Question de Sébastian Pirlot à Charles Michel, Premier ministre, sur la demande des USA à la Belgique d’intervenir en Syrie

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, vous avez voulu apporter une réponse nuancée aux précédentes questions. Mon intervention le sera tout autant.

 

J’ai appris hier par voie de presse, comme d’ailleurs l’ensemble des Belges, qu’une demande formelle des États-Unis avait été adressée à notre pays afin d’étendre à la Syrie notre intervention militaire contre Daech, début juillet.

 

Pour mon groupe, vu ses implications, la réponse à une telle demande ne peut évidemment être donnée dans l’urgence et nécessite, selon moi, un débat au parlement. On se souviendra des déclarations du ministre Vandeput, en septembre dernier, qui se disait prêt à envoyer des troupes au sol en Syrie.

 

Pour que mes propos ne soient pas interprétés, je précise évidemment que tous les moyens doivent être mis en œuvre pour lutter contre le terrorisme et Daech. Je le rappelle, c’est en ce sens que mon groupe a soutenu, en septembre 2014, la résolution qui a été votée par ce parlement, permettant une intervention militaire belge en Irak via nos F-16. Mais vous le savez, la Syrie, ce n’est pas l’Irak. La situation militaire et politique y est beaucoup plus compliquée. Et il faut également compter avec l’absence d’un cadre onusien pour une telle intervention.

 

Monsieur le ministre, quelle est la teneur exacte de la demande adressée par les États-Unis concernant des frappes de F-16 au-dessus de la Syrie?

 

Quelle est la réponse envisagée par le gouvernement à cette demande? La Chambre sera-t-elle consultée? Le cas échéant, une résolution sera-t-elle amenée à être votée?

 

Comment rendre concrètement possible une telle extension de notre intervention militaire alors qu’aucun mandat onusien n’existe? Dans ce contexte, comment l’armée belge pourrait-elle définir les cibles à atteindre, par exemple? Va-t-on collaborer avec le régime d'Assad pour ce faire?

 

Enfin, si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais profiter de l’occasion pour demander au premier ministre de me donner un petit aperçu de la réponse globale qu’il compte donner dans le cadre de l’approche DDD (diplomatie, défense, développement durable) à laquelle adhère notre pays tant en matière de lutte contre Daech dans la région, que pour ce qui concerne la recherche impérative d’une solution politique de l’après-Assad.

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, chers collègues, une fois de plus, nous sommes confrontés à un débat sérieux, délicat, qui mérite que nous nous y attardions afin de prendre les meilleures décisions possibles.

 

Je rappelle que nous sommes dans une coopération avec les Pays-Bas, dans le cadre de laquelle, en juillet de l'année passée, nous avions cédé le relais à huit F-16 des Pays-Bas et, comme M. Dallemagne l'a dit, nous assumons des missions de protection pour les F-16 en question. Il y a quelques mois, le gouvernement a pris une décision, étayée d'un débat au parlement, pour accompagner le porte-avions Charles de Gaulle avec la frégate Léopold qui est revenue vers la Belgique dans le courant du mois de janvier.

 

Une rotation est prévue avec les Pays-Bas à partir de juillet 2016. À nouveau, nos F-16 devraient reprendre un certain nombre d'actions. À cet égard, nous avons reçu, il y a quelques jours, un courrier émanant du secrétaire d'État américain à la Défense. Il demande un élargissement du mandat donné à nos F-16 vers le territoire syrien et plus seulement limité au territoire irakien.

 

Les aspects juridiques revêtent également une importance capitale. Il y a tout d’abord la résolution de novembre 2015 des Nations Unies, élaborée sous l’impulsion de la France.

 

Cette résolution donne un mandat pour combattre Daech sur les territoires qu’il contrôle. Certains, comme les Pays-Bas, évoquent également l'article 51 de la Charte des Nations Unies et la légitime défense pour justifier l’élargissement du mandat au territoire syrien.

 

Oui, le gouvernement devra répondre, conformément à la Constitution, au courrier du secrétaire d’État à la Défense américain.

 

Oui, un débat approfondi aura lieu au Parlement. Les ministres expliqueront la stratégie globale.

 

Dans toute stratégie, il convient de tenir compte des enseignements du passé.Précisément, le passé nous a appris que la stratégie militaire seule ne suffit pas; il est crucial qu’elle s’accompagne d’une dimension diplomatique, politique et humanitaire. Les Nations Unies suivent également cette logique, dans le but d’offrir à la transition démocratique toutes les chances de succès.

 

Avec le ministre De Croo, nous avons libéré 75 millions d’euros pour soutenir les réfugiés. L’option militaire est délicate. Nous assumerons nos responsabilités. Monsieur Hedebouw, l’enjeu géopolitique est important. L’insécurité qui règne dans cette région nous touche directement. Je vous rappelle les morts à Paris. Nous devons être solidaires et défendre la sécurité chez nous et aux frontières de l’Union européenne.

Réplique de Sébastian Pirlot

Monsieur le premier ministre, je vous remercie pour vos réponses. Je dirai, au nom de mon groupe, que les conditions pour une intervention de nos F-16 ne sont pas réunies actuellement puisqu'il n'y a pas de cadre onusien clair. Il n'y a donc pas de légitimité internationale.

 

Quand vous dites qu'une intervention militaire seule ne résoudra pas la crise, je partage votre avis. Nous devons nous inscrire dans toute initiative qui doit venir en aide aux populations touchées par ces exactions, tant sur le plan humanitaire que politique et socio-économique. Aucun bombardement au monde ne peut constituer une solution politique et diplomatique. Il faudra bien trouver des solutions pour l'après-Assad, il faudra trouver des solutions politiques pour l'après-Daech.

 

Je ne vous cache pas que je suis heureux qu'il y ait un débat rationnel et modéré en notre enceinte car je n'ai pas du tout apprécié l'intervention d'un de mes collègues N-VA cette semaine qui appelait déjà à intervenir en Libye alors qu'il n'y a aucune demande du gouvernement libyen, qui est à peine constitué. Ceci mérite mieux que des déclarations matamoresques!