Question de Paul-Olivier Delannois à Koen Geens, ministre de la Justice, sur la grève dans les prisons

Depuis plusieurs jours, les agents pénitentiaires sont en grève. Les conditions insoutenables qui leur sont imposées, et notamment la diminution des effectifs, ont également des répercussions sur les conditions de vie des détenus. Plus de préau, plus de repas réguliers, plus de communications téléphoniques, plus de douches. Vous imaginez donc la situation.

 

C'est la situation générale dans les prisons. Dans certaines, à Forest notamment, c'est encore plus grave, vu l'état de l'infrastructure et en tout cas sa vétusté. Le bourgmestre de Forest, avec qui j'ai été dernièrement en contact, a pris un contact direct avec le premier ministre pour signaler qu'à l'heure actuelle, cette prison est quasiment insalubre. Demain, il pourrait très bien prendre un arrêté de fermeture et je peux vous garantir que ce serait très grave. Nous sommes donc au bord d'une situation dramatique.

 

Monsieur le ministre, que va faire votre gouvernement pour arrêter ces mesures d'austérité? J'ai parfois le sentiment que nous ne regardons pas nécessairement le côté humain des choses. Je vous ai souvent posé des questions en commission. Je suis venu avec des situations sociales, humaines. Vous me répondez systématiquement avec un plan de rationalisation, des économies budgétaires, un Masterplan, etc. J'ai l'impression que nous ne parlons pas toujours la même langue. Il est temps d'investir dans nos prisons, ou nous allons comme d'habitude attendre, pour agir, une condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme.

 

Je vous ai parlé de la prison de Forest. Je vous parlerai également de la prison de Tournai, où seuls quelques agents ont été engagés. Les autres ont été transférés. Je vous garantis qu'ils sont submergés et cela risque de ne pas s'améliorer avec la fin du contrat de la prison de Tilburg et avec votre pot-pourri qui, à mon avis, va dégrader la situation.

 

Ce manque de moyens a toute une série de conséquences sur les agents pénitentiaires, sur les détenus, mais aussi sur les autorités locales, les différents bourgmestres. Nous en avons assez, en tant que bourgmestres, de mettre des policiers à disposition. Je vais vous donner un petit exemple: 25 policiers à Tournai, c'est plus ou moins 10 % de l'effectif. Pendant ce temps, le travail n'est plus fait.

 

Monsieur le ministre, il est temps que vous vous attaquiez aux racines du problème. Où en sont les négociations? Quels moyens comptez-vous déployer afin de gérer cette situation de crise avant qu'elle n'explose? Quand peut-on espérer la fin de votre politique d'austérité aveugle? Sur la question de la prison de Forest, allez-vous dégager des moyens?

Réponse de Koen Geens

Monsieur le président, chers collègues, pour ce qui concerne votre question sur le déroulement des négociations, un ministre qui négocie avec les syndicats se doit d'être parcimonieux dans ses déclarations. Permettez-moi donc d'être bref dans mes propos mais quand même suffisamment clair.

 

J'ai proposé de geler, pour cette année, la situation actuelle, c'est-à-dire de remplacer à concurrence de un par un, les départs de nos prisons. Il ne s'agit pas de geler la situation actuelle mais bien de construire un meilleur avenir, grâce au changement des méthodes de travail que j'ai convenu de négocier avec les syndicats dans un protocole signé par ceux-ci en décembre 2014. Je suis convaincu qu'il faut à tout prix aller dans le sens d'une modification des méthodes de travail. Je crois d'ailleurs que la plupart des syndicats sont d'accord sur ce point. Augmenter l'effectif ne résoudra jamais les problèmes mais il faut bien expliquer.

 

Une prime de flexibilité par heure dépendant de la flexibilité est accordée dans les prisons qui ont entamé l'exercice convenu lors des négociations. Ils sont nombreux à avoir entamé cet exercice de rationalisation tant du côté néerlandophone, que bruxellois ou francophone.

 

Monsieur Van Hees, vous avez parlé des pensions. Ce ne figure pas vraiment sur la table des négociations actuellement. Le congé avant pension est graduellement mis à l'âge de 58 ans pour l'année 2018. On le sait suffisamment. Cela a été confirmé lors du contrôle budgétaire récemment et les négociations en matière de pénibilité au niveau de la Commission nationale des pensions sont en cours. Elles se déroulent bien. Ce matin encore, le ministre Baquelaine a vu les syndicats à ce sujet.

