Intervention d'Ahmed Laaouej sur le budget 2016 du Gouvernement

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Monsieur le Ministre,

Chers Collègues,

 

Le budget 2016 du Gouvernement ne tient pas la route.

 

Le train budgétaire fédéral continue de dérailler, et cela n'est hélas pas prêt de s'arrêter.

 

Votre budget balance en effet entre approximations, imprévoyance et, disons-le, tromperie.

 

Car ce que l'on attend d'un Gouvernement, c'est, dans le contexte difficile et instable que l'on connait, de faire preuve d'un grand sens des responsabilités.

 

Vous ne nous avez pas habitués jusqu'à présent à un très grand sérieux et il est difficile de vous faire confiance.

 

Dois-je vous rappeler l'épisode des 750 millions, devenus 600 millions dont les Régions ont été privées injustement au titre d'additionnels régionaux ?

 

Dois-je évoquer la sous-estimation des recettes fiscales en impôt des sociétés et en TVA, qui vous ont conduit à devoir ajuster votre budget 2015 pour plus de 800 millions pour ce seul problème ?

 

Dois-je dire ici le peu de crédit, et cela fût confirmé par les faits, que la Cour des Comptes a donné à votre estimation du rendement budgétaire de vos mesures nouvelles ?

 

Tout cela, nous vous l'avions déjà dit à cette tribune et chaque fois, vous avez balayé nos observations et nos critiques d'un revers de la main.

 

Un budget, c'est bien sûr une prévision et l'on ne peut attendre de lui une précision à l'euro près.

 

Mais le budget, c'est aussi affaire de confiance.

 

Et vous admettrez que vos lourdes erreurs du passé, pourtant identifiables et identifiées, erreurs dans lesquelles vous vous êtes enfermés, refusant d'entendre nos avertissements, ne plaident pas pour que l'on puisse vous accorder cette confiance.

 

Et malheureusement, à l'examen du budget 2016, vous poursuivez dans cette voie du déni des réalités économiques et budgétaires.

 

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Chers Collègues,

 

Nos finances publiques et nos paramètres économiques portent encore les stigmates de la crise économique et financière de 2008.

 

Dans l'Union européenne, et en particulier dans la zone euro, la croissance économique est faible, la Belgique n'échappant pas à ce constat.

 

Nos principaux partenaires économiques connaissent aussi des difficultés, soit avérées soit à venir (songez en particulier aux effets possibles sur l'Allemagne de l'évolution économique incertaine de la Chine).

 

Notre sécurité sociale a dû aussi, ces dernières années, faire face à des besoins croissants, liés eux aussi aux effets néfastes sur l'économie réelle de la dérégulation des marchés financiers mondiaux.

 

Fort heureusement, la sécurité sociale a pu jouer son rôle de stabilisateur économique et aura permis à la demande intérieure de ne pas s'effondrer même si elle s'est quelque peu tassée.

 

Grâce aux efforts entrepris ces dernières années aux différents niveaux de pouvoir, des créations d'emplois, malgré le contexte difficile, auront permis d'éviter une forte croissance du chômage qui aurait pu aggraver la situation.

 

Quant à l'environnement international, il est instable comme vous le savez : guerre au Moyen Orient, relations politiques et économiques instables avec la Russie, évolution chaotique du prix du pétrole, crise mondiale des réfugiés, défis climatiques, pour ne prendre que quelques exemples.

 

La politique monétaire de la Banque centrale européenne s'assouplit, mais sans que l'on puisse en mesurer les effets à long terme.

 

Il ne faut bien sûr pas oublier l'importance de la dette publique dont la maîtrise reste un défi et une nécessité.

 

C'est dans ce contexte, pour le moins difficile, qu'il nous est donné d'examiner votre budget.

 

Et le moins que l'on puisse dire, est qu'il n'est pas à la hauteur des enjeux.

 

Le budget 2016, comme la trajectoire budgétaire 2019, n'est pas le reflet d'une vision lucide ni à court terme, ni à moyen terme et pas plus à long terme.

