Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, près de 850 faits par semaine de violence conjugale sont enregistrés en moyenne dans notre pays. À ce nombre, il faut, malheureusement, ajouter les personnes qui ne se manifestent pas et qui ne se manifesteront peut-être jamais. Mais plus interpellant est le nombre de personnes qui décèdent chaque année sous les coups de leur conjoint: 160 victimes. Je pense que les victimes sont quasiment exclusivement des femmes.
Dans le cadre du plan d'action national de lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes, lancé en décembre dernier, un projet pilote vraiment intéressant vient d'être lancé. Ce projet vise à permettre aux services de police et aux parquets d'évaluer les risques de violence conjugale de manière objective lorsqu'un procès-verbal est dressé. Il s'agit d'une grille d'évaluation simple, rapide et efficace.
Je pense vraiment que la prévention, la détection et l'évaluation sont des axes essentiels pour pouvoir mener une politique efficace en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, mais il faut aussi pouvoir agir concrètement quand le danger et le risque de récidive sont présents.
Madame la secrétaire d'État, j'ai deux questions très précises.
Une interdiction temporaire de résidence peut actuellement être décidée par le parquet en cas de violences domestiques. Une évaluation de cette mesure a-t-elle enfin été réalisée? Quel est votre avis sur l'efficacité de cette mesure?
Des mesures complémentaires sont-elles étudiées avec vos collègues de la Justice et de l'Intérieur pour éviter ces drames à l'avenir? Je pense notamment au système des téléphones portables de grand danger, qui a notamment été généralisé en France en 2014. Ce système pourrait-il être transposé en Belgique?
Je pense qu'il est vraiment de notre devoir, en tant que politiques, de prendre des mesures pour protéger et sécuriser plus encore les victimes lorsqu'elles se trouvent en situation de grand danger et qu'elles craignent pour leur vie. Nous ne pouvons pas accepter qu'aujourd'hui encore, autant de femmes décèdent à la suite des coups de leur conjoint.
Réponse de Elke Sleurs
Monsieur le président, les violences perpétrées par une personne du cercle familial sont de tous les tons. La violence conjugale est une forme de violence domestique où la violence est dirigée contre le conjoint ou contre l'ex-conjoint. Lorsque des conjoints se séparent, il n'y a aucune garantie que cela signifie l'arrêt des violences. Une séparation après des années de violence entraîne souvent une nouvelle escalade dans la violence, car l'autre n'accepte pas que la relation soit rompue.
Le phénomène de la violence conjugale est longtemps resté dans l'ombre sous couvert de l'intimité. En 2010, l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes a réalisé une étude sur le phénomène. Cette étude a révélé qu'une femme sur sept avait subi au moins un acte de violence de la part de son ex-conjoint au cours des douze mois précédant l'enquête. Comme vous l'avez évoqué, il s'agit de près de 40 000 cas par an, donc plus de 100 par jour. Dans la plupart des cas, on constate une pression psychologique. La violence verbale est de loin la forme la plus courante, suivie des menaces et de l'intimidation et ensuite des coups. Selon les chiffres les plus récents provenant de la police fédérale, qui datent de 2014, la violence conjugale a donné lieu, dans 119 cas, à la mort de la victime. Il s'agit là de meurtres ou d'homicides involontaires. Je répète qu'il s'agit de 119 cas, et non pas 160 comme relevé dans la presse, mais ces chiffres sont néanmoins choquants.
Il est clair que la violence dans le contexte relationnel constitue un sérieux problème social. C'est la raison pour laquelle j'ai lancé, en décembre 2015, le Plan d'action national contre les violences liées au genre 2015-2019. Ce plan inclut 235 nouvelles mesures visant à lutter contre les violences liées au genre. Une procédure de monitoring du Plan a été présentée en avril dernier au groupe interdépartemental. Un rapport d'avancement du Plan d'action national 2015-2019 est prévu à mi-terme, donc fin 2017.
Ces 235 mesures s'articulent autour de plusieurs thèmes: la collecte de données quantitatives et qualitatives, un programme d'action de sensibilisation et de prévention des violences liées au genre, des actions de soutien et d'aide aux victimes et l'élaboration de mesures de protection. C'est dans cette dernière catégorie qu'on peut situer l'instrument d'évaluation des risques de violences conjugales. Les facteurs de risques sont des caractéristiques associées à la probabilité que certaines scènes de violences se produisent ou se reproduisent.
L'instrument d'évaluation a été conçu par l'UC Leuven-Limburg comme un questionnaire qui doit être rempli par un agent de police, autorité verbalisante, un magistrat de parquet ou autre professionnel. Il est composé de treize facteurs de risques et de protection, évalués en fonction de chaque conjoint. La dynamique du couple est ainsi prise en compte. Le résultat offre une image qui identifie les facteurs principaux à améliorer en priorité ainsi que des conseils en matière de gestion de risques.
L'instrument permet d'assurer un suivi préventif et plus efficace sur base d'un risque calculé scientifiquement dans le but d'empêcher la récidive ce qui est, entre autres, possible par le biais de l'application de mesures déjà existantes comme une ordonnance restrictive temporaire, une injonction d'éloignement ou des mesures de protection à l'égard des enfants.
Hier, une première formation pour permettre aux acteurs de terrain de se familiariser avec cet instrument a été organisée. La raison pour laquelle nous avons lancé cette formation pendant les vacances est due au fait que, durant cette période de l'année, la violence conjugale est plus répandue.
En conclusion, l'instrument d'évaluation des risques est un nouvel outil très efficace dans la lutte contre les violences conjugales. Ce n'est pas une médecine miracle, mais je suis convaincue qu'il contribuera dans le vaste contexte de la présentation d'aide intégrée à diminuer le risque de violence conjugale.
Réplique de Fabienne Winckel
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie.
Il est vrai que le sujet est d'importance: 119 victimes décèdent à la suite des coups portés par leur conjoint, ce n'est pas un chiffre anodin! Il faut donc prendre des mesures. Vous n'avez malheureusement pas entendu mes questions. Je vous demandais si une évaluation avait été faite de la mesure concernant l'interdiction temporaire de résidence. Je n'ai pas bien compris votre réponse à ce sujet.
Ma deuxième question était de savoir si des mesures complémentaires seraient prises à l'égard de ces femmes notamment, qui sentent, à un moment donné, que leur vie est en danger. Comment peut-on les aider lorsqu'elles sentent, qu'en tant que victime, le danger est présent. Je fais référence à ce téléphone utilisable en cas de grand danger. Ce système a porté ses fruits et fait ses preuves en France. Selon moi, il serait intéressant de travailler sur cet outil.
Le groupe socialiste a d'ailleurs déposé une proposition visant à étendre l'arsenal de protection de la victime contre les risques de récidive. C'est un sujet que l'on pourra aborder de manière approfondie au sein du comité Émancipation sociale.