 

Je comprends les problèmes et malgré vos propos, monsieur Van Hees, j'ai un grand respect pour les agents pénitentiaires. Il y a un certain problème d'absentéisme dans nos prisons, dans certains de nos services publics qui rendent les cadres moins suffisants qu'ils ne devraient l'être. C'est en quelque sorte un cercle vicieux que j'essaie justement de briser par ces autres méthodes de travail.

 

En ce qui concerne le service minimum, une médiation sociale est en cours depuis huit mois et je ne cesse de répéter aux personnes autour de la table que nous la poursuivons. Lundi, nous verrons ensemble la médiatrice sociale sur ce sujet. En effet, majorité et opposition sont toutes deux conscientes qu'il faut ce régime.

 

Par ailleurs, je connais heureusement la convention en matière de droits de l'homme et aussi la condamnation que mon département a subie à Nivelles. Je vais évidemment appliquer et exécuter ces décisions dans la mesure où on me l'impose. Il est cependant évident qu'une somme journalière aussi importante imposée par méconnaissance des droits de l'homme est une chose très lourde. Je fais tout pour arrêter cette grève dès que possible. Il ne faut pas sous-estimer le fait que cette grève, au Sud et à Bruxelles, est la suite de l'initiative des agents pénitentiaires, et non pas des syndicats. Ce n'est pas tellement facile à gérer, mais nous faisons vraiment de notre mieux.

 

Monsieur le président, j'évoquerai encore deux petits problèmes qui concernent les zones de police locale. Vous savez qu'elles sont réquisitionnées par mon département, et que plusieurs bourgmestres avec lesquels mon cabinet est en contact permanent, ainsi par ailleurs qu'avec les gouverneurs, ont, de leur côté, réquisitionné la police fédérale. Je crois que chacun a ses devoirs légaux à cet égard. Mais il va de soi que tout le monde est demandeur d'un service minimum.

 

Il ne reste qu'une question à laquelle je peux répondre vu les limites du temps. J'ai eu encore ce matin une réunion concernant Forest avec le ministre de l'Intérieur qui est aussi le ministre de la Régie, comme vous ne l'ignorez pas. Pour Haren, on pousse autant que faire se peut, et on pense pouvoir terminer pour le début de 2019. Entre-temps, il faut effectuer les travaux de réparation qui sont possibles à Forest. L'aile D, comme ne l'ignorez pas, a été fermée entre-temps. Nous continuons et faisons de notre mieux. J'espère que cette grève sera terminée avant vendredi mais, chers collègues, il faut être deux pour danser!

Réplique de Paul-Olivier Delannois

Monsieur le président, monsieur le ministre, vos réponses ne me satisfont pas.

 

Vous avez dit que vous alliez faire preuve de parcimonie dans vos propos. Cela vous arrive si souvent que les syndicats n'ont encore rien entendu!

 

Vous avez dit qu'une augmentation du personnel ne résoudrait pas le problème. Je vous laisse la responsabilité de vos propos. En tout cas, je peux vous garantir qu'une diminution du personnel ne le résoudra pas non plus, mais contribuera plutôt à l'aggraver.

 

Vous avez parlé du service minimum. Je suis désolé de devoir vous dire que vous prenez le problème à l'envers. Je vous demande de régler les problèmes liés à la grève et non ceux en aval.

 

Vous avez également évoqué la réquisition de la police fédérale. Je peux vous garantir qu'à Tournai, il faut gérer le problème avec les polices zonales. Pour ce qui concerne Forest, vous n'avez pas répondu à ma question relative aux moyens.

 

Comme l'heure est à la question d'actualité, permettez-moi de vous faire savoir que j'ai reçu à 14 h 58 un appel à l'aide de la prison de Tournai. En effet, les détenus de l'aile C n'auront pas à manger, la police n'a plus la capacité d'intervenir, vu le danger. Et il y a une heure, on a intercepté un détenu qui était en train d'enlever la gaine du conduit d'aération. Autrement dit, une tentative d'évasion a été déjouée.

 

Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l'état dans lequel nous nous trouvons. Il y a le feu dans les prisons et, bientôt, il y aura aussi le feu dans les commissariats car la police en a plus que marre de faire un travail qui n'est pas le sien. Aujourd'hui, quand on me demande que fait la police, je réponds que cette dernière règle le problème du fédéral.