Question d'Ahmed Laaouej à Charles Michel, Premier ministre, sur l'erreur de calcul du budget

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, vous voilà rattrapé par les faits plus tôt que prévu. Nous étions pourtant nombreux au parlement à vous le dire: votre budget repose sur une tromperie, qui a privé les Régions de 750 millions d'euros pour leur ajustement budgétaire. Nous vous avions dit qu'une telle perte en termes d'impôt des personnes physiques supposait une perte d'au moins trois milliards au total pour l'ensemble de la Belgique, dont au minimum deux milliards pour le fédéral.

 

Nous étions aussi nombreux à vous dire que  trois milliards d'euros ne peuvent pas disparaître ainsi dans la nature en quelques mois, dans un contexte économique de faible croissance, certes, mais pas de récession. Las! Vous n'avez rien voulu entendre, que du contraire. Vous avez affiché un mépris et une arrogance pour les Régions, qui ne demandaient qu'une chose: prendre le temps de vérifier vos chiffres et vos méthodes. À leur demande de concertation vous avez répondu par une forme de morgue, disons-le, en traitant le gouvernement wallon d'irresponsable. Quand ses membres vous ont demandé une vérification, vous leur avez adressé une métaphore sans grand relief, du reste, en déclarant: "On peut en vouloir à M. Météo d'annoncer la pluie. Ce n'est pas pour autant qu'il va cesser de pleuvoir."

 

Voilà quelles furent vos réponses, arrogantes et méprisantes!

 

Restons sur la météo, monsieur le premier ministre. Le vent a tourné. Il a tourné plus vite que prévu mais les dégâts sont là. Vous avez mis les Régions dans une situation difficile sur le plan budgétaire. Vous avez trompé le parlement avec de faux chiffres et avez donc présenté un budget fallacieux. Vous avez aujourd'hui un budget qui affiche un solde structurel complètement erroné et surtout, vous avez mis à mal le fédéralisme de coopération et de concertation par vos manières et vos façons de faire qui ne sont pas celles qu'on attend du premier ministre d'un État fédéral!

 

Dès lors, monsieur le premier ministre, comment expliquez-vous aujourd'hui cette perte de 600 millions pour les Régions? Quand allez-vous vous atteler à nous présenter un budget réel, un budget vérité plutôt qu'un budget fallacieux? Et surtout, allez-vous avoir le courage et l'humilité de présenter vos excuses aux Régions?

Réponse de Charles Michel

En mars, lors de la préparation du contrôle budgétaire, sur la base de la loi de financement qui venait d'entrer en vigueur, nous avons utilisé les chiffres du service d'études du SPF Finances, qui a décidé de l'échantillon sur lequel ils devaient porter. À ce moment, c'étaient les seuls chiffres valables et susceptibles de servir à ce contrôle budgétaire.


Étant donné que nous souhaitons agir prudemment et dans la transparence, nous avons décidé lors du contrôle budgétaire des vacances de Pâques de considérer ces chiffres comme une provision. Il s’agissait en effet d’une estimation, comme nous l’avions expressément indiqué, c’est pourquoi nous avons utilisé 350 des 750 millions d’euros.


Sur le reste, 200 millions d'euros ont été considérés comme une provision. Sur les 750 millions, nous en avons donc utilisé 175 millions. L'impact pour le prochain contrôle budgétaire est de 18 millions pour l'État fédéral, une somme infime.


En ce qui concerne la concertation avec les entités fédérées, nous avons d'emblée décidé au sein du Conseil des ministres d'organiser un comité de concertation mensuel, ce qui ne se

faisait pas auparavant. Après les discussions difficiles aux alentours des vacances de Pâques,

nous avons décidé avec le ministre des Finances de travailler en toute transparence


Il y a eu une dizaine de réunions à livre ouvert entre le SPF Finances et les Régions.

Nous avons accepté un plus grand échantillonnage pour arriver à des chiffres plus sûrs. Les chiffres d'aujourd'hui ne sont peut-être pas les bons. Nous connaîtrons la vérité en octobre 2016, au moment des comptes.


En ce qui concerne l'arrêté royal, nous avons essayé mais en vain, en décembre 2014, de lancer une première concertation avec les entités fédérées. Puis nous avons fait une nouvelle

tentative mais à la suite de tous les remous autour des 750 millions, certaines entités fédérées ont suspendu les débats.


Nous travaillons sérieusement et calmement, dans la transparence, ouverts à un fédéralisme de coopération, et tout le reste n’est que de la gesticulation.

Réplique d'Ahmed Laaouej

Monsieur le président, messieurs le premier ministre et le ministre des Finances, vous vous seriez contentés des chiffres de l'administration, alors que votre travail devait consister, avant de boucler votre ajustement budgétaire, en la vérification de ces chiffres, comme l'ont fait les Régions qui – elles – ne se sont pas trompées. Celles-ci disposaient des bons chiffres, contrairement à vous. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous demandons un audit de la Cour des comptes sur la méthodologie. Votre façon de faire porte un nom, monsieur le premier ministre, même si cela écorche vos oreilles: c'est de l'amateurisme!

 

Notez bien, et je le dis devant cette assemblée, que la sixième réforme de l'État et la réforme de la loi de financement n'ont rien à voir avec le problème qui nous occupe, contrairement à ce que certains ont voulu faire croire lors des débats. Au demeurant, on se rappellera que, pour l'ajustement budgétaire, la majorité n'était pas en nombre. Faut-il croire que certains d'entre vous ne croyaient pas aux chiffres du gouvernement? C'est notre conviction.

 

Et j'ajoute, monsieur le premier ministre, que vos approximations et votre amateurisme avéré ne vous autorisent plus à tenir des discours aussi arrogants à l'égard de la Grèce. S'il y a bien la fin d'une récréation qui doit être sifflée, c'est celle de votre gouvernement!

 

En conclusion, le budget est affaire sérieuse. Or le sérieux est ce qui, cruellement, vous fait défaut. Cessez donc vos tromperies, monsieur le premier ministre, venez devant ce parlement avec des dossiers sérieux plutôt qu'avec de la malfaçon!