Question de Gwenaëlle Grovonius à François Bellot, ministre de la Mobilité, sur la grève à la SNCB

Monsieur le ministre, vous avez conseillé aux cheminots en grève de se mettre à la place des citoyens. C'est vrai, on pense tous aux navetteurs qui, depuis hier soir, ont éprouvé des difficultés pour rentrer chez eux, pour se rendre au boulot, à l'école, à l'unif, etc. Une grève sauvage, c'est toujours insupportable.

 

Mais, monsieur le ministre, il y a un "mais". La concertation et le protocole d'accord sur les grèves sauvage sont valables pour tout le monde, aussi pour la direction. Or HR Rail ne doit pas être au-dessus des règles et doit permettre un climat social propice à la négociation.

 

Monsieur le ministre, j'ai envie de vous retourner votre conseil et de vous demander de vous mettre un instant à la place des cheminots. Comment réagir quand la direction décide, de manière unilatérale, de supprimer des jours de crédit, des jours de récupération pour des heures supplémentaires non rémunérées? Mettez-vous un instant à la place des cheminots! Lorsqu'ils ont débrayé, pensez-vous vraiment qu'ils n'ont pas réfléchi au fait qu'ils allaient se mettre la planète entière à dos? Bien sûr que oui! Mais, moi, je me pose la question de savoir pourquoi HR Rail a précisément choisi ce moment, le moment où tout le monde est en examen pour prendre cette décision. N'y a-t-il pas là une sorte de volonté cynique et un pari scandaleux d'envisager que les cheminots ne débrayeront pas en période d'examens? On évite ainsi la casse. Ou bien, dans le cas contraire, les cheminots se mettront en grève et débrayeront et se mettront l'ensemble de la population et de l'opinion publique à dos. C'est précisément ce qui se passe aujourd'hui.

 

Malheureusement, le mépris total de ce gouvernement envers la concertation et la négociation explique pourquoi aujourd'hui les cheminots sont en grève, pourquoi ils sont à bout. Monsieur le ministre, j'aimerais dès lors, vous demander ce que vous comptez faire pour ramener enfin ce dialogue au sein de la SNCB et faire en sorte que non seulement votre porte reste ouverte – j'en suis persuadée – mais que la porte de la direction soit, elle aussi, ouverte aux cheminots.

Réponse de François Bellot

Monsieur le président, chers collègues, je souhaite rappeler, comme certaines personnes l'ont dit, que la grève est un outil en cas d'échec de la concertation sociale. Mais c'est un droit qui doit être exercé selon les principes mêmes repris dans les protocoles et les accords, c'est-à-dire avec un préavis de dix jours pour laisser le temps nécessaire à une conciliation sociale de la dernière chance. Et dans la plupart des cas, cela aboutit.

 

Ici, nous ne sommes pas du tout dans le même schéma. Une grève sauvage est déclarée à l'encontre de l'accord social de 2009, dans lequel il était indiqué que toutes les parties prenantes à l'accord social, c'est-à-dire le Groupe SNCB et l'ensemble des partenaires sociaux - donc les représentants du personnel -, s'interdisaient à provoquer des grèves sauvages ou/et à les couvrir.

 

Il s'agit d'une grève sans préavis, d'une grève qui empêche travailleurs et étudiants de remplir leurs obligations

 

On est dans la logique où un certain nombre de cheminots, suivant une proportion variable selon les Régions, prennent à partie un très grand nombre de citoyens désireux de se déplacer, des travailleurs, des étudiants, des familles qui, à la dernière minute, doivent trouver des solutions ou une voiture. Ce matin, les temps d'entrée dans Bruxelles, notamment par le sud, étaient allongés de plus de 40 minutes. Avec 30 à 40 000 véhicules, vous faites tout de suite le calcul. Ce n'est pas une grève proportionnée par rapport aux éléments qui sont en jeu aujourd'hui.

 

Je l'ai dit hier, je suis fondamentalement défenseur d'un vrai dialogue social fondé sur le respect et la responsabilité des parties et le respect des procédures mises en œuvre. Je n'ai pas l'impression qu'aujourd'hui, à cette époque et en cette dernière semaine, on ait suffisamment eu cette volonté d'écoute et cette volonté de trouver le point d'équilibre entre tous.