 

Vous ne répondez pas aux impératifs du présent et vous compromettez l'avenir.

 

Vous vous êtes enfermés dans la promesse d'une prétendue grande réforme fiscale - le "tax shift" - qui mélange sous le même vocable des réductions d'impôts sur le travail, des réductions de cotisations sociales patronales et des hausses d'impôts, pour l'essentiel sur la consommation et de manière marginale sur les revenus du capital.

 

Constatant l'impossibilité d'assurer les promesses annoncées à la veille des vacances d'été de cette année, il vous a fallu revoir votre copie et augmenter les moyens budgétaires consacrés à vos promesses, mais sans les financer.

 

Cet acte politique d'une réforme fiscale non financée aura de lourdes conséquences à moyen terme. Il aggravera notre déficit structurel, il compromettra les capacités d'action en politiques nouvelles des futurs gouvernements fédéraux, il alourdira la facture des générations futures et nous affaiblira face au défi du coût du vieillissement.

 

Vous auriez pu avoir le courage de financer votre réduction d'impôt sur le travail, pas en augmentant les taxes sur la consommation, ça c'est donner d'une main et reprendre de l'autre.

 

Pas non plus, comme vous l'avez fait, en coupant tant et plus dans les services publics et la sécurité sociale.

 

Car cela, c'est aussi envoyer la facture à nos concitoyens.

 

Or tout cela vous l'avez fait, et non seulement vous l'avez fait, mais cela ne suffit pas même à financer les réductions d'impôts.

 

Et ce ne sont pas les maigres et incertaines recettes sur le capital que vous prévoyez qui changent quelque chose à ce constat.

 

Ce n'est pas juste d'une réforme fiscale dont nos concitoyens ont besoin, mais d'une réforme fiscale qui soit juste.

 

Juste, parce qu'on ne leur vide pas leurs poches sous prétexte de les garnir un peu.

 

Juste, dès lors qu'on ne les prive pas de services publics et de protections sociales.

 

Juste, parce que l'on veille à ce que à leurs baisses d'impôts sur le travail corresponde une fiscalité plus équitable sur le capital.

 

Nous aurons l'occasion de revenir ce vendredi sur le "tax shift" mais rappelons déjà ce qui ressort de l'exposé général du budget 2016 quant au financement de ce tax shift (page 15).

 

Vous diminuez les cotisations patronales et autres charges des entreprises pour 845 millions en 2016 et vous réduiriez les impôts sur le travail de 858 millions en 2016 également.

 

Pour financer le tout, vous augmentez les taxes sur la consommation de 1,1 milliard, les taxes sur le capital de 549 millions, vous tablez sur un dividende Belfius de 75 millions, sur une rente de la Loterie de 30 millions et sur 100 millions d'économies sur les administrations.

 

Ces chiffres et ce tableau sont clairs : en 2016, l'augmentation des impôts sur la consommation dépasse de loin les baisses d'impôts sur le travail.

 

1,1 milliard en plus sur la consommation en 2016 et 858 millions en moins sur le travail.

 

En 2016, pour au moins 250 millions, ce sont les ménages qui financent les baisses de cotisations patronales.

 

Pour cette raison, notamment et il y en a bien d'autres, votre budget est anti-social.

 

Mais nous aurons l'occasion de revenir sur le tax shift plus en détail vendredi.

 

Vous avez fait un autre choix : une réforme fiscale non financée qui plombe votre trajectoire budgétaire.

 

Soyons concrets : à la page 58 de votre exposé général du Budget, le solde structurel de 2019 annonce un effort de 3,15 milliards d'euros à faire !

 

Vous pouvez autant que vous voulez nous expliquer que cela n'a rien à voir avec le tax shift.

 

Vous ne convaincrez que vous mêmes.

 

Comme si le tax shift n'avait pas d'effet sur l'évolution des recettes fiscales !

 

On notera au passage que ce chiffre de 3,15 milliards manquant intègre déjà l'effet retour que vous estimez à 900 millions d'euros.

