Question d'Ozlem Ozen à Koen Geens, ministre de la Justice, sur la grève dans les prisons

Monsieur le président, chers collègues, monsieur le ministre, c'est malheureusement l'énième fois que je suis amenée à vous interroger sur la situation dans nos prisons.

 

Depuis le début de cette législature, les mois se suivent et se ressemblent et les tensions ne cessent de s'accroître chez ceux qui sont au service de la justice. Il y a eu les greffiers, les avocats, les magistrats et les agents pénitentiaires en premier lieu. Les grèves de ces derniers jours en sont une nouvelle démonstration.

 

Monsieur le ministre, votre politique carcérale est schizophrénique, il n'y a pas d'autre terme. D'un côté, vous diminuez le nombre d'agents et, de l'autre, vous augmentez leurs responsabilités et les missions qui leur sont attribuées. Je ne parle même pas du saut d'index, de l'allongement de la carrière, de la suppression des jours de maladie, de la rationalisation, de la sécurité des établissements. Le personnel est clairement à bout.

 

Vous imposez des suppressions d'effectifs et des réductions de moyens. Cela veut dire des conditions de travail et des conditions de détention qui se dégradent, des agents qui sont surmenés et des détenus dont on hypothèque les chances de réinsertion chaque jour davantage.

 

Vous voulez que ces agents en sous-effectifs assurent de nouvelles missions, dont certaines particulièrement sensibles, par exemple veiller à la prévention de la radicalisation et gérer des détenus qui sont déjà radicalisés. Comment assumer ces responsabilités supplémentaires avec des agents en moins? Les gardiens ont-ils été formés pour prévenir la radicalisation de ces détenus et pour s'occuper de ceux qui sont déjà radicalisés? Rien ne permet en tout cas de croire que la situation d'urgence qui est vécue actuellement dans nos prisons, et notamment à Forest, va s'éteindre.

 

Monsieur le ministre, estimez-vous que vous disposez de moyens suffisants pour répondre à vos objectifs en matière carcérale? Le sous-effectif chronique des agents pénitentiaires dans les prisons ne devrait-il pas mettre fin à toute volonté de rationalisation des effectifs? Enfin, quels moyens matériels et quelles formations sont-ils mis à disposition du personnel pour, d'une part, gérer les détenus radicalisés et, d'autre part, prévenir cette radicalisation?

Réponse de Koen Geens

Monsieur le président, madame Özen, laissez-moi dire tout d'abord que j'ai encore négocié ce matin avec les syndicats – que je reverrai probablement demain. J'aimerais souligner que le climat social de l'année dernière a été fructueux. Vous m'interrogez comme si rien de bien n'avait été entrepris. En tant que membre de l'opposition, c'est bien entendu votre devoir. Cependant, je vous rappelle qu'il y a eu assez peu de journées de grève en 2015 – et j'espère que cela persistera, même si ce n'est jamais certain.

 

S'agissant ensuite de la concertation, sept groupes de travail ont été constitués. Plusieurs d'entre eux ont obtenu un résultat positif. Pour l'instant, l'arrêté royal relatif aux congés antérieurs à la pension qui seraient reportés à cinquante-huit ans est examiné par le Conseil d'État. Un autre arrêté portant sur la flexi-prime destinée à compenser l'effet de la rationalisation sur les primes et à stabiliser le salaire par agent pénitentiaire est en train d'être négocié par votre serviteur et le ministre de la Fonction publique, que j'ai encore appelé ce matin.

 

En ce qui concerne le recrutement, nous avons engagé vingt agents en 2015.

 

Au sujet de la radicalisation, j'ai présenté, lors de la négociation syndicale de ce matin, un avis positif de l'Inspection des finances quant à l'engagement de septante-deux personnes. Après avoir contacté ma collègue du Budget, j'en attends encore vingt-huit. Ce sont donc cent personnes qui seront engagées. Les agents ont été formés, en particulier à Ittre et à Hasselt. Je vais pleinement exploiter la marge budgétaire de cette année en vue d'autres recrutements dans les prisons.

 

J'espère donc que, demain, nous aboutirons à un accord. J'éprouve un très grand respect pour les agents pénitentiaires, car je sais que leur travail exige beaucoup d'amour et d'engagement. Nous faisons de notre mieux, malgré vos propos que j'accepte, même s'ils ne correspondent pas toujours à la réalité. 

Réplique d'Ozlem Ozen

Vous avez dit que l'ambiance syndicale n'était pas si tourmentée que cela car, en 2015, la situation n'était pas si catastrophique!

 

Je peux vous dire que la majorité des acteurs de la justice sont mécontents et que la situation dans les prisons se dégrade de plus en plus. Ces personnes travaillent dans des conditions inacceptables! Elles doivent remplir leurs missions avec moins de personnel, et cela crée des tensions. De plus, avoir moins de personnel pour s'occuper des détenus spécifiques, par exemple les radicalisés, engendrera des tensions supplémentaires qu'il sera difficile d'endiguer.

 

Je le répète, la situation dans nos prisons est désastreuse, et vous le savez bien! Nous sommes très souvent condamnés. Il faut sortir de ce cercle vicieux!