 

J'ai donc demandé et je demande aux acteurs de la concertation syndicale de se réunir. Ils l'ont déjà fait à deux reprises. Une réunion devait avoir lieu ce matin. Elle a lieu cet après-midi parce qu'un certain nombre d'acteurs étaient eux-mêmes pris dans des bouchons sur les autoroutes et ne pouvaient rejoindre à l'heure la concertation.

Les différents scénarios relatifs au service garanti seront présentés à la commission dès la semaine prochaine.

 

Cela se passera le 31 mai. Vous entendrez toutes les solutions et j'espère qu'un débat de qualité pourra avoir lieu à ce sujet. Bien entendu, je souhaite que les discussions aboutissent au plus vite.

 

Avant de conclure, je souhaiterais aborder deux éléments. Comme je vous l'ai dit, je suis favorable à un service public moderne où chaque entreprise publique assume sa responsabilité sociétale en termes de mission. Cette responsabilité est partagée entre trois acteurs, dans toutes les entreprises publiques: le politique, les dirigeants de l'entreprise et, bien entendu à une place identique, les représentants du personnel.

Nous avons une deadline pour la SNCB. Il est ici question du quatrième paquet ferroviaire dont on ne parle pas suffisamment. Ce paquet a été analysé. Il vise à mettre en concurrence et à libéraliser le service intérieur de transport des voyageurs à l'horizon 2020.

 

Un certain nombre de pays et de gouvernements, dont le présent gouvernement belge, avaient donné mandat à leurs représentants pour donner une chance à ces opérateurs historiques de poursuivre l'organisation de la mission de service public. Cette solution a été retenue, mais comme le dit la directive, le renouvellement de la mission de service public aux compagnies historiques se fera à condition de démontrer une amélioration significative de leurs critères de performance. Ces critères sont arrêtés par la directive qui inclut notamment la ponctualité, l'efficacité, le coût, la prise en charge par les pouvoirs publics.

 

L'horizon est donc très clair. Vous me direz que huit ans, c'est beaucoup, ce à quoi je vous répondrai que c'est court pour la SNCB. En effet, il est ici question d'un secteur proche du secteur industriel, qui doit adopter les mêmes principes, mais avec une énorme inertie entre le moment de la prise de décision et sa concrétisation.

 

Ce chemin doit être mené avec les trois acteurs. C'est ce que j'ai proposé aux trois acteurs. Pour faire droit à l'expression de l'opposition à une disposition aujourd'hui telle que nous l'entendons, je demande à chacun de reprendre le chemin de la négociation rapidement, mais aussi le chemin du travail. Il faut se donner le temps nécessaire pour évaluer la question relative aux deux jours de congé et demi dont on parle.

 

Entraîner une grève dite au finish, de plusieurs jours, à propos de cette disposition ne serait pas raisonnable. J'en suis vraiment chagrin et je demande, en tant que ministre en charge de cette entreprise publique, de reprendre le chemin de la concertation responsable à propos de cette question, qui fait partie de l'ensemble du protocole social qui compte 90 points

Réplique de Gwenaëlle Grovonius

Monsieur le ministre, merci. Vous l'avez dit, c'est la responsabilité de tous les acteurs, le politique, les syndicats mais aussi la direction, de faire en sorte que le Groupe SNCB puisse être sur les rails et arriver à bon port.

 

Malheureusement, la direction a décidé, de manière unilatérale, d'introduire cette mesure qui met à mal des droits des travailleurs. Ceux-ci ont effectivement, à un moment donné, accepté des réductions de salaire en compensation de ces quelques jours supplémentaires pour rattraper toutes les heures supplémentaires qu'ils prestent. Ce sont donc des choses qui ont été acquises à un moment donné, pour faire face à des demandes de réduction sur leurs salaires. Et aujourd'hui, on veut, de manière unilatérale, prendre une décision qui va à l'encontre de leurs droits.

 

Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je souhaite que la concertation puisse reprendre. Dans ce cadre-là, je pense que la meilleure solution, c'est de faire en sorte que cette décision de suppression des jours de crédit soit suspendue en attendant que la négociation et la concertation puissent pleinement reprendre entre les partenaires.