Intervention de Laurette Onkelinx à l'occasion de la COP21

Monsieur le président, chers collègues, Barack Obama est l'un des nombreux responsables à avoir rappelé l'urgence climatique. Il l'a dit en des termes simples, qui touchent l'ensemble de la population. Il a dit: "Nous sommes la première génération à ressentir les effets du changement climatique et sans doute la dernière à pouvoir encore faire quelque chose". Ces mots, qui ont été déclinés par toute une série de responsables, sont évidemment des mots justes, des mots forts.

 

Les différents rapports du GIEC sont accablants. La moyenne globale des températures montre un réchauffement de 0,85° sur la période allant de 1880 à 2012. Chacune des trois dernières décennies a été plus chaude que la précédente et plus chaude que toutes les décennies antérieures depuis 1850. Ces constats scientifiques peuvent paraître abstraits, mais, pour des millions de gens, le réchauffement climatique n'a plus rien d'abstrait.

 

Pour des millions de gens, le réchauffement climatique n'est pas une projection scientifique mais une réalité quotidienne. Zones côtières menacées par la montée des océans, insécurité alimentaire suite à la perte de fertilité des terres, multiplication des tempêtes, des inondations, des vagues de chaleur extrême, les conséquences du réchauffement sont aujourd'hui une réalité observée. Les causes en sont connues et sont simples: l'activité humaine, notamment l'usage massif des énergies fossiles, est la cause principale du réchauffement climatique, selon l'ensemble de la communauté scientifique. En d'autres mots, le réchauffent climatique est causé par l'homme et c'est donc à l'humanité dans son ensemble de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour le stopper.

 

Le 13 novembre dernier, Paris était synonyme de terreur. Dans quatre jours, la capitale française doit être synonyme d'espoir. La Conférence de Paris doit être un nouveau départ dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les responsables politiques, les partenaires sociaux, les ONG, les citoyens doivent tous se mobiliser pour faire de Paris un succès. Je regrette, comme d'autres l'ont dit tout à l'heure à l'occasion des questions d'actualité, qu'on n'ait pas pu connaître dans ce pays une large marche citoyenne puisqu'il y a une mobilisation sur les réseaux, dans les micro-projets, qui montre que la participation, la conscientisation citoyenne est extrêmement importante. Notre assemblée doit évidemment participer pleinement à ce mouvement.

 

Le PS et le sp.a ont décidé de travailler ensemble et nous avons déposé, comme les rapporteurs l'ont signalé, une résolution et des amendements. Je voudrais, une fois n'est pas coutume, remercier la majorité, et en particulier Damien Thiéry, pour son attitude constructive. Quand elle existe, il faut le dire et quand elle n'existe pas, la critique est dès lors mieux entendue. Il y avait plusieurs résolutions et nous avons travaillé à partir de celle de la majorité. Il y a eu des centaines d'amendements et il y a effectivement eu un effort pour en intégrer toute une série. Je me permettrai dès lors de dire que cette résolution a des aspects positifs.

 

Il ne faut pas être réducteur et affirmer que ce texte est mauvais au motif que tous nos amendements n'ont pas été acceptés. Ce n'est pas ce que je dis. Selon moi, cette proposition de résolution comporte des aspects positifs. Par exemple, l'objectif global à atteindre lors de la Conférence de Paris a fait l'unanimité au sein de la commission de la Santé publique. Toutefois, soyons de bon compte, c'est sur les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir et pour lutter contre le réchauffement que nous avons des désaccords avec la majorité.

