Question de Karine Lalieux à Charles Michel, Premier ministre, sur l'argent public illégalement dépensé par la ministre Galant

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, nous avons entendu hier les explications de Mme Galant en commission de l'Infrastructure et nous en retirons trois certitudes. La première est qu'elle a caché la vérité. La deuxième est que c'est son cabinet qui a désigné le cabinet d'avocats Clifford. La troisième est que les procédures de marchés publics n'ont pas été respectées.

 

En d'autres mots, cela signifie que cette désignation a été faite de manière totalement illégale et que ce sont des dizaines de milliers d'euros, près de 400 000 et peut-être beaucoup plus, d'argent public qui ont été dépensées illégalement.


Hier, Mme Galant nous a aussi dit qu'elle n'était pas la responsable mais que c'était son administration. On a l'habitude avec elle! C'est un peu comme un enfant qui se défend devant ses parents qui le prennent avec ses doigts dans le pot de confiture!

 

Mme Galant a également dit qu'elle allait saisir l'Inspection des finances, ce qu'elle n'a d'ailleurs pas fait pour désigner le cabinet Clifford. Elle a encore moins saisi la ministre du Budget et le Conseil des ministres! Elle n'a d'ailleurs opéré aucune mise en concurrence!

 

Maintenant, elle va saisir l'Inspection des finances pour faire une grande étude sur tous les dossiers de son département!

 

Monsieur le premier ministre, je vous demande de saisir vous-même l'Inspection des finances, et de vous y engager ici, pour qu'elle diligente une enquête sur la désignation du cabinet Clifford et qu'elle remette au parlement ses conclusions dans les sept jours.

 

Monsieur le premier ministre, l'affaire est grave! Est-ce vraiment l'image que vous voulez donner de votre gouvernement? Est-ce vraiment l'éthique à l'œuvre dans votre majorité? Des procédures foulées aux pieds, de l'argent dépensé illégalement, des ministres irresponsables! Je rappelle à Mme Galant qu'elle est responsable des membres de son cabinet et de son administration!

 

Monsieur le premier ministre, quand il y a une faute dans une organisation, c'est le patron qui est responsable. Dans le scandale VW, ce n'est pas un ingénieur qui a démissionné, c'est le patron!


Monsieur le premier ministre, avez-vous encore confiance en votre ministre Mme Galant?

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, chers collègues, d'abord, je voudrais décrire les faits tels que j'ai pu en être informé. Il y a à peu près un an, quelques semaines après le lancement de cette coalition, après le vote de confiance à la Chambre, une première consultation a été sollicitée à un cabinet d'avocats. Pour l'anecdote, le cabinet de la ministre concernée était alors en cours de déménagement.

 

Pour cette première consultation concernant la question d'éventuelles aides d'État qui auraient été accordées en soutien à une compagnie aérienne, un premier avis est rendu par mail par l'administration, qui semble indiquer qu'il était possible de recourir à une procédure sans devoir consulter d'autres offres que celle qui avait été faite.

 

Quelques mois plus tard, il a été décidé d'étendre cette première consultation à la législation sur les procédures. Entre-temps, de nombreux mails ont été échangés entre le cabinet et l'administration.

 

En tout cas, je constate que ces documents vont être transmis aux parlementaires. Je souhaite que cette transmission soit complète, afin que la transparence règne quant à ces échanges. Au demeurant, je comprends que les interprétations divergent à leur sujet. Cela dit, après avoir interrogé la ministre Galant, j'ai la conviction qu'elle a agi de bonne foi, sur la base de différents mails émanant de l'administration. Est-ce que je pense qu'elle a été imprudente? Oui, elle l'a été. Eu égard à l'état d'avancement du dossier, il était en effet préférable de consulter plusieurs cabinets d'avocats.

 

Je dois à présent mentionner quelques éléments. S'agissant de la loi sur les marchés publics, j'ai effectué quelques vérifications ces dernières heures. Elle a été modifiée à plusieurs reprises. Comme cela a été dit, des polémiques ont éclaté naguère à propos de certains prestataires de services tels que des bureaux d'avocats ou des réviseurs d'entreprises. Les pouvoirs publics ont parfois fait preuve d'hésitation sur ce plan-là. Ainsi, la loi de 2006 sur les marchés publics est entrée en vigueur en 2013. Un peu avant sa mise en application, des discussions démarraient déjà au sujet d'une nouvelle directive européenne qui allait encore modifier la réglementation en ce domaine. Un autre texte est depuis entré en vigueur.

 

Je me tourne vers l'avenir en tirant les conséquences de cette situation. Tout d'abord, la transparence à l'égard du parlement va de soi. Ensuite, voici plusieurs mois, le gouvernement a travaillé sur la transposition de la nouvelle directive sur les marchés publics. Elle est, en ce moment-même, soumise à l'avis du Conseil d'État. Pas plus tard qu'hier, le comité de concertation avait inscrit à son ordre du jour cette transposition.

 

Pour vous donner une indication sur cette future loi, une des discussions porte sur la manière de distinguer, dans la mise en ordre législative, les avis juridiques et les avis en phase pré-contentieuse ou contentieuse, qui ne sont pas traités de la même façon par la directive. Cela montre que des questions juridiques se posent en ce domaine.

 

Je suis extrêmement clair: je m'engage à demander à la Chancellerie de rédiger des instructions découlant de la future législation sur les marchés publics pour permettre la clarté. En d'autres termes, il s'agira de savoir à quel montant on devra appliquer quel type de règle. Je m'engage aussi à communiquer au parlement toutes les recommandations et les instructions à ce sujet.

Réplique de Karine Lalieux

Monsieur le président, je remercie le premier ministre. Noyer le poisson, c'est noyer le poisson! Je ne parle pas de M. Ducarme puisque c'est au premier ministre que je demandais des réponses.

 

Monsieur le premier ministre, je vous ai demandé de saisir l'Inspection des finances pour engager une enquête sur le dossier Clifford et qu'elle rende ses conclusions dans les sept jours au parlement. Vous y engagez-vous? Oui ou non? J'espère que c'est un oui, puisque vous voulez toute la transparence.

 

Vous dites aujourd'hui que vous allez rappeler à une ministre les règles de base des marchés publics et lui rappeler qu'elle a commis une imprudence alors qu'on connaît très bien les seuils à ne pas dépasser et que la règle est la mise en concurrence. Vous ne parlez que de mise en concurrence ici et on ne sait pas qu'il faut mettre des cabinets d'avocats en concurrence! Il ne s'agit pas de bonne gestion!

 

On ne sait pas qu'il y a une Inspection des finances qui doit donner son aval! On ne sait pas mais, après, on lui donne l'ordre de payer!

 

On ne sait pas que cela doit passer au Conseil des ministres! Comment le Conseil des ministres réagira-t-il quand 400 000 euros de dépenses ne seront pas passés devant lui?

 

Monsieur le premier ministre, ce n'est pas de l'imprudence, c'est de l'illégalité! Quand un citoyen est dans l'illégalité, vous le poursuivez, et vous ne parlez pas de faire la transparence!

 

Monsieur le premier ministre, votre rappel à l'ordre est très léger! C'est souvent très léger avec vous!

 

Vous plaidez la bonne gouvernance, vous plaidez l'éthique, vous plaidez le respect des règles mais vos ministres ne les respectent pas et ne vous respectent pas! Cette procédure est illégale. Il s'agit d'argent du contribuable qui a été illégalement dépensé! J'espère qu'un jour vous devrez rendre des comptes!