatrième facteur de responsabilisation: les causes des augmentations des effets volume. Là aussi, on a eu une discussion en commission. C'était le flou de la part des ministres. Ils ne savaient pas expliquer en quoi les partenaires sociaux sont responsables des effets volume. Si, en matière de soins de santé, les gens sont davantage malades, parce qu'ils doivent travailler plus longtemps, par exemple, tant pis, ce sont les partenaires sociaux qui sont responsables. Ils devront prendre des mesures. Mais enfin! Ce n'est pas aux partenaires sociaux d'être responsables des effets volume, dans quelque domaine que ce soit de la sécurité sociale.

 

 

 

Ils peuvent évidemment être des partenaires de la négociation, de la discussion, de la concertation, comme ils l'ont toujours fait. Nos partenaires sociaux en Belgique sont des partenaires sociaux responsables. Mais se dire "moi, je ne suis pas responsable; les partenaires sociaux n'ont qu'à envisager des mesures", c'est très étrange en matière de responsabilité du gouvernement.

 

 

 

Cinquième facteur de responsabilisation: le respect de la neutralité budgétaire ou non des accords conclus entre les partenaires sociaux. C'est intéressant et très clair. Mesdames et messieurs, les partenaires sociaux sont maintenant tout simplement mis sous tutelle. Ils ne peuvent plus faire un accord interprofessionnel, comme ils ont l'habitude de le faire tous les deux ans. Ah non! Si vous faites un accord interprofessionnel et que cet accord interprofessionnel a un coût budgétaire - c'est un accord qui est conclu entre organisations syndicales et patronales -, et bien, tant pis, nous, gouvernement, nous allons exécuter une partie et pas une autre, parce que nous voulons la neutralité des accords budgétaires, ce qui est une condition à la dotation d'équilibre. C'est en cela que les partenaires sociaux ont dit que, par le biais du mode de financement de la sécu, vous les mettiez véritablement sous tutelle et cela ne va pas faciliter tout le travail de paix sociale nécessaire pour le développement économique et social de notre pays.

 

 

 

Enfin, sixième et dernier facteur de responsabilisation: le suivi des mesures prises par le gouvernement. Qu'est-ce que cela? Si on travaille sur un arrêté royal n'importe comment, qu'on ne prend pas une bonne mesure, qu'un arrêté royal est mal fichu, en quoi les partenaires sociaux sont-ils responsables? C'est inimaginable, mais on devait l'imaginer: le gouvernement a défini des facteurs de responsabilisation pour se dégager de sa propre responsabilité des choix politiques qu'il doit imposer. C'est inimaginable! Un gouvernement d'irresponsables lance la pierre aux partenaires sociaux en disant: "Même si je fais mal, ils n'ont qu'à rattraper la sauce." Ce n'est pas sérieux!

 

 

 

Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais vous dire, en résumé. Le plus cynique dans toute cette affaire, c'est qu'un gouvernement irresponsable budgétairement veut soi-disant responsabiliser les gestionnaires d'une sécurité sociale sous-financée. Il faut rappeler que, depuis qu'il est en place, ce gouvernement n'a jamais présenté un budget crédible, dont les rendements aient été respectés. Venir faire la leçon aux partenaires sociaux, c'est culotté!

 

 

 

Nous voyons bien les motifs pour lesquels le gouvernement pourrait, à l'avenir, décider de ne plus verser entièrement la dotation d'équilibre. Ils sont totalement arbitraires. Il ne s'agit pas de responsabiliser, mais bien de jeter les bases d'un changement de paradigme, où la sécurité sociale deviendrait, comme je l'ai dit tout à l'heure, une simple variable d'ajustement budgétaire. D'ailleurs, notre collègue de la N-VA acquiesce.

 

 

 

M. Bogaert pourrait d'ailleurs répondre à son collègue de la N-VA qui dodeline de la tête quand je dis que tout le financement de la sécurité sociale a été fragilisé. Il est tout content, il dit: "Oui, oui." Monsieur Bogaert, répondez-lui. Il est comme cela depuis tantôt quand je dis qu'elle est fragilisée.

 

J'ai pour habitude d'être responsabilisée. Tout le monde le sait, dans ma vie politique, j'ai souvent pris des décisions difficiles. Gouvernement après gouvernement, dans les conclaves budgétaires, j'ai pris mes responsabilités - notamment pour sauver la sécurité sociale. Or ce que vous faites ici, ce n'est absolument pas responsabiliser le gouvernement pour consolider la sécurité sociale. Vous le déresponsabilisez et vous vous trouvez des excuses. Tous les "facteurs de responsabilisation" sont des excuses pour simplement dire: "Je sous-finance et j'envoie la patate chaude aux partenaires sociaux", et ce afin qu'ils réduisent les moyens de la sécu. De la sorte, vous évitez le débat sur les recettes en faveur de la sécurité sociale. C'est exactement ce qui a été imaginé par les uns et les autres. Je ne sais pas s'ils en étaient alors conscients, mais en tout cas ils ont mis la sécurité sociale en danger. "C'est à l'insu de leur plein gré", comme on dit …

Avec ce gouvernement, la sécurité sociale n'est plus considérée comme un droit pour nos concitoyens. C'est pourtant un droit constitutionnel que l'État doit garantir en vertu de l'article 23 de la Constitution.

 

 

 

Pour nous, le paiement des pensions, celui des allocations de maladie, d'invalidité, de chômage, le remboursement des médicaments, l'accès aux soins de santé doivent être garantis par l'État. Il ne peut pas en être autrement! Les droits de nos concitoyens ne peuvent pas être à géométrie variable et dépendre de la situation économique.

 

 

 

Dans un État de droit, l'État doit pleinement faire face à ses obligations, comme nos concitoyens d'ailleurs doivent respecter leurs obligations! Cela justifie pleinement que la dotation d'équilibre ne soit pas soumise à des facteurs de responsabilisation qui n'en sont pas et qui sont, je l'ai dit, une déresponsabilisation de l'État!

 

 

 

Derrière des mesures visant un but annoncé par le ministre, but que nous pouvions poursuivre au départ puisqu'il y a des mesures de simplification sur lesquelles nous sommes d'accord, se cachent des ambitions très différentes.

 

 

Ces mesures mettent à mal notre modèle social. Je crois que le gouvernement se réserve le droit discrétionnaire de faire ce qu'il veut avec l'avenir de la sécurité sociale, en portant une atteinte grave aux principes fondamentaux qui la régissent et en réduisant le rôle des partenaires sociaux. Vous avez, vous pouvez en être fiers, changé le paradigme et jeté les bases, j'en suis convaincue, d'une scission de notre sécurité sociale, qui est pourtant le véritable ciment de notre pays. Pour nous, c'est insupportable.