Question d'Eric Thiébaut à Jan Jambon, ministre de l'intérieur, sur la demande de l'Allemagne de fermer les réacteurs nucléaires microfissurés

Monsieur le président, je regrette à nouveau l'absence du ministre de l'Intérieur pour un dossier aussi important: la sécurité nucléaire de notre pays.

 

Monsieur le ministre, fissures, sabotage, incendie, pannes, voilà une série de mots que l'on n'aurait certainement jamais voulu voir associés à nos centrales nucléaires en Belgique. Et pourtant, des incidents à répétition sont relatés depuis des mois dans la presse, avec une telle fréquence que finalement, ils sont parvenus à même inquiéter nos pays voisins. C'est maintenant la ministre allemande de l'Environnement qui demande, ni plus ni moins, de fermer temporairement les centrales fissurées de Tihange 2 et Doel 3.

 

Ce qui est interpellant, c'est que cette demande est faite alors même que nous savons qu'il y a eu des réunions entre les autorités allemandes et l'Agence fédérale de contrôle nucléaire, des réunions régulières depuis le mois de janvier. Malgré cela, l'Agence n'est pas parvenue à convaincre la Commission allemande indépendante de sécurité nucléaire que les réacteurs sont suffisamment sûrs en cas de panne. C'est d'autant plus inquiétant qu'il s'agit d'experts allemands, dont le savoir-faire et la connaissance ne sont certainement plus à démontrer en matière industrielle et technologique.

 

Monsieur le ministre, quelles réponses allez-vous donner au gouvernement allemand? Ou plutôt, quelle réponse votre collègue va-t-elle donner au gouvernement allemand? Allez-vous accepter de mener les examens complémentaires qui ont été demandés par l'Allemagne?

 

Dans son communiqué d'hier, l'Agence semble mettre en cause l'attitude des Allemands. Cela pose aussi question et cela mérite des explications. Y a-t-il des problèmes de collaboration entre les autorités allemandes et l'Agence fédérale de contrôle nucléaire?

 

Enfin, pourquoi ne pas proposer au gouvernement allemand de mettre en place un groupe, qui serait composé d'experts allemands et belges, pour examiner ensemble nos réacteurs nucléaires et rétablir la confiance envers la Belgique dans le domaine nucléaire?

Réponse de Jan Jambon

Le ministre de la Sécurité et de l'Intérieur prend acte des déclarations de sa collègue allemande. En février, les ministres Jambon et Hendricks ont convenu de collaborer plus étroitement sur ces dossiers. Les 5 et 6 avril 2016, l'AFCN, le Bundesministerium für Umwelt et la Reaktor-Sicherheitskommission se sont réunis à Bruxelles. Les discussions ont été prolongées afin de répondre aux questions supplémentaires de la délégation allemande.

 

Selon l'Agence, ces questions n'ont ni remis en question ses conclusions ni apporté de nouveaux éléments dont elle n'aurait pas tenu compte. D’après l’Agence, Doel3 et Tihange2 répondent aux exigences de sûreté. Il n'y a donc aucune raison de les fermer. Suite à la découverte des microbulles d'hydrogène dans les cuves de Doel3 et Tihange2, l'agence a collecté les avis d'experts et de laboratoires internationalement reconnus. Sur base de données objectives et d'analyses, elle a conclu à l'exploitation sûre de Doel3 et Tihange2, conclusion validée par des experts belges et étrangers.

 

En janvier, l'agence a convié à un workshop sur Doel3 et Tihange2 les autorités de sûreté étrangères et des experts de 15 pays , dont ceux d'Allemagne, de l'Union européenne, de l'Agence pour l'énergie nucléaire et de l'AIEA. Elle a répondu aux questions allemandes dans un document envoyé le 18 février, accessible sur le site internet de l'agence

 

L'AFCN collabore de façon constructive avec ses collègues d'autres pays. Le 6 avril 2016, des experts allemands et luxembourgeois ont effectué une visite à la centrale de Tihange pour se rendre compte des modifications qui y ont été apportées après les tests de résistance. Nous sommes également favorables à la proposition visant à élaborer un programme d'inspections croisées avec des inspecteurs allemands et belges.

 

L'AFCN est un organe indépendant. Le gouvernement n'intervient pas dans les décisions que prend cet organisme. Nous n'avons aucune raison de mettre en doute l'expertise de l'AFCN. En Allemagne, l'autorité de sécurité fait partie du ministère et le ministre est directement  impliqué dans la prise de décisions.

Réplique d'Eric Thiébaut

Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos explications. Vous avez précisé quelques éléments, mais nous n'avons pas appris grand-chose par rapport à ce que nous avions lu dans la presse et aux renseignements que nous avions pris à gauche et à droite. La ligne de conduite du ministre de l'Intérieur en matière de sécurité nucléaire a toujours été, depuis qu'il a été désigné ministre, d'affirmer qu'il s'en référait systématiquement à l'avis de l'Agence fédérale de contrôle nucléaire. C'est une position saine lorsque cet avis n'est pas systématiquement contesté par d'autres instances.

 

Dans le cas de Tihange 2 et de Doel 3, vous avez parlé de l'avis d'experts belges et internationaux qui avaient été remis afin de convaincre l'Agence de donner son aval. Parmi ces avis, nous trouvions déjà l'avis contraire d'un expert. Aujourd'hui, nous avons un avis contraire émanant d'une agence fédérale allemande. Celle-ci nous dit que la sûreté n'est pas garantie. Nous avons encore un autre avis.

 

Aujourd'hui, le gouvernement devrait simplement demander un avis différent de celui de l'Agence. Il pourrait passer, par exemple, par l'Agence internationale de l'énergie atomique, ou par d'autres organes disposant de l'expertise nécessaire au niveau international.