Question de Frédéric Daerden à Charles Michel, Premier ministre, sur la manifestation nationale du 24 mai

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, plus de soixante mille travailleurs du nord, du sud et du centre du pays ont manifesté leur mécontentement à l'égard de votre politique – et ce sont les chiffres de la police. Les travailleurs et travailleuses de ce pays ne veulent pas de la régression sociale. Ils disent non à la flexibilité à outrance, au démantèlement des services publics et à la pension à soixante-sept ans. Comme nous, ils estiment que des solutions plus justes sont possibles sur le plan de la fiscalité, de l'aménagement des fins de carrière, de la répartition du temps de travail et du pouvoir d'achat.

 

Face à cette nouvelle mobilisation de grande ampleur, votre gouvernement fait la sourde oreille et ne veut rien entendre. Vous nous dites que le gouvernement va maintenir son cap. En somme, "circulez, tout va bien!". Mais peut-on affirmer que tout va bien alors que les gardiens de prison sont en grève depuis un mois, que les représentants de la Justice sortent publiquement de leur réserve, qu'Eurostat observe que le taux d'emploi diminue, que la croissance se situe en dessous de la moyenne européenne, que l'augmentation des accises fait un flop, que le SPF Finances – ainsi que mon collègue Ahmed Laaouej le dénonce – est à genoux, que les cheminots sont à bout, que le dumping social continue à faire des ravages et que la concertation sociale est abîmée?

Monsieur le premier ministre, il est temps – comme l'écrivait L'Echo hier – "d'admettre ses erreurs et de corriger le tir". Ma question sera simple: comment allez-vous rétablir la paix sociale, tellement nécessaire à toute réforme?

Réponse de Charles Michel

Le gouvernement respecte les préoccupations des personnes qui expriment leur opinion face aux réformes. Le droit de grève est extrêmement important, mais la majorité et une partie de l'opposition condamnent son exercice abusif qui peut nuire à d'autres libertés. La grève est le dernier moyen quand la conciliation a échoué.

 

Il devient lassant d'entendre constamment les mêmes exemples de désinformation, à propos du pouvoir d'achat notamment. Pour un bas salaire de 1500 euros, il y a 80 euros en plus chaque mois en 2016, alors que le saut d'index, c'est 12 euros par mois! Apprenez à compter, monsieur Gilkinet!

 

En matière de lutte contre la fraude fiscale, les résultats engrangés par le ministre Van Overtveldt sont exceptionnels par rapport à ceux de ces dernières années. Ces bons résultats sont le fruit de nos choix politiques. Nous avons utilisé 100 % de l'enveloppe bien-être, alors que le gouvernement précédent n'en avait utilisé que 60 %. L'affectation des moyens a pleinement respecté les décisions des partenaires sociaux.

 

Le nombre de faillites a spectaculairement diminué. Des dizaines de milliers d'entreprises ont été créées. Le chômage a baissé. Nous continuerons à réformer et nous donnerons un espace au dialogue social afin d'améliorer nos réformes.

 

Sur de nombreux dossiers, comme l'enveloppe bien-être, la marge salariale, les fins de carrière, Belgocontrol, nous tentons de dégager des accords, qui sont exécutés s'ils respectent le cadre budgétaire, les principes de l'accord de gouvernement et la démocratie parlementaire, à côté de la démocratie sociale.

 

Le gouvernement a pris un engagement important sur le plan du marché de l'emploi. Je me réjouis que même dans l'opposition, des voix s'élèvent pour nous encourager à relever ce défi. L'actuel accord de gouvernement prévoit l'annualisation du temps de travail, un principe qui figurait d'ailleurs également dans l'accord de gouvernement précédent.

 

La différence, c'est que cela n'a pas été exécuté sous la précédente législature. Un texte sera soumis aux partenaires sociaux. La méthodologie du ministre Peeters leur donne un grand espace pour améliorer les situations dont j'entends parler . Avec eux nous veillerons à prendre en compte l'équilibre entre la vie professionnelle, la flexibilité utile au développement de l'emploi et la vie familiale.

 

Je suis fier de diriger un gouvernement qui a instauré le don de jours de congé à un collègue dont l'enfant est gravement malade. C'est une forme de solidarité! Dans le cadre de la modernisation du marché du travail, nous avons d'énormes ambitions dans le domaine de la formation.

 

Plusieurs options ont été proposées et nous espérons que la concertation à leur sujet sera fructueuse. Nous voulons réussir une stratégie de redressement économique pour créer de l'emploi, comme meilleure garantie pour la solidarité, et prendre en compte les conséquences des attentats du 22 mars sur l'image de notre pays.

 

Je suis fier que nous ayons réussi, hier, à réunir des gouvernements aux majorités différentes autour d'une stratégie de valorisation de nos atouts. J'appelle les partenaires sociaux et les syndicats à nous rejoindre pour concrétiser ces engagements, que l'on cesse cette désinformation et que l'on respecte l'existence d'un gouvernement et d'une majorité qui décide d'aller de l'avant.

Réplique de Frédéric Daerden

Monsieur le premier ministre, j'entends de votre bouche que vous êtes lassé. C'est inquiétant, pour un premier ministre! Vous ne faites que des cadeaux, et personne ne vous comprend. Revoyez votre communication et votre pédagogie. Je ne peux que constater l'autisme du gouvernement.

 

Vous devez écouter les travailleurs, premiers moteurs de l'économie. Arrêtez de prendre des mesures à sens unique, après le saut d'index, après la pension à 67 ans, la flexibilité à outrance avec la semaine de 45, voire 50 heures. Cela va mettre le feu au pays. Des mesures qui pénalisent toujours les travailleurs, les pensionnés, les demandeurs d'emploi, les femmes, les jeunes.

 

Monsieur le premier ministre, prenez des mesures qui améliorent les conditions de travail, qui partagent le temps de travail, qui restaurent un vrai dialogue social.