 

Alors qu'allez vous faire ?

 

Augmenter les taxes sur la consommation ? La hausse de la TVA sur l'électricité, des accises et la taxe soda ne vous suffisent pas ?

 

Allez vous continuer à asphyxier les services publics et provoquer leur déglingue en cours ?

 

Irez vous couper encore dans les droits sociaux et les protections sociales des travailleurs, des pensionnés et des allocataires ?

 

Aurez vous le courage de nous dire comment vous allez faire pour revenir à l'équilibre structurel d'ici 2019 ?

 

Vous vous êtes bien gardés jusqu'à présent de nous en dire plus et cela n'est pas responsable !

 

Mais regardons de plus près ce chiffre de 3,15 milliards d'euros à trouver.

 

Ce chiffre n'est-il pas lui même sous-estimé ?

 

Il faut déjà y rajouter les 400 millions d'euros que vous vous êtes engagés à ajouter pour la sécurité. J'y reviendrai.

 

Mais voyons le budget 2016 qui porte déjà en lui l'aggravation de votre déficit structurel à l'horizon 2019.

 

Du côté des recettes d'abord.

 

Vous êtes passés maîtres dans l'art du gonflement. Prenez garde cependant : à trop vouloir gonfler votre ballon, il pourrait exploser !

 

La TVA sur l'électricité qui passe de 6 à 21 %.

 

Le Bureau du Plan retient un rendement de 572 millions.

 

Vous en mettez le double ! 1,2 milliards !

 

Au 712 millions de recettes que vous attendez par le seul fait de l'augmentation du taux (chiffre que contredit le Bureau du Plan), vous ajoutez 250 millions d'euros au titre de régularisations et 249 millions au titre de corrections techniques non autrement définies !

 

Le Bureau du Plan vous dit 572 millions, vous prévoyez 1,2 milliards !

 

Le double !

 

La Cour des Comptes pointe le problème, rien n'y fait, vous n'en tenez pas compte !

 

La taxe Caïman ou taxe transparence, vous avez prévu au budget un rendement de 460 millions d'euros !

 

La Cour des Comptes ne valide pas ce chiffre et, à la lecture des fiches de l'administration fiscale, il apparait que vous avez retenu la borne maximale de l'estimation maximale !

 

Cette mesure va entrer en tension avec votre projet de régularisation fiscale (j'y reviens) car soit les gens paieront cette taxe transparence, soit ils régulariseront.

 

Vous ne pouvez pas prétendre tirer deux recettes d'un même flux. C'est l'un ou l'autre.

 

Vos 460 millions sur la taxe transparence sont obscurs ! Ils ne tiennent pas la route et je rappelle que le rendement initial prévu était de 120 millions d'euros, ce qui parait bien plus raisonnable.

 

J'attire d'ailleurs votre attention une fois encore sur le fait que tant la Cour des Comptes que des revues fiscales spécialisées prédisent déjà un risque de contournement de la nouvelle mesure.

 

Régularisation fiscale : vous attendez 250 millions, pour un texte qui ne sera pas voté avant l'année prochaine et dont le Conseil d'Etat a montré toutes les faiblesses, notamment au plan institutionnel.

 

Là aussi, la Cour des Comptes a relevé l'estimation très aléatoire que vous avez retenu.

 

Deux taxes sont aujourd'hui contestées devant la Cour constitutionnelle, ce qui les rend précaires.

 

La "fairness tax" ou "impôt minimum" qui est censée rapporter 215 millions et la taxe sur les intercommunales dont le rendement a été gonflé de 110 millions d'euros et dont vous attendez désormais 320 millions.

 

Deux remarques :

 

1. Certes, ce n'est pas parce qu'une mesure est contestée devant une juridiction qu'elle ne doit pas pour autant figurer au budget.

 

2. Il n'empêche que cela devrait vous conduire à de la prudence, car au total ces 2 taxes sont censées rapporter au budget un demi milliard.

 

Vous avez donc un risque budgétaire d'un demi milliard (dois- je vous rappeler le précédent Tate & Lyle ?).

