Question de Karine Lalieux à Charles Michel, Premier ministre, sur la sécurité dans les aéroports

Monsieur le premier ministre, chers collègues, j'ai interrogé Mme Galant le 3 mars en commission de l'Infrastructure sur la sécurité de l'aéroport de Bruxelles-National. J'ai demandé à Mme Galant de répondre aux alertes des syndicats des inspecteurs de sûreté de l'aéroport. Ils dénoncent depuis de très longs mois les failles en matière de sécurité dans l'aéroport de Bruxelles. Début mars, Mme Galant m'a dit que les failles de sécurité dénoncées par ces inspecteurs "n'étaient pas exactes". Hier, j'ai réinterrogé Mme Galant encore une fois sur la sécurité de l'aéroport. Elle m'a dit: "Les audits réguliers de la Commission européenne indiquent tous que les normes de sécurité sont totalement respectées."

 

D'un côté, Mme Galant nous dit que tout va bien; de l'autre côté, au même moment, le site de la RTBF publie un rapport de la Commission européenne très critique sur la sécurité de nos aéroports.

 

Monsieur le premier ministre, je ne comprends plus. C'est totalement incompréhensible. Comment se fait-il que Mme Galant ne connaît pas le contenu des rapports de la Commission européenne sur la sécurité de nos aéroports? Comment n'est-elle pas au courant de cela? Quand on voit les appels lancés par les travailleurs et par son administration depuis fin 2014, et par la Commission européenne – les rapports existent – et après l'attentat du Thalys et les attentats de Paris, comment expliquer que Mme Galant, si cela est vrai, n'accepte pas les demandes de son administration relatives à la sécurisation de l'aéroport, notamment en lien avec vos 400 millions?

 

Monsieur le premier ministre, depuis les attentats de Paris, depuis le Thalys, Mme Galant vous a-t-elle fait des demandes claires pour sécuriser l'aéroport et les alentours de l'aéroport, notamment tous ces trous dans les clôtures?

 

Monsieur le premier ministre, il y a eu les erreurs sur le budget de la SNCB. Il y a eu les erreurs dans le dossier RER. Il y a eu les erreurs dans les marchés publics illégaux de Clifford. Il y a ce conflit ouvert entre son administration et Mme Galant, et des documents confidentiels atterrissent sur des sites de médias. Il y a maintenant les erreurs dans la sûreté de l'aéroport.

 

Ces erreurs à répétition démontrent, monsieur le premier ministre, un manque de professionnalisme et, à tout le moins, une grande faiblesse dans la conduite des affaires publiques quand il s'agit de la sécurité de nos concitoyens.

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je veux indiquer d'emblée que, comme chacun des intervenants et comme chacun dans cette assemblée, nous prenons tous très au sérieux la situation de la sûreté et de la sécurité dans les aéroports. Cette question est évidemment importante après le drame qui a frappé notre pays, et après d'autres attentats en Europe et dans le monde. Je le répète: il y aura un avant et un après 22 mars, comme il y a eu un avant et un après 11 septembre aux États-Unis.

 

Deuxièmement, j'ai été informé hier par la presse de la révélation des deux rapports de la Commission européenne. L'un daterait du 26 juillet 2011 et l'autre du 28 avril 2015. J'ai demandé que l'on s'informe à leur sujet. Je vous communique bien volontiers les informations dont je dispose. Pour le rapport de 2011, malgré les demandes qui ont été faites, il n'a pas été possible de le recevoir ni d'être informé de son suivi, qui a été adressé à l'époque vers la Commission européenne. Pour le rapport de 2015, de la même manière, l'information qui m'est communiquée est qu'il n'a pas été transmis au cabinet de la ministre en charge de ce dossier. Selon l'information qui m'est communiquée, la Commission européenne envoie ce rapport à deux fonctionnaires de la DGTA qui disposent d'une habilitation Union européenne restreinte. Il apparaît que ce rapport n'a pas été communiqué au gouvernement, qui en a pris connaissance par la presse, par conséquent, comme l'ensemble des parlementaires. Ces rapports portent, d'après ce que je comprends à ce stade, sur les questions de sûreté, et peut-être pour une part sur des questions de sécurité. Il nous apparaît évidemment essentiel de faire la clarté sur cette situation.

 

Troisièmement, la DGTA a été sollicitée au cours des dernières heures pour communiquer ces informations et rendre compte du suivi qu'elle a réalisé, étant l'administration qui reçoit, via deux fonctionnaires, le rapport en question. Il a été indiqué au cabinet de la ministre en charge qu'un suivi aurait été réalisé. Le national quality control program a été adopté. Le national aviation security program a été approuvé par le cabinet et est actuellement en cours de traduction.

