Question d'Ozlem Ozen à Koen Geens, ministre de la Justice, sur l'imbroglio autour de la recherche de Salah Abdeslam

Monsieur le président, monsieur le ministre, c'est déplorable! Nous sommes face à une menace très grave, qui impose la plus grande prudence et pourtant, des ministres de ce gouvernement, les uns après les autres, font les guignols devant les médias. On ne lutte pas contre le terrorisme en cherchant le buzz médiatique. On ne lutte pas contre le terrorisme en mettant à mal le travail et la crédibilité de nos policiers, du parquet fédéral, de nos services de renseignement.

 

Il est affligeant, monsieur le ministre, d'entendre un ministre des Affaires étrangères se répandre dans les médias internationaux sur la présence d'une dizaine de terroristes sur le sol belge, qui se baladeraient librement dans les rues de Bruxelles. Il est aussi déplorable, monsieur le ministre, quand on vous entend avouer sur un plateau télévisé que l'ennemi public numéro 1 aurait filé sous le nez des policiers et de la Sûreté. Il est affligeant également d'entendre un ministre de l'Intérieur dire que "la Belgique a échappé à un attentat" sans aucune autre explication. Vous et vos collègues, monsieur le ministre, avez tout simplement cherché à faire le buzz. C'est aussi simple que cela!

 

La lutte contre le terrorisme n'a pas besoin de show médiatique, mais de moyens, monsieur le ministre, moyens que votre gouvernement a drastiquement rabotés. Tous ces professionnels, tous ces policiers qui sont jour et nuit sur le terrain pour assurer notre sécurité, la sécurité de nos citoyens, à défaut de moyens, ont besoin de plus de respect pour le travail qu'ils accomplissent. À force, on joue avec leur réputation. On joue avec la réputation de nos policiers. On joue avec la réputation de nos services de renseignement. On joue avec la réputation de la Belgique. On nous fait passer pour des amateurs. On fait passer nos services pour des amateurs. Il est vraiment déplorable, monsieur le ministre, d'utiliser cette période à des fins autres que la lutte contre le terrorisme.

 

Je trouve que la protection de la population vaut plus que cela.

 

Monsieur le ministre, maintenez-vous vos déclarations remettant en cause le travail de nos services de police? Était-il justifié de révéler la probable présence de Salah Abdeslam à Molenbeek? De façon plus générale, vos services et ceux du parquet fédéral se concertent-il sur la manière de communiquer?

Réponse de Koen Geens

En ce qui concerne l’émission de hier soir, pour ceux qui ne l’auraient pas vue, je voudrais préciser ceci. Cela m’est rarement arrivé que je sois cité contra et pour avant que l’émission ne soit produite. Cela a été le cas. Mais pour ceux qui ne l’auraient pas vue, je précise que j’ai seulement souligné, à l’occasion d’une question sur le train de mesures antiterroristes prises par le gouvernement, combien les restrictions légales en matière des heures de la perquisition peuvent être un handicap dans certaines situations d’urgence, notamment liées au terrorisme. C’est la question à laquelle j’ai répondu. J’ai aussi parlé d’autres choses à ce moment-là.

 

Dans certaines circonstances, intervenir de nuit, outre les facteurs temps et tactique, permettrait d’intervenir en garantissant une plus grande sécurité tant pour les services de police que pour les voisins ou passants. Voilà la raison pour laquelle le gouvernement a proposé de changer la loi à cet égard à partir des expériences de Verviers, Paris et Bruxelles.

Dans le cas précis, le lundi 16 novembre, la police a exécuté une perquisition à Molenbeek-Saint-Jean, rue Delaunoy. Les forces de l'ordre ont pénétré dans l'habitation à 10 heures, les préparatifs étant évidemment en cours depuis plusieurs heures.

 

Selon le parquet fédéral, l'heure du début de la perquisition a été choisie pour des raisons opérationnelles et d'opportunité, tout comme à Verviers où elle a démarré à 18 heures. La perquisition à Molenbeek-Saint-Jean qui avait pour objectif de vérifier si Salah Abdeslam se trouvait, ou aurait pu se trouver, dans l'habitation en question a été négative.

 

Je n'ai jamais affirmé la présence de M. Salah Abdeslam à Molenbeek, le 16 novembre, comme le parquet fédéral l'a confirmé hier dans un communiqué de presse. C'est le parquet fédéral qui doit effectivement communiquer à ce sujet. Vous ne pourrez pas constater dans l'émission d'hier soir que j'ai communiqué là-dessus alors que j'ai seulement, ainsi que M. Jambon lors de la même émission, laisser comprendre implicitement une possible présence dont les services devaient tenir compte, comme le montrent bien l'important déploiement de forces de sécurité à l'occasion de la perquisition ainsi que le temps qu'elle a duré.

Chers collègues, pour faire la clarté, je tiens à dire ici que je n'ai pas déclaré que Salah Abdeslam a échappé de peu à la police en raison de cette interdiction d'agir de nuit. Il n'en reste pas moins qu'il est nécessaire de donner aux forces de l'ordre une plus grande marge de manœuvres pour planifier et intervenir dans des lieux privés, surtout, madame Onkelinx, dans des situations présentant un degré de dangerosité. Ceci était le sens de ma réponse à la question visant à savoir quelles mesures antiterroristes je propose. Cela a motivé, par ailleurs, l'avant-projet de loi actuellement à l'examen au Conseil d'État.

 

Pour ce qui concerne ma solidarité avec les services, je vous invite, chers collègues, à trouver une déclaration, un seul moment où je n'ai pas soutenu mes services contre toute critique de quiconque. Hier soir, j'ai seulement osé dire que nos services auraient pu travailler encore mieux s'ils avaient pu travailler entre 21 heures et 5 heures, ce en cas de flagrant délit.

Réplique d'Ozlem Ozen

Monsieur le ministre, évidemment, votre réponse ne me satisfait pas du tout. Lorsque vous évoquez les restrictions, en tout cas, les heures où les perquisitions peuvent être accomplies, c'est un faux débat car vous essayez de noyer le poisson. Vous savez très bien qu'il existe des exceptions. Notamment en matière de stupéfiants, on ne respecte pas ces heures de perquisition. Dans cet hémicycle, personne ne s'oppose à des exceptions en matière de terrorisme.

 

Donc, il faut arrêter de noyer le poisson. Il s'agit d'un faux débat!

 

En ce qui concerne la communication, quand bien même, nous avons fait la une du New York Times, de France Inter. Sincèrement, je pense qu'à un moment donné, il faut redonner de la crédibilité à nos services, à la Belgique et qu'il faut arrêter. Nous avons, avec le parlement, joué le jeu de la discrétion et la cacophonie qui transparaît de ce gouvernement ne sied pas du tout! Nous vous demandons aussi autant de discrétion.