 

Restons cependant sur les intercommunales : il faudra que vous nous expliquiez comment une mesure dont le champ d'application a été restreint peut désormais rapporter 110 millions de plus ? Le mystère reste entier !

 

Vous en attendiez 210 millions en 2015, vous en attendez désormais 320 ! Avec vous, c'est sûr l'appétit vient en mangeant !

 

Au titre de l'harmonisation des bases TVA vous prévoyez 190 millions en plus...la Cour des Comptes dit ne pas avoir d'information complémentaire, je renvoie au rapport CC page 29 (cela concerne la chirurgie esthétique et les habitations de moins de 10 ans).

 

Des SICAFI, dont vous réformez en profondeur le système, vous attendez 250 millions d'euros alors même que vous n'aviez pas encore lors des débats en commission, le feu vert de la FSMA et qu'il est difficile de savoir d'où vient cette estimation !

 

On le voit à cette énumération, sans doute un peu fastidieuse, votre budget ne repose pas sur des bases très solides du côté des recettes.

 

Vous misez en plus déjà sur un effet retour de 225 millions d'euros en 2016, dont on sait le caractère très aléatoire.

 

De même n'avons nous toujours aucune information concrète sur ce que sera le "redesign" de l'administration dont vous espérez déjà 100 millions d'euros en 2016 !

 

Un mot aussi sur la rente nucléaire : vous avez décidé d’en diminuer le rendement pour arriver à un minimum de 150 millions d’euros en 2017.

 

C’est une rupture grave dans nos finances publiques alors que, depuis 2008, cette contribution a déjà rapporté 2,5 milliards d’euros au budget de l’Etat et son principe a été validé à trois reprises par la Cour constitutionnelle.

 

Electrabel voit ses « impôts » diminuer et les consommateurs voient leurs factures augmenter, tel est aujourd'hui le triste résultat de votre politique énergétique.

 

C’est aussi le consommateur qui devra supporter le trou budgétaire qu’occasionnera la baisse de la taxe nucléaire.

 

Et cela s’ajoute à la hausse de la TVA sur l’électricité de 6 à 21% et à la taxation des intercommunales qui a aussi un impact sur la facture du consommateur.

 

Votre politique énergétique est déplorable à plus d'un titre !

 

Quant on fait la somme de toutes ces incertitudes, on peut raisonnablement douter de vos recettes.

 

Vous créez vous même une incertitude qui dépasse le milliard d'euros, qui pourrait atteindre les 2 milliards, qui viennent s'ajouter au 3,1 milliard d'efforts à faire d'ici 2019 que vous reconnaissez vous même.

 

Vous nous préparez un véritable désastre budgétaire.

 

*****

 

Du côté des dépenses, la situation n'est guère meilleure et confirme votre option : l'austérité.

 

J'ai longuement évoqué en commission des finances la longue liste des départements et postes sous financés.

 

Je renvoie au rapport des travaux.

 

Votre projet de budget est très inquiétant et annonce des jours difficiles pour les usagers des services publics et le fonctionnement de nos institutions administratives ou judiciaires.

 

Une réflexion générale tout d’abord : depuis votre accord de gouvernement, vous mettez en œuvre une politique d’austérité en matière de services publics.

 

Vous coupez dans toutes les dépenses de manière aveugle.

 

Vous misez, à l'horizon 2019, sur 650 millions d'euros d'économies que vous libellez pudiquement  "redesign" de l'administration, expression nébuleuse qui cache des économies supplémentaires sur les départements.

 

Vous inventez la "tartuferie" budgétaire : cachez ces économies que je ne saurais voir.

 

Mais nous ne sommes pas dupes !

 

L’année dernière déjà nous avions tiré la sonnette d’alarme, annonçant que certaines économies étaient intenables.

 

Vous avez dû prendre des mesures exceptionnelles en matière d’asile et rouvrir des places que vous aviez fermées…

 

Vous aviez diminué les moyens alloués à la politique de sécurité !

