Question de Karine Lalieux à Alexander De Croo, ministre des Entreprises publiques, sur les tentations de privatisations du Gouvernement

Monsieur le vice-premier ministre, chez vous, c'est presque un réflexe pavlovien. On vous dit "entreprise publique" et vous dites "privatisation". Si les conséquences n'étaient pas aussi graves, on pourrait presque en rire. Mais le sommet, monsieur le vice-premier ministre, a été atteint la semaine dernière quand, au sujet des difficultés abyssales que rencontre la SNCB aujourd'hui, vous avez répondu: "Privatisons et tout ira mieux!". Or, vous savez mieux que quiconque que les 3 milliards d'économies demandées à la SNCB sont à l'origine des grèves et font, aujourd'hui, la désespérance des travailleurs.

 

Monsieur le vice-premier ministre, les idéologues, c'est vous! Les conservateurs, c'est vous! Vous retournez à l'époque de Thatcher et de Reagan!

 

Le groupe PS n'a pas peur du changement et nous ne sommes pas opposés au rachat de la poste néerlandaise, mais à une condition: que la poste reste une entreprise publique, c'est-à-dire que l'État y reste actionnaire à plus de 50 %.  Mais vous voulez privatiser pour privatiser! Qu'est-ce qu'une entreprise qu'on privatise? C'est la réduction de la qualité du service public, sans contrat de gestion, avec une précarisation de l'emploi, avec un risque de disparition du centre de décisions. Le gouvernement n'a jamais été transparent quant à ses intentions par rapport à bpost. Or, l'obligation de transparence vous incombe, tant au niveau des citoyens qu'au niveau des travailleurs.

 

Monsieur le vice-premier ministre, quand un mandat a-t-il été donné à bpost pour négocier le rachat de la poste néerlandaise? Quelle en était la portée? Y a-t-il un accord au sein du gouvernement pour privatiser bpost avant la fin de la législature? La Société Fédérale de Participations et d'Investissement a-t-elle été chargée par le gouvernement, comme vous l'avez annoncé le 8 mai 2015, d'évaluer l'opportunité de désengager l'État de bpost? Si oui, quel a été le résultat de cette évaluation? Quelles sont les intentions du gouvernement par rapport à la SNCB? Est-ce vraiment de privatiser?

Réponse d'Alexander De Croo

bpost est une des entreprises postales les plus solides en Europe grâce à ses travailleurs et à sa direction.

 

Son secteur est en pleine évolution avec une diminution du volume de lettres mais une augmentation de celui des colis. J'ai demandé à la direction d'échafauder une stratégie d'avenir pour permettre à bpost de garder son importance à la fois pour nos concitoyens et pour notre économie.

 

En l’absence d’accord conclu, je ne puis vous donner les détails des négociations avec PostNL d’autant que je ne les ai pas menées. Le mandat que j’avais donné à la direction était assorti de trois conditions. Les droits acquis par rapport aux relations de travail sont garantis par la loi de 1991.

 

Quiconque tente de semer la confusion fait de la désinformation pure. Le statut du travailleur ne changerait pas si celui de l'entreprise changeait. Le futur projet doit parallèlement garantir l’emploi et doit, enfin, assurer l’ancrage économique de l’entreprise. Il n’a, à aucun moment, été question de brader purement et simplement l’entreprise.

 

En 2013, Paul Magnette disait: "Je n'ai pas de blocage idéologique à ce sujet. Je ne me braque pas sur le maintien des 51%. Il est tout à fait possible de vendre une part". Je suis donc d'accord avec le PS. Et on n'a pas besoin dans ce pays qu’un ancien ministre sabote des projets d'avenir d'un des plus grands employeurs du pays pour une raison politique!

 

Je souscris aux propos du CEO de bpost, qui a qualifié les déclarations d’irresponsables et de déplacées. Il s’agit de pur sabotage. L’Autorité des services et marchés financiers (FSMA) a ouvert une enquête et décidera ensuite des éventuelles mesures à prendre.

 

Le fait de ramener l’actionnariat sous la barre des 50% ne constitue pas pour moi un sujet tabou, mais il n’y a pas non plus lieu d’en faire une obsession. Cela nous permet de devenir un acteur important au niveau européen, de fournir de meilleures garanties aux travailleurs et de créer de l’emploi.

Réplique de Karine Lalieux

Monsieur le vice-premier ministre, je suis d'accord avec vous sur une chose. Effectivement, bpost est une très belle et forte entreprise. Mais grâce à quoi et grâce à qui? Vous avez la mémoire très courte. Ne vous en déplaise, c'est d'abord une entreprise publique - comme Proximus, qui va très bien - avec un actionnaire stable qui a pu apporter les changements de l'intérieur. C'est parce que l'État était principal actionnaire que bpost a pu se transformer dans la stabilité. Reconnaissez-le! Nous demandons la stabilité pour demain et que l'État ne diminue pas sa participation en deçà de 51 %.

 

C'est grâce aussi à ses travailleurs qui ont fait des sacrifices énormes ces dix dernières années au niveau de la productivité. Faites la tournée avec un facteur: il court, madame Lijnen! Avec des kilos sur le dos! Ce sont les travailleurs qui l'ont fait avec les syndicats qui ont garanti la paix sociale. Ne vous en déplaise!

 

Alors arrêtez; vous avez de l'idéologie, vous êtes un idéologue; les lois que vous déposez continuellement le montrent! Vous voulez privatiser cette poste. Qu'on le dise! D'ailleurs, vous n'avez pas répondu à la moitié de mes questions. Je reviendrai en commission sur le rôle de la SPI, etc. Qu'on dise, donc, maintenant que c'est la déclaration d'un seul homme. Parce que j'ai pris mes renseignements.

 

Les négociations duraient depuis 6 mois, même si on ne sait pas très bien avec quel mandat. On sait que ce sont les Pays-Bas qui les ont rompues. Mais pas à la suite d'une déclaration; bien avant! Je suis d'accord avec vous: que la FSMA fasse son enquête, mais qu'on arrête de parler de "crapuleux", de "sabotage"…

 

Monsieur Ducarme, vous avez tellement de grands mots pour le moment. Félicitez au moins les travailleurs et peut-être aussi que la FSMA fera son travail, mais arrêtez de dire qu'un seul homme aurait fait changer d'avis l'État néerlandais, le conseil d'administration et tous les actionnaires. PostNL va très mal aussi. Ce doit être aussi une des causes de la rupture des négociations.