Question d'Ahmed Laaouej à Charles Michel, Premier ministre, sur le dérapage budgétaire

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, chers collègues, ce qui nous occupe aujourd'hui, c'est ce nouveau trou budgétaire, un de plus, de plus de 3 milliards d'euros si on s'en tient à votre propre trajectoire. Excusez du peu! Et ce n'est pas une surprise; c'était prévisible. Pour s'en convaincre, il suffit d'aller relire les rapports des nos travaux en commission du Budget ainsi que ceux de la séance plénière de novembre et de décembre 2015. Il suffit aussi d'aller relire les avis de la Cour des comptes. Ils étaient limpides. C'était donc écrit! Cela s'est accompli!

 

Vous n'avez tenu compte de rien. Vous vous êtes réfugié de manière irresponsable dans un déni des réalités budgétaires. Et, comme à chaque fois en cette matière, vous êtes rattrapé par les faits.

 

Quels sont ces faits? Il n'est certainement pas question des explications vaseuses entendues ici ou là sur la conjoncture économique, l'environnement international ou vos comparaisons avec les années 2012 et 2013, années où, confrontés à une croissance quasi-nulle mais néanmoins supérieure à la zone euro, il nous fallait faire face à une dégradation mécanique des recettes fiscales et parafiscales. Non! Les faits sont ailleurs et ils sont inscrits noir sur blanc dans le rapport du comité de monitoring et, avant cela, dans les avis de la Cour des comptes qui sont, aujourd'hui, des cailloux dans votre chaussure.

 

Voyez plutôt chers collègues: surestimation des recettes fiscales, précompte professionnel, impôt des personnes physiques, impôt des sociétés, surestimation des effets retour, non prise en considération du dépassement de l'indice pivot pourtant écrit noir sur blanc dans le rapport du Bureau du Plan et de la Cour des comptes, projets législatifs censés rapporter quelques centaines de millions toujours en rade, gonflement artificiel du rendement des nouvelles mesures (taxe Caïman par exemple), surestimation du rendement de la hausse de la TVA sur l'électricité, etc.

 

Ajoutez à cela que nous pointons depuis le début ce que confirme la Banque nationale, à savoir que votre tax shift n'est pas financé à hauteur de 6,6 milliards à l'horizon 2020.

 

Il ne faut pas non plus oublier qu'à ce désordre budgétaire vient s'ajouter un désordre gouvernemental. En effet, lorsque la ministre du budget a évoqué l'assouplissement de la trajectoire budgétaire, elle a immédiatement été reprise par les membres de votre gouvernement de l'Open Vld, du CD&V et de la N-VA.

 

Mes questions sont très simples. Comment allez-vous sortir le pays de ce marasme? À quels nouveaux sacrifices allez-vous encore soumettre la population qui n'en peut plus de votre politique d'austérité aveugle?

Réponse de Charles Michel

Je vais vous présenter l'état d'avancement du travail de contrôle budgétaire. Tout d'abord, à la suite du comité de monitoring, nous constatons qu'il faudra un effort complémentaire de 2,2 milliards d'euros pour améliorer le solde structurel de 0,6 %. Les 3,2 milliards d'euros évoqués correspondent à un objectif de niveau à partir de la situation de 2015.

 

Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement est confronté à un défi de cette ampleur lors du contrôle budgétaire. En février 2012, l'effort fourni s'est élevé à 2 milliards d'euros et à 2,8 milliards d'euros en mars 2013.

 

Il y a un arbitre: le site internet du SPF Budget qui reprend l'ensemble des informations. Je ne veux pas minimiser l'ampleur de la difficulté mais ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement est contraint d'ajuster son budget au premier trimestre.

 

Le principe d'un contrôle budgétaire est d'analyser l'écart dans les dépenses et dans les  recettes. Il existe en effet un écart dans les dépenses par rapport aux programmations. Dès réception du rapport, le gouvernement a lancé des groupes de travail afin qu'ils évaluent dans quelle mesure les décisions prises correspondaient ou non aux objectifs fixés les mois précédents.

 

Je confirme l'écart de 1,4 milliard d'euros dans les recettes.

 

Le ministre des Finances exige une amélioration de la méthodologie. L'approche macroéconomique est importante, mais doit être affinée. Le président du SPF s'est engagé à revoir la méthodologie.

 

L'objectif est d'avoir une vision plus réaliste des recettes fiscales. Ensuite, c'est la première année après la réforme de l'État qui a modifié les mécanismes de la loi de financement dont les premiers effets se sont fait sentir en 2015.

 

Lorsque l'on accomplit un travail budgétaire, on examine les efforts à fournir au regard des critères européens, d'une part, et des recettes et des dépenses, de l'autre. L'accord de gouvernement prévoit d'atteindre l'équilibre en 2018. Notre ambition est de respecter les engagements européens dans toutes les dimensions. Nous devons insuffler une dynamique d'assainissement financier crédible et réaliste parallèlement à des réformes structurelles afin de moderniser notre économie et de renforcer la capacité d'emploi.

 

J'ai immédiatement engagé le dialogue avec la Commission européenne afin de répondre à la question: comment atteindre nos objectifs et entreprendre des réformes structurelles?

 

Ce gouvernement a choisi la difficulté en réalisant deux objectifs en même temps. D'une part, un travail d'assainissement durable de nos finances publiques. D'autre part, le redressement

de l'économie du pays.

 

Le gouvernement a réussi, en peu de temps, à prendre des décisions cruciales et fondamentales.

 

Nous devons attendre les prochains mois pour voir les effets de ces mesures. Certains parlent, d'autres agissent. Nous agissons et nous allons réussir!

Réplique d'Ahmed Laaouej

Monsieur le premier ministre, votre réponse, ce n'est pas étonnant, est non seulement décevante mais, surtout, confirme votre gestion des finances publiques à la petite semaine.

 

Vous êtes responsable, vous, monsieur le premier ministre, du délabrement de nos finances publiques. Vous gérez mal le pays! Nos concitoyens en payeront le prix: moins de protection sociale, moins de services publics et davantage de taxes sur la consommation.

 

À ce sujet, où est passée la prétendue bonne gestion de la N-VA? Sans doute engloutie dans le trou budgétaire qu'elle a elle-même contribué à creuser!

 

Une chose importante, monsieur le premier ministre! Rappelez-vous! Vous vous en êtes déjà pris aux travailleurs, aux pensionnés, aux allocataires, aux personnes malades par vos mesures uniques. Dois-je rappeler le saut d'index et les taxes sur la consommation, l'électricité en particulier?

 

La question aujourd'hui est simple. Qu'allez-vous encore leur prendre? Aurez-vous le courage, au contraire de prendre des mesures qui s'imposent, de changer votre mentalité dilettante? On n'a pas le droit d'être aussi peu sérieux, quand il s'agit des finances publiques, de l'intérêt général et du niveau de vie de nos concitoyens. Vous manquez de courage, de lucidité et d'un sens élémentaire de la justice, qui est au fond la marque de votre gouvernement.