 

Et maintenant, vous devez réinvestir dans la sécurité, suite aux évènements tragiques de Paris.

 

Et c'est là que nous vous demandons de prendre vos responsabilités en allouant enfin des moyens aux services publics pour fonctionner de manière efficace.

 

Il nous faut déplorer, une fois encore que, dans un certain nombre de cas, les moyens sont largement insuffisants.

 

Vous devez sortir de la politique de la rustine car il en va de la sécurité et du bien être de nos concitoyens.

 

Toutes les augmentations que vous avez dû accorder, sous la pression, ne sont-elles pas la preuve, sans être suffisantes loin de là, que vos mesures d’économies ne sont pas tenables et qu’à chaque problème, chaque drame, vous serez obligés de revenir en arrière, d’allouer des moyens supplémentaires en parant au plus pressé ?

 

Ce n'est ni prudent, ni acceptable.

 

Alors évoquons d'emblée, cette provision de 400 millions d'euros.

 

Un amendement du Gouvernement a été déposé au projet de budget pour créer une provision interdépartementale pour la sécurité d’un montant de 400 millions EUR.

 

A ce stade, rien n'est clair quant à l'affectation que vous lui réserverez.

 

La situation à laquelle nous sommes confrontés nous impose de prendre des mesures pour protéger nos concitoyens en préservant l'équilibre subtil de notre démocratie, l'équilibre entre l'ordre public et les libertés publiques.

 

Nos points d’attention sont très clairs :

 

- le financement de nos services de renseignement,

 

- le financement de la police,

 

- le financement des projets de prévention du radicalisme (notamment dans les prisons).

 

Ces différents services auront-ils les moyens suffisants pour mener à bien leurs missions ? Et plus particulièrement pour soutenir les zones de police locale et les agents de quartier.

 

Si l’annonce des 400M€ promis par le gouvernement est un premier pas, il faudra plus et garantir ce financement dans la durée … sans pour autant aller les chercher dans la sécurité sociale ou les autres services publics.

 

Pour le groupe PS, il est hors de question que ces moyens proviennent de la sécurité sociale, déjà suffisamment mise à mal depuis le début de la législature.

 

Ces 400 millions d'euros devront être additionnels et structurels.

 

Nos concitoyens ont besoin de sécurité, mais ils ont besoin aussi de sécurité sociale.

 

Pour le groupe PS, ces moyens additionnels de 400 millions doivent être répartis en trois tiers:

 

1/3 pour la « sécurité sur le terrain pour les zones de police ce qui permettra d’engager 2000 policiers en plus;

1/3 pour la « lutte contre la grande criminalité » au niveau fédéral (pour la police fédérale, pour la justice et pour les services de renseignement) ;

1/3 pour la « prévention » : lutte contre le radicalisme dans les prisons, politique des grandes villes, actions de prévention de terrain dans une collaboration conjointe entre le fédéral et les communautés.

 

*****

 

Permettez moi de pointer quelques autres points particuliers en dépenses :

 

En justice.

 

Alors même que le Ministre donne une note de politique générale en apparence ambitieuse avec des projets de réformes dans tous les sens, le bateau justice prend l’eau en raison des économies inédites imposées par votre gouvernement.

 

L'exemple le plus récent du malaise est la grève dans TOUTES les prisons annoncée pour ce vendredi.

 

A quand remonte un tel mouvement ?

 

Cette grève est hélas tout sauf une surprise.

 

L’absentéisme, les congés maladie, les heures supplémentaires explosent.

 

A cause du manque de personnel, certaines prisons ne sont plus en mesure d’assurer des activités socialisantes. Les détenus sont parfois en cellule 22h sur 24.

 

Au-delà même de la question du radicalisme, ces prisons sont des usines à récidive, des sources d’insécurité pour leur personnel et pour la société.

 

Que penser alors de la volonté de réduire de 10% le personnel des prisons d’ici à la fin de la législature?

 

Autre exemple récent, le manque de greffiers à Bruxelles notamment au tribunal francophone de la jeunesse qui envisage de libérer les jeunes délinquants faute de moyens pour traiter les dossiers.