 

Il existe un planning des audits réalisés en 2015 ainsi que de ceux prévus en 2016.

 

Quatrièmement, les problèmes de sécurité de l'aéroport et des compagnies aériennes ont été modifiés en conformité, me dit-on, avec les exigences de la législation européenne.

 

Cinquièmement, l'arrêté royal relatif au mandat des inspecteurs aurait été signé et transmis pour avis aux Régions.

 

Voilà les cinq points qui me sont communiqués par le cabinet, qui reçoit ces informations de la DGTA.

 

J'ai demandé que tout soit fait dans les heures qui viennent pour clarifier autant que possible la manière dont ces indications ont été communiquées, les suivis qui ont été opérés par l'administration et également par le cabinet en charge. Il va de soi que personne ne doit échapper à l'ensemble de la clarté sur un sujet aussi crucial et aussi important que celui-là.

 

En ce qui concerne la provision sécurité (200 millions et 400 millions d'euros), la sécurité des aéroports et des gares a été prise en considération dans le cadre de la répartition. Deux décisions ont été prises. D'abord l'octroi de principe d'un montant de 17,8 millions d'euros pour de l'équipement dans les gares (portiques, scanners), pour lequel les ministres en charge doivent préparer des dossiers d'exécution à soumettre au gouvernement. Ensuite, s'agissant de la sécurité de l'aéroport, nous avons mis l'accent sur la mobilisation de moyens policiers supplémentaires puisqu'il est prévu d'embaucher 35 équivalents temps plein supplémentaires. Cette décision a été prise avant les attentats et vise les aéroports de Bruxelles et de Charleroi.

 

En conclusion, je veux que toute la clarté soit faite. Je souhaite que le gouvernement, chacun des ministres, et moi le premier, nous soyons à la hauteur des enjeux. Le drame qui nous a frappé doit nous amener à ne pas avoir peur de la vérité. Il doit nous amener à regarder, dans les semaines, les mois, les années qui ont précédé les attentas quels sont les points dont il faut tirer des leçons pour l'avenir. Nous avons affirmé que la commission d'enquête parlementaire qui a été décidée par cette assemblée aurait toute la capacité d'avoir le soutien du gouvernement, qui coopérera dans toutes ses dimensions pour que la lumière soit faite.

 

Je forme le vœu qu'on puisse, dans la sérénité, dans la détermination, assumer nos responsabilités pleinement.

 

J'aurai encore une réaction aux documents qui ont été transmis au parlement. Je comprends qu'un des procès-verbaux qui date de quelques jours aurait été contesté. Des échanges de mails semblent le montrer. Je n'en tire aucune conséquence, c'est un constat.

 

Et je relève qu'il y a une note d'information quelques semaines ou mois après la mise en place du gouvernement qui évoque de nombreux thèmes dont celui de la sécurité et de la sûreté dans l'aéroport. Le parlement doit pouvoir être capable de vérifier de manière précise ce qui a été fait de part et d'autre. Y-a-t-il eu des notes complémentaires transmises par l'administration ou au départ du cabinet? J'ai toute confiance dans le travail de cette assemblée pour faire la clarté là-dessus et tirer des leçons. J'affirme la détermination du gouvernement à ce que cela puisse se faire.

Réplique de Karine Lalieux

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, il me semble que vous avez choisi d'être prudent. En effet, aujourd'hui, vous n'avez pas du tout couvert votre ministre, comme vous l'aviez déjà fait pour d'autres erreurs. Vous nous avez dit – et nous prenons la balle au bond – que tout cela devait être analysé point par point en commission d'enquête sur les actes terroristes. Ce sera fait. Comptez sur nous, s'il le faut, nous pouvons déposer un amendement pour ajouter à ses missions la sécurité des aéroports. C'est indispensable.

 

Il y a une non-connaissance du rapport de la Commission européenne et si ces rapports n'ont pas été transmis par des hauts fonctionnaires, c'est une faute très grave. Si ce que la ministre avance est exact, il faut demander une enquête immédiate au sein de cette administration.

 

Je pense aussi qu'il n'y avait pas que le rapport de la Commission européenne. Mme Galant était prévenue par ses travailleurs, par ses inspecteurs, par la DGTA. Je pense qu'il y a eu légèreté dans la prise en compte de tous ces appels de la part de ses travailleurs et de son administration.