Monsieur le président, monsieur le ministre, il y a presque six mois, le Conseil européen se pliait en quatre pour répondre au chantage du conservateur Cameron. Malgré cela, on se retrouve aujourd'hui confronté au Brexit pour lequel les Britanniques ont souverainement opté. Nous avons déjà beaucoup parlé de cette question ici et nous en reparlerons, sans doute, encore beaucoup.
Avant cela, nous avons connu un tout autre scénario nettement moins complaisant. En effet, il y a un an, le Conseil, poussé par l'Ecofin, mettait le fusil sur la tempe de la Grèce pour la faire capituler, pour qu'elle se soumette aux contraintes qui lui avaient été signifiées et éviter un Grexit qui lui aurait été imposé unilatéralement.
Parmi ces deux États membres, l'un voulait continuer à participer au projet européen alors que l'autre s'appliquait à le diluer, à le dénaturer.
Depuis, les décisions budgétaires et fiscales de la Grèce sont soumises à l'accord préalable de ses créanciers. Le programme de privatisation imposé à ce pays constitue le plus important transfert de propriétés jamais opéré dans l'Union européenne.
Pendant ce temps, la situation sociale et économique de cet État membre est dans le rouge. Pourtant, rien n'y fait et le destin des Grecs est, aujourd'hui, aux mains de l'Ecofin, alors que 2,5 millions de Grecs n'ont plus accès aux soins de santé et qu'une génération entière est sacrifiée. Il s'agit là, sans doute, d'une des conséquences de la fin de la récréation que notre premier ministre appelait fièrement de ses vœux.
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous la politique européenne d'austérité aveugle imposée à la Grèce, les pratiques d'intimidation dont cette dernière fait l'objet, ce sans prendre en compte les conséquences sociales et économiques des décisions européennes? Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que cet aveuglement puisse pousser les Européens à envisager l'exit? Le gouvernement compte-t-il demander au Conseil d'aborder, très rapidement, la situation sanitaire et socio-économique en Grèce, pays devant, par ailleurs, faire face à l'accueil de nombreux réfugiés?
Réponse de Johan Van Overtveldt
Monsieur le président, cher collègue, votre question comprend différents aspects.
Pour ce qui concerne la Grèce, cette dernière a fait l'objet de deux programmes. Ainsi, une aide de 240 milliards lui a été accordée, aide qui n'a pas donné lieu à des résultats substantiels pour la simple raison que l'exécution de ce programme présentait de graves lacunes. En effet, les réformes structurelles n'ont pas été effectuées ou l'ont été dans une moindre mesure. Je pense ici au marché du travail, aux pensions, au marché de l'énergie, à la collecte des taxes, et à d'autres éléments structurels.
Un troisième programme a été mis en oeuvre à hauteur de 86 milliards d'euros dont les réformes structurelles sont beaucoup plus détaillées et suivies de beaucoup plus près qu'auparavant. Ces réformes sont nécessaires pour le redressement de l'économie grecque et pour un nouvel élan de la croissance grecque.
La comparaison avec le Royaume-Uni est un peu spéciale car il s'y est tenu un vote démocratique en faveur de la sortie de l'Union européenne. En Grèce, par contre, les sondages montrent très clairement que le peuple grec veut, en grande majorité, rester dans l'union monétaire et dans l'Union européenne. La situation est totalement différente. Cela signifie aussi, si on veut rester membre d'une union monétaire, que tous doivent suivre des règles, la Grèce y compris. Par conséquent, on peut difficilement comparer ce qui se passe actuellement au Royaume-Uni avec la situation grecque. Ce sont deux développements assez différents.
Réplique de Stéphane Crusnière
Monsieur le ministre, j'entends votre réponse, une fois de plus, décevante. L'objet de la question n'était pas de comparer la Grèce à l'Angleterre.
Vous dites qu'il manque de réformes structurelles, qu'il y a des règles à suivre mais, convenez avec moi, monsieur le ministre, que les Grecs ont déjà fait beaucoup d'efforts et continuent à en faire.
Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu. Comptez-vous sincèrement relancer le projet européen en conditionnant la solidarité européenne à l'austérité et en vous attaquant aux plus fragiles? Quand le Conseil européen arrêtera-t-il de donner les pleins pouvoirs aux ministres des Finances pour décider de ces politiques sociales? Je l'ai déjà dit; ce dont l'Europe a besoin, c'est bien d'une politique pour les citoyens et non pas contre les citoyens. Pourtant, les instances de l'Union européenne ne semblent pas vouloir prendre conscience de la situation et aucune mesure d'aide n'est, à ce jour, proposée pour leur venir en aide.
Je vous le redis, monsieur le ministre, nous devons réfléchir à une autre Europe, une Europe qui réenchantera les Européens avec un projet social fort. C'est comme cela que vous rendrez la confiance aux Grecs et plus largement aux citoyens européens.