 

En commission, nous avons tous plaidé pour que le futur protocole de Paris soit mondial, juste, ambitieux et contraignant. Nous souhaitons un accord mondial, car tous les pays, et en particulier ceux qui sont les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, doivent évidemment participer à la lutte contre le réchauffement climatique, sinon cela n'aurait aucun sens et nous ne pourrions pas avancer. Nous demandons aussi un accord juste, car il doit naturellement donner corps à la solidarité internationale avec les pays en développement et prévoir l'accompagnement social des plus fragiles et des travailleurs. Nous avons besoin, en outre, d'un accord ambitieux, parce que maintenir le réchauffement global en deçà de 1,5 à 2 degrés nécessite, selon le GIEC, des politiques fortes pour réduire les émissions mondiales entre 40 et 70 % d'ici à 2050. Enfin, nous voulons un accord contraignant, car, pour être efficaces, les engagements qu'il contiendra devront être clairs, comparables et vérifiables par toutes les parties.

 

À notre niveau, la proposition de résolution confirme également l'objectif de réduire de 80 à 95 % les émissions de gaz à effet de serre dans notre pays avant 2050. Cet engagement avait déjà été pris en 2013. Le fait que la majorité actuelle le reprenne à son compte est une bonne chose.

 

Un autre point positif est que le texte prévoit la création d'un Centre d'excellence pour le climat, qui serait un lieu d'échanges et de recherches pour nos scientifiques et qui permettrait une sensibilisation accrue du grand public. Nous soutenons bien entendu ce projet.

 

Enfin, je tiens à souligner une autre avancée politique qui a été acceptée par la majorité, certes après de très longs débats – les membres de la commission s'en souviendront.

 

Il a été accepté que la part fédérale des recettes ETS soit investie uniquement dans des politiques climatiques; je pense notamment à l'éolien offshore, aux bâtiments publics fédéraux ou à la SNCB. Nous ne connaissons pas encore le montant exact que le fédéral obtiendra, mais nous savons qu'il s'agira de plusieurs dizaines de millions d'euros d'ici 2020. Le fédéral recevra cet argent quand un accord sera intervenu entre le fédéral et les Régions sur la répartition des efforts en exécution du paquet énergie-climat de l'Union européenne couvrant la période 2013-2020.

 

Comme je viens de le souligner, des aspects positifs sont enregistrés – ce n'est pas négligeable – à quelques encablures du début des négociations de Paris.

 

Cela étant dit, l'ouverture dont a fait preuve la majorité a eu ses limites. Des désaccords politiques sont apparus sur les moyens à mettre en œuvre pour lutter contre le changement climatique. Je vais vous donner quelques exemples puisque notre collègue de la N-VA a fait savoir que des amendements incroyables visant à refédéraliser l'énergie et les politiques énergétiques ou à rendre publiques toutes les politiques de mobilité ont été déposés. Comme vous le savez, il y a eu à ce propos des voix divergentes, que ce soit dans la majorité ou dans l'opposition. Mais d'autres amendements que vous auriez pu accepter n'ont pas été cités. Pourtant, il me semble qu'ils étaient soutenus par une partie de votre majorité. Ainsi, par exemple, la majorité a freiné des quatre fers pour ce qui concerne la question de la taxe sur les transactions financières. Une telle taxe permettrait de disposer de financements innovants, mais la majorité a refusé de se prononcer en faveur de la coopération renforcée entre un noyau d'États européens favorables à la taxe sur les transactions financières.

 

Selon nous, la mise en place de cette coopération renforcée est pourtant une étape indispensable avant que ne soit généralisé ce type de taxe au niveau de l'Union européenne. Je regrette donc vraiment que la majorité face marche arrière à ce sujet alors que – et j'en appelle ici à ceux qui faisaient partie de l'ancienne majorité – notre assemblée s'était déjà prononcée en faveur d'une coopération renforcée en 2013. Á quelques jours de la Conférence de Paris, vous faites marche arrière sur un tel sujet. C'est fou!

 

Au niveau de la mobilité, nous regrettons que la majorité n'ait pas osé remettre en cause les coupes budgétaires incroyables qui mettent à mal le transport par train. Une politique qui met les voitures de société sur un piédestal et désinvestit dans le rail est pourtant vouée à l'échec économique et environnemental. Toujours en ce qui concerne la mobilité, la majorité a également refusé de demander que le secteur de l'aviation soit soumis à des réductions de ces émissions de gaz à effet de serre. Franchement, un effort aurait pu être réalisé. C'est absolument nécessaire.

