Question d'Ahmed Laaouej à Charles Michel, Premier ministre, sur les errements autour du budget

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, chers collègues, vous voilà dans une bien fâcheuse posture ou, devrais-je dire, une bien fâcheuse imposture! En effet, la Belgique est aujourd'hui et à cause de vous, dans le collimateur de la Commission européenne pour ses très mauvais résultats budgétaires. Personne ne s'en réjouit car nous savons ce que cela veut dire. Si vous ne rentrez pas dans les clous, l'Europe pourrait vous imposer un nouvel ajustement. Qui dit ajustement dit nouveaux sacrifices pour la population comme vous le faites depuis le début de la législature, comme si nos concitoyens n'en avaient pas déjà assez souffert.

 

Voilà deux ans que nous vous prévenons, de conclave en conclave, de débat parlementaire en débat parlementaire! Vous ne nous avez pas écoutés comme vous n'avez pas écouté le Bureau du Plan qui rappelait qu'il vous manquerait au moins 9 milliards en 2018, comme vous n'avez pas écouté non plus la Banque nationale lorsqu'elle vous rappelait qu'il vous manquerait au moins 9 milliards dont 6,6 milliards rien que pour le tax shift. Vous avez affiché le même dédain pour la Cour des comptes qui n'a cessé de pointer le rendement fantaisiste de vos nouvelles mesures. Dois-je ici rappeler la taxe Caïman dont on doute au sein même de votre propre majorité?

 

De notre côté, nous avancions le chiffre de 10 milliards d'euros à trouver d'ici 2018. La Commission européenne nous donne raison puisqu'elle considère, elle, qu'il vous manque 9,8 milliards à l'horizon 2018. Non seulement, l'équilibre en 2018 que vous vous êtes engagé à respecter est incertain mais en plus, la dette publique s'est creusée pour atteindre 107 %. Qu'apprend-on de surcroît? Que sur le sable mouvant qu'est devenu votre budget, vous pourriez vous risquer à une nouvelle aventure financière sur le terrain de l'impôt des sociétés. Comme si vous n'aviez pas déjà causé assez de dégâts budgétaires, voilà que vous allez en rajouter! C'est stupéfiant d'irresponsabilité! Permettez-moi de vous le dire, monsieur le premier ministre!

 

Mes questions sont très simples. À quoi ont servi vos sauts d'index, vos augmentations de taxes, vos coupes à répétition dans la sécurité sociale et dans les services publics? Où sont passés tous ces milliards d'euros pris dans la poche de nos concitoyens? Votre imposture aujourd'hui ne tient plus, monsieur le premier ministre! Le seul résultat de votre matraquage social, c'est le creusement du trou budgétaire! C'est un échec! Et même s'il est tard, il est peut-être grand temps d'ouvrir les yeux.

 

Mes questions sont simples parce que, monsieur Miller, il ne faut peut-être pas simplement rédiger un manifeste libéral, il faudrait peut-être aussi rédiger un manuel budgétaire à l'attention du premier ministre!

 

Continuerez-vous à garder l'objectif d'équilibre pour 2018? Vous engagez-vous devant ce parlement à stopper l'augmentation des taxes sur la consommation? Vous engagez-vous à ne pas continuer vos coupes dans les services publics et la sécurité sociale?

Réponse de Charles Michel

La confection du budget constitue un exercice complexe et sérieux. Nous optons pour la cohérence. Nous devons, d'une part, continuer à assainir nos finances, et d'autre part, mener une politique de relance. À terme, la création d'emplois constituera la meilleure garantie d'un assainissement durable de nos finances publiques. Telle est toujours notre priorité.

 

Je veux indiquer bien entendu que, lorsque nous travaillons à l'assainissement budgétaire, nous prenons au sérieux les remarques émises par la Commission européenne dans tous les domaines, y compris dans le draft budgetary plan. À cet égard, j'aimerais corriger quelques propos un peu rapides qui ont été exprimés ici ou là. Sur la base de deux critères, ceux du déficit et de la dette, la Commission européenne examine la situation budgétaire 2016 et 2017 et constate – pas seulement à propos du gouvernement fédéral, mais aussi pour l'entité 1, l'entité 2, les entités fédérées et les pouvoirs locaux – que les différents gouvernements de notre pays ont dévié des objectifs qu'ils avaient présentés. Vous avez invoqué plusieurs raisons, que nous prenons en compte.

 

À partir du moment où des réformes structurelles sont décidées – comme le tax shift, les mesures en faveur de la compétitivité et des PME –, il est dès lors plus compliqué d'estimer avec un degré de certitude élevé les recettes fiscales. Néanmoins, dès le contrôle budgétaire, nous avons intégré cette réalité.  