 

Tous les acteurs de la justice réclament des moyens en plus et des cadres remplis à 100%. Or le Ministre de la Justice se présente en victime des économies de votre gouvernement dont, sans doute, il ne ferait pas partie. C’est absurde.

 

Est-ce cela votre ambition pour la Justice : ne faire que des économies, sur le dos de nos concitoyens ? Voulez vous un exemple criant ? Je vous le donne ! La réduction du nombre de juges de paix qui sont pourtant proches des citoyens et qui sont efficaces.

 

Madame la Ministre du Budget : il faut ici un sursaut et un grand !

 

En Défense :

 

Sur la législature, ce gouvernement a décidé d’imposer 1,7 milliard d’euros d’économies à la Défense.

 

Pour un département qui pour certains partis de la majorité ne devait pas être touché par de nouvelles économies, l’addition s’avère salée.

 

La Cour des comptes met en avant la volonté du gouvernement de supprimer tous les crédits d’investissement pour le renouvellement du matériel courant, du matériel majeur et de l’infrastructure de l'armée, sauf un éventuel recours à la provision interdépartementale pour les marchés dits « urgents ». 

 

Malgré l’urgence de la situation actuelle, ces coupes sont confirmées dans le budget 2016.

 

Le groupe PS soutiendra les efforts budgétaires à consentir pour que la Défense nationale ait les moyens de participer, dans une approche européenne et onusienne, aux efforts à mener dans la lutte contre le terrorisme, contre Daesh en particulier.

 

J’aimerais à ce sujet vous poser les questions suivantes :

 

- Comment votre gouvernement compte-t-il financer les opérations à l’étranger ?

 

- Comment assurer ces opérations puisqu’il sera impossible d’acheter du matériel courant et que l’entrainement (donc la sécurité) de nos militaires est plus que compromis ? Comment comprendre que la Défense n’a reçu de budget que pour engager 700 militaires en 2016 dans ces conditions ?

 

- Comment votre gouvernement entend-il financer les investissements majeurs comme le remplacement des F-16 ou des frégates, eux aussi repris dans l’accord de gouvernement, alors que l’on ne connait toujours pas le plan stratégique du Ministre qui était pourtant promis dans les 6 mois ?

 

- Comptez-vous reporter la charge de ces investissements colossaux (plus de 4 milliards d’euros) au prochain gouvernement sans faire le moindre choix stratégique ?

 

- Au niveau du personnel, l’entraînement de nos forces armées et leur équipement seront mis à mal comme en 2015, donc de facto leur sécurité, ce qui est inacceptable.

 

Pourquoi est-ce que l’opérationnalité de nos militaires n’est pas une priorité budgétaire pour votre gouvernement ?

 

Quels sont les impacts concrets au niveau des effectifs de l’armée ?

 

Quel est le coût de l’externalisation au privé prévue de toute une série de tâches au sein de l’armée (ce qui est paradoxal quand on voit les économies à consentir) ?

 

Sur la coopération au développement

 

Nos inquiétudes sont grandes et il semble y avoir plus qu'un fossé entre les déclarations du Ministre de la Coopération et les moyens budgétaires qui lui sont alloués.

 

Il est temps pour vous de clarifier les choses et de nous dire si vous maintenez ou non l'objectif des 0,7 % de PIB.

 

Santé

 

A ce stade, les mesures que vous avez prises sont dramatiques pour les patients :

 

- vous avez augmenté les tickets modérateurs chez certains spécialistes,

 

- vous avez réduit la durée de séjour en maternité,

 

- vous avez reporté l'application du tiers payant obligatoire pour les bénéficiaires de l’intervention majorée et vous avez refusé de l’étendre aux patients chroniques,

 

- vous avez renoncé, sous la pression du patronat, à étendre à deux mois la période de salaire garanti en cas d’incapacité de travail,

 

- vous avez instauré un plan de réinsertion obligatoire vexatoire pour les personnes en incapacité de travail…

 

Comme nous le dénoncions, ce sont donc bien les patients qui ont été touchés par les mesures que vous avez prises.

