Question de Julie F. Fernandez à Théo Francken, secrétaire d’État à la Migration, sur son refus d'exécuter une décision de justice

Monsieur Francken, je vous avoue que j'ai hésité en posant ma question à interpeller le premier ministre pour savoir si vous étiez au-dessus des lois. Il y a peu, à cette même tribune, je vous interpellais sur votre refus de délivrer un visa humanitaire à un couple syrien et à ses deux enfants, malgré que l'État belge s'est vu condamner.

 

Depuis lors, d'autres jugements sont intervenus, mais, vous, vous vous obstinez! Vous vous maintenez dans votre posture purement idéologique! Hier encore, la cour d'appel a confirmé cette décision de délivrance. Voilà donc déjà trois fois que le gouvernement est condamné dans ce dossier!

 

Aussi, monsieur Francken, combien de temps cela va-t-il encore durer? Ni le gouvernement ni l'Office des Etrangers ni vous êtes au-dessus des lois. Ce n'est plus seulement dans un scandale humanitaire que votre aveuglement plonge le pays aujourd'hui, mais c'est un signal grave que vous envoyez aujourd'hui à la population; non pas celle d'un secrétaire d'État xénophobe, qui applique sans aucun discernement sa politique de repli sur soi. Non! C'est celle d'un gouvernement qui discrédite le système judiciaire, celle d'un gouvernement qui s'assoit sur trios décisions de justice qui vont toutes dans le même sens.

 

Dès lors, monsieur Francken, voulez-vous communiquer à ce parlement les copies des différentes décisions de justice qui condamnent l'État belge dans ce dossier? Allez-vous enfin vous plier à ses décisions et délivrer ces visas ou attendez-vous, demain, de devoir délivrer des permis d'inhumer pour ce couple et ses deux jeunes enfants?

Réponse de Théo Francken

La cour d'appel de Bruxelles a rendu, hier, un jugement différent de celui de première instance et m'a imposé une astreinte de 4000 euros par jour en cas de non-délivrance de visa à une famille syrienne

 

Le visa en question ne sera pas délivré, et ce, pour différents motifs impérieux d'intérêt général La délivrance d'un tel visa créerait un précédent dangereux, par lequel nous laisserions à des tiers le contrôle de nos frontières. Nulle part ailleurs au monde il n'est possible de faire imposer par un juge la délivrance d'un visa dans le but de demander l'asile.

 

À la suite du premier arrêt, notre consulat à Beyrouth a déjà reçu huit demandes supplémentaires. En délivrant le visa en question, nous risquons de déclencher un raz-de-marée à Beyrouth et à Ankara.

 

De plus, la délivrance du visa aurait pour effet d'annuler le recours que nous avons introduit quant au fond devant le Conseil d'État en invoquant la jurisprudence relative à l'article 3 de la CEDH. Je suis confiant quant à l' issue de ce dossier, étant donné que l'arrêt en question constitue un abus de compétence manifeste et qu'il confère injustement à la CEDH une action extraterritoriale. Je ne délivrera dès lors pas de visa avant que le Conseil d'État ne se soit prononcé.

 

Je vais introduire un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles. D'après des juristes, les arguments pour ce faire ne manquent pas. De même, il existe encore plusieurs possibilités d'action juridique contre l'exécution de l'astreinte, et je ne manquerai pas de les exploiter pleinement.

 

Il ne s'agit pas en l'occurrence d'un cas individuel, mais bien de la question fondamentale de savoir s'il incombe à l'administration ou au juge de prendredes décisions en matière d'accès au territoire. Un principe fondamental du droit administratif veut qu'un juge ne peut jamais se substituer à l'administration; or c'est malheureusement ce qui s'est produit dans ce dossier.

Réplique de Julie F. Fernandez

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, il n'est pas ici question de politique, mais de respect du droit. Ce que l'on attend de chaque citoyen, même si ce dernier est secrétaire d'État, même s'il est membre d'un gouvernement, c'est qu'il respecte le droit.

 

Dans ce cas, il n'y a pas eu une décision de justice, mais bien trois. Tous exigent la délivrance de ces visas. Et le recours au Conseil d'État n'est pas suspensif.

 

Mon groupe attend de vous que vous vous pliiez à ces décisions de justice, comme il pourrait l'attendre de tout citoyen. En vous cachant derrière je ne sais quel argument juridique, vous entraînez tout le gouvernement qui devra répondre de vos actes. Avec mon groupe, nous interpellerons tant le premier ministre que le ministre de la Justice sur votre attitude.

 

Monsieur Francken, dans ce dossier, le seul illégal, c'est vous!