Question de Laurette Onkelinx à Charles Michel, Premier ministre, sur la communication de l'Ocam

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, chers collègues, début de cette semaine, grande nouveauté dans notre pays: une conférence de presse du nouveau directeur de l'OCAM, flanqué du directeur adjoint du Centre de crise et d'un représentant de la police fédérale! Pour dire quoi? Des éléments très importants doivent-ils être communiqués? Le niveau d'alerte sera-t-il relevé ou, au contraire, a-t-on de bonnes nouvelles à transmettre, notamment quant à la sécurisation du pays? En fait, rien!

 

On donne une conférence de presse pour ne rien communiquer, sinon se montrer aux médias, susciter des craintes et des interrogations sans aucun discernement. Et croyez que nombre d'établissements, par exemple à Bruxelles, ont vu des annulations de réservation dans la soirée qui a suivi la conférence de presse! Il s'ensuivit de grands articles dans les journaux qui sont lus en Belgique mais également à l'étranger. La presse internationale a d'ailleurs amplement repris cette conférence de presse.

 

Est-il normal de communiquer sur rien? Certainement pas! D'ailleurs, s'il y avait des communications à faire sur un point, elles auraient dû être faites – je le suppose – par le Conseil national de sécurité, vous-même ainsi que les ministres de l'Intérieur et de la Justice.

 

Monsieur le premier ministre, cette conférence de presse a-t-elle été sollicitée ou autorisée? Vous semble-t-elle adéquate? Va-t-on assister à un rituel, où chaque semaine, la peur est servie au menu du quotidien? Bref, avons-nous décidé de faire nous-mêmes du "Belgique bashing", du "Bruxelles bashing"? Avons-nous nous-mêmes décidé de nous tirer une balle dans le pied? Il ne faudra, dès lors, pas pleurer sur les conséquences. J'attends avec beaucoup d'impatience votre analyse de cette conférence de presse.

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, madame la députée, la conférence de presse que vous évoquez n'est pas la première du genre. Par le passé et à d'autres reprises, des conférences de presse ont été initiées par les services.

 

Afin d'être clair, je n'ai pas, en tant que premier ministre, sollicité cette conférence de presse. Par contre, j'en ai été informé au préalable. Les services ont considéré qu'il était utile de communiquer en raison des nombreuses interrogations et questions auxquelles la presse les soumet depuis quelques semaines à la suite de la concrétisation des tragiques attentats qui ont frappé notre pays. Cette conférence de presse a donc été réalisée par le directeur de l'OCAM. Le directeur général du Centre de crise et un représentant de la police fédérale étaient également présents.

 

De quoi s'agissait-il? Il s'agissait de tenter d'expliquer, avec la sérénité et le recul nécessaires, la façon dont le Centre de crise fixe le niveau de la menace et détermine un certain nombre de mesures mises en œuvre, notamment par la police fédérale.

 

Je voudrais être précis. Lorsque l'on décide de communiquer, il y a toujours le danger de ne pas mesurer le niveau d'intensité du message délivré. La communication n'est malheureusement pas une science exacte. Vous le savez et nous le savons. Je n'ai donc pas manqué de rendre attentifs les services au fait qu'il fallait être particulièrement prudent, modéré, mesuré quand il s'agit d'apprécier, tout d'abord, si une communication est nécessaire et utile et, ensuite, le degré d'intensité de la communication en question.

 

Madame la députée, c'est pour moi également une expérience d'être confronté depuis ces derniers mois à cette évolution de la menace dans notre pays. Il nous est demandé – et c'est bien légitime dans une enceinte démocratique – d'expliquer, d'une part, les motivations pour lesquelles un niveau est fixé – le niveau 3 étant un niveau grave – et, d'autre part, les raisons pour lesquelles un niveau est maintenu. Mais en l'occurrence, la difficulté réside dans le fait que le niveau est fixé sur la base des informations communiquées par les services d'appui et que les éléments de contenu communiqués à l'OCAM ne peuvent pas toujours être transmis aux médias de manière totalement complète et transparente pour ne pas mettre en péril le travail des services de renseignement et d'enquête.

 

Ce sont là les quelques éléments d'information que je désirais vous indiquer.

Réplique de Laurette Onkelinx

Monsieur le premier ministre, c'est une réponse mi-chèvre, mi-chou. Convenez que les services de sécurité ont le devoir d'agir efficacement et dans la discrétion. S'il y a des grandes communications à réaliser, c'est au Conseil national de sécurité de le faire. Vous le savez, la situation économique, sociale, culturelle à Bruxelles, mais pas seulement, est dramatique à la suite du lockdown, à l'interdiction du feu d'artifice et aux attentats du 22 mars 2016.

 

Demain, vous recevrez des représentants des entreprises. Les représentants de la Région, et des travailleurs espèrent également être de la partie. Les entreprises ont peur de ne pas pouvoir résister. Les travailleurs ont peur de perdre leur emploi. Des plans d'urgence sont débloqués par les différentes autorités. Des moyens financiers sont demandés. Des campagnes de presse sont en préparation pour faire revivre Bruxelles et, avec une petite conférence de presse pour ne rien dire, on balaie tous ces effets. C'est vraiment irresponsable! Comme le dit la formule: quand on n'a rien à dire, on se tait et on travaille! Monsieur le premier ministre, je vous demande de mettre de l'ordre dans la communication de nos services.