 

Et nous avons la triste certitude que ce gouvernement persiste et signe dans son refus de mettre l’intérêt du patient et l’accès à des soins de qualité pour tous au centre de ses préoccupations !

 

Et la plus belle preuve pour étayer la sombre analyse que mon groupe dresse de votre action en matière de santé, c’est la non-approbation, en octobre dernier, par le Conseil général de l’INAMI du budget de l’assurance maladie pour 2016.

 

Ce rejet, c’était un signal fort qui vous était adressé.

 

Un signal des acteurs des soins de santé pour contester le budget raboté que vous vouliez à nouveau imposer au secteur des soins de santé.

 

Et ce signal vous ne l’avez évidemment pas entendu puisque vous avez adopté unilatéralement ce budget 2016.

 

Celui-ci devrait atteindre 23,617 milliards d’euros et je voudrais citer 3 chiffres pour illustrer mon inquiétude quant à l’avenir de nos soins de santé :

 

Ø 3, c’est la norme de croissance qui était appliquée aux soins de santé en 2014

 

Ø 1,5, c’est la norme que vous aviez décidé d’appliquer et de garantir à partir de 2015

 

Ø 0,75% c’est la réalité du budget que vous fixez finalement pour 2016

 

3 – 1,5 – 0,75 … Une diminution vertigineuse donc, incompréhensible au regard des besoins qui ne cessent d’augmenter en la matière.

 

Lorsqu’on sait qu’une économie supplémentaire de plus de 400 millions d’euros pèsera sur les soins de santé rien qu’en 2016, nos craintes ont bien leur raison d’être.

 

Car, nous vous reprochons - et je mesure mes mots - de faire peser votre assainissement budgétaire sur les soins de santé !

 

Aujourd'hui, avec une contribution de plus de 3 milliards à l’horizon 2018, les soins de santé sont clairement la vache à lait de votre assainissement budgétaire !

 

La réduction du financement des soins de santé contribue au financement du tax shift, ce qui revient à faire trinquer le patient, comme si les contribuables n'étaient pas aussi, peu ou prou, des patients.

 

*****

 

Voilà donc ce que nous pensons de votre budget 2016.

 

Un budget à l'image de votre Gouvernement : chaotique et peu fiable.

 

Des recettes incertaines qui s'ajoutent à un déficit de plus de 3 milliards en 2019, ce qui devrait aboutir à un déficit de plus de 5 milliards !

 

Vous plombez les générations futures pour ménager votre communication à court terme.

 

Vous poursuivez l'austérité du côté des dépenses publiques.

 

Vous mettez à mal le budget de la sécurité sociale par un sous-financement délibéré qu'aggravent des réductions de cotisations sociales patronales.

 

Votre budget traduit aussi vos options idéologiques : faire croire aux gens qu'on baisse leurs impôts pour en réalité les taxer davantage, les priver de services de qualité et d'un haut niveau de protection sociale.

 

Votre véritable objectif n'est pas de rendre du pouvoir d'achat aux ménages (sinon pourquoi le saut d'index et pourquoi les taxes).

 

Votre véritable objectif est de donner au patronat ce qu'il demande : des baisses de cotisations sociales et des salaires.

 

Le banc patronal est content, il obtient tout ce qu'il voulait.

 

Mais pour cela, pour que la pilule passe, il vous fallait raconter à la population une histoire et cette histoire, ce "conte de noël", c'est le tax shift.

 

Vous abusez par ce conte de noël les ménages, les travailleurs, les allocataires.

 

Vos promesses de réductions d'impôt masquent des hausses d'impôts sur la consommation, des coupes dans la sécurité sociale et dans les services publics.

 

Mais vous n'abuserez pas ce Parlement et nous nous chargerons de dire la réalité que vous occultez.

 

Votre politique budgétaire et fiscale n'est ni juste ni responsable.

(NB: Seul le texte prononcé fait foi.)