 

Je le regrette; tous ces éléments sont problématiques pour mon groupe. Je dirai que c'est principalement le manque total d'engagement en faveur de la solidarité internationale qui affaiblit la résolution. Nous en avons beaucoup parlé, vous avez beaucoup hésité et vous avez beaucoup parlé au sein de la majorité. En réalité, la lacune majeure de la résolution est qu'elle ne contient aucun engagement budgétaire en faveur de la solidarité climatique internationale. Incroyable!

 

Lors de la COP21, les décisions doivent être prises à l'unanimité des pays présents. Une des clés de la réussite est le traitement qui sera réservé aux pays dits vulnérables afin qu'ils acceptent de monter dans le train d'un accord juridiquement contraignant. L'aide accordée aux pays en développement doit permettre à ces pays d'assurer leur développement social sans emprunter les mêmes chemins polluants que nous avons empruntés par le passé. Lors de la Conférence de Copenhague en 2009, les pays industrialisés se sont fixés l'objectif de mobiliser 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 pour soutenir les pays en développement. Cette promesse est donc liée à la responsabilité historique des pays développés dans le phénomène du réchauffement climatique. Si cette promesse n'est pas concrétisée, c'est une réelle menace pour la conclusion d'un accord à Paris.

 

Malheureusement, dans sa déclaration gouvernementale, le 13 octobre 2015, le premier ministre n'a pas annoncé une contribution fédérale pour le Fonds vert des Nations unies. Dans le projet de budget 2016 que nous discutons dans les différentes commissions, aucun crédit n'est prévu. Pas le moindre euro! En d'autres mots, le gouvernement fédéral va se rendre les poches vides à la Conférence de Paris.

 

Comme de nombreuses ONG, comme de nombreux mouvements, comme de nombreux citoyens, nous n'acceptons pas cette négligence du fédéral. Nous allons d'ailleurs redéposer, comme d'autres groupes de l'opposition, des amendements pour inscrire un budget de 50 millions d'euros en 2016 à destination du Fonds vert des Nations unies. Cela a été refusé par la majorité. J'invite la majorité à réfléchir à nouveau à cet amendement. Nous ne pouvons pas aller à la Conférence de Paris sans avoir prévu un budget à mettre sur la table pour obtenir cet accord juridiquement contraignant. Ce serait une faute lourde car le financement climatique est indispensable.

 

Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais vous dire aujourd'hui!

 

Les prochaines heures sont cruciales. On sait que sans accord sur le burden sharing, sans budget pour le Fonds vert des Nations unies, la Belgique se rendra à Paris, certes, mais elle s'y rendra avec un bonnet d'âne et les poches trouées!

 

Il faut se mobiliser au plus haut niveau, relever le niveau de nos ambitions. C'est vrai pour la Belgique; c'est vrai pour de nombreux pays. À l'heure actuelle, les engagements mis sur la table par les différents pays ne permettent pas de respecter l'objectif des deux degrés. On parle de trois à quatre degrés. C'est dangereux car on sait qu'au-delà des deux degrés de réchauffement planétaire, c'est le chaos. Cette menace pour l'humanité dans son ensemble, tel est le véritable enjeu de la COP21! Il est évident que pour passer à la vitesse supérieure, cela demandera des efforts supplémentaires de tous les pays, de tous les citoyens.

 

Pour conclure, je salue encore une fois les ouvertures dont a fait preuve la majorité. Je l'appelle à revoir sa position aujourd'hui, maintenant, sur la base des amendements qui sont redéposés. Si tel n'est pas le cas, mon groupe ne pourra malheureusement pas soutenir une résolution qui n'est pas à la hauteur de l'enjeu, et je le regrette. Quel beau signal nous aurions pu donner d'avoir un consensus national dans un dossier capital pour l'avenir de notre planète, pour l'avenir de l'humanité!