 

Une task force a décidé de réformer le système d'estimation afin d'aboutir à des estimations correctes. Nous nous efforcerons avec les départements compétents d'élaborer un système correct permettant d'estimer les recettes fiscales.

 

Le premier point que je veux souligner, c'est le fait que nous devons effectivement continuer à améliorer notre capacité à engranger les rendements quand des décisions et des mesures sont prises.

 

Je souhaite mettre un deuxième point en évidence. J'entends des choses étonnantes. La Belgique se situe dans le cadre du bras préventif de l'Union européenne, pas du bras répressif, comme la France. Parmi les six pays qui ont reçu la même mention que la Belgique, nous sommes le seul pour lequel la Commission ne recommande aucune mesure nouvelle ou additionnelle. Je veux le préciser clairement.

 

De quoi s'agit-il? La Commission souhaite avoir la certitude et la garantie que nous allons concrétiser les réformes qui ont été décidées. Ceci montre bien que nous devons les mettre en œuvre et que nous sommes sur le bon chemin. Nous devons continuer à travailler dans cette direction-là, et c'est ce que nous allons faire.

La fiscalité est un levier majeur pour la relance de notre économie, la création d'emplois et l'assainissement durable de nos budgets. Pour cette majorité, il est crucial de progresser, tant en matière d'efficacité économique que de justice. Ces deux points vont de pair et doivent se renforcer mutuellement.

 

Concernant ces éléments, je confirme encore une fois, et j'imagine que je le ferai régulièrement à cette tribune, qu'il y a trois sujets sur lesquels nous avons décidé d'avancer. Il s'agit de la réforme de l'impôt des sociétés, qui est déjà engagée, de la question des plus-values, qui fera aussi l'objet de propositions, et de l'activation de l'épargne pour l'orienter vers l'économie réelle. Sur ces sujets-là, je suis extrêmement clair. Je l'ai indiqué encore cette semaine au cabinet restreint.

 

Mon intention est de rencontrer personnellement, la semaine prochaine, les représentants du Bureau du Plan, de la Banque nationale et du Conseil supérieur des Finances, pour voir avec ces instances comment elles peuvent être associées au processus de décision au niveau du gouvernement. De plus, il s'agira d'examiner avec elles deux préoccupations extrêmement importantes.

 

Quelle est l'incidence budgétaire des différentes options? Quels sont les effets bénéfiques pour l'économie, les entreprises et les secteurs?

 

Pour être tout à fait clair, l'avis qui a été demandé est un avis sur la base d'un texte qui n'a pas été validé par le gouvernement. Ce dernier appréciera les propositions pour lesquelles la coordination sera organisée.

 

Je maîtriserai le calendrier et, en ma qualité de premier ministre, j'apprécierai le moment auquel les dossiers seront prêts pour faire l'objet d'une décision au sein du gouvernement.

 

En conclusion, monsieur le président, nous allons garder ce cap. En effet, comme le dit également la Commission, avec ce dernier, 140 000 emplois sont annoncés à l'horizon 2018. C'est bien la démonstration que nos engagements et nos réformes portent et continueront à porter leurs fruits.

Réplique d'Ahmed Laaouej

Monsieur le premier ministre, aujourd'hui, votre bilan, c'est votre boulet. Depuis deux ans, vous avez imposé à la population des sacrifices insupportables. Vous n'avez cessé de piocher dans la poche des gens pour combler vos trous. Tout cela pour un bilan économique négatif. Et vos chiffres sur l'emploi sont bidons et vous le savez, monsieur le premier ministre.

 

À ce très mauvais bilan s'ajoute, on le sait, un échec dans la gestion des finances publiques. Non seulement vous appauvrissez la population, mais en plus, vous lui laissez une facture que vous lui demanderez de payer une deuxième fois. Avec vous, c'est très clair, la population paie toujours deux fois.

 

Car, et je vous le dis, chers collègues, derrière les comptes publics, il y a le portefeuille de nos concitoyens. Et c'est pour ça que votre politique budgétaire est totalement inacceptable. Vous gérez mal, mais ce n'est pas grave, ce sont les autres qui paient. Voilà la réalité de votre gouvernement.

 

Dans n'importe quelle entreprise, on vous demanderait de rendre votre tablier. Alors le minimum, monsieur le premier ministre, serait d'entendre ce que les gens ont à vous dire. Ils en ont assez de votre politique. Il est grand temps que vous puissiez les entendre.