Question de Stéphane Crusnière à Charles Michel, Premier ministre, sur l'aide européenne aux migrants

Monsieur le président,

monsieur le premier ministre,


aujourd'hui plus qu'hier, il est utile et indispensable de rappeler que l'Europe s'est construite pour dépasser les égoïsmes nationaux, la haine et la peur de l'autre, pour empêcher le repli sur soi des nationalismes, des populismes et des extrémismes qui ont ravagé notre continent au siècle dernier. L'Union s'est construite sur des valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, de respect des droits de l'homme, sur des valeurs de solidarité.

 

La crise de l'accueil des réfugiés est indigne de l'Union européenne. Autrement dit, l'échec de la politique d'asile de cette dernière est indigne d'une puissance comme la nôtre. Comment nos États ne parviennent-ils pas se mettre d'accord pour accueillir des personnes qui fuient des situations horribles, qui ont osé mettre leur vie en jeu pour rejoindre l'Europe et espérer y rester? Comment nos États peuvent-ils à nouveau dresser des murs à leurs frontières? Comment nos États peuvent-il laisser la Grèce, l'Italie et d'autres pays gérer seuls l'accueil des demandeurs d'asile?

 

Au cours de la réunion des ministres de l'Intérieur consacrée notamment à la question de l'aide à l'Italie et à la Grèce, l'Union européenne a montré toute l'étendue de ses divisions. Cet échec, c'est le reniement des valeurs "européanistes" que les États membres devraient défendre.

 

Monsieur le premier ministre, la semaine prochaine, les chefs d'État et de gouvernement doivent trouver une solution commune à cette crise de l'accueil. Il n'y aura pas de politique d'asile européenne sans solidarité. Il faut donc retrouver le souffle de cette dernière.

 

À cette occasion, monsieur le premier ministre, nous attendons de la Belgique qu'elle contribue à trouver une issue dans ce dossier crucial; issue qui apportera une réponse concrète et efficace à la problématique de l'accueil des réfugiés.

 

Il est urgent de démontrer que l'Union européenne est un projet de solidarité et non une somme d'intérêts nationaux à courte vue. Pour tenir ce discours de solidarité, il faut évidemment s'en donner les moyens. Or, la politique que votre gouvernement mène en interne en matière d'accueil des réfugiés n'est pas de bon augure.

 

Ce matin, les travailleurs de Fedasil ont entamé des actions pour dénoncer les coupes budgétaires que votre gouvernement impose, coupes budgétaires qui ont des répercussions sur l'accueil, l'emploi, voire même sur l'existence de certains centres.

 

Monsieur le premier ministre, quelles sont les initiatives que vous comptez prendre, la semaine prochaine, pour favoriser un sursaut et un réveil de l'Union européenne pour faire face à la crise de l'accueil des réfugiés? Comment justifiez-vous les coupes budgétaires imposées à Fedasil alors que la crise en matière d'accueil est si aiguë?

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président,

chers collègues,


la question posée est extrêmement fondamentale et je vous remercie de la poser. Nous avons progressé, les dernières années, dans le cadre du projet européen et il est certain que la question des migrations se pose à l'ensemble des États membres de l'Union européenne, a fortiori aux États membres de l'espace Schengen. Il va de soi que l'on doit travailler ensemble pour trouver des solutions. C'est un premier point.

 

Deuxième point: je partage avec vous le constat sur la situation dramatique pour les personnes qui meurent en mer Méditerranée dans des conditions absolument insupportables et insoutenables. Il faut cependant être très lucide, comme vous l'êtes très certainement, sur les causes, les raisons pour lesquelles, ces derniers mois, on est confronté à un afflux spectaculaire. Il était déjà important; il a encore plus de l'ampleur depuis quelques mois. C'est évidemment la situation dans le nord de l'Afrique, en Syrie, et particulièrement en Libye, qui crée un espace, une opportunité pour des passeurs, des trafiquants de miser et de gagner de l'argent sur la misère humaine. C'est de cela dont il s'agit.

 

C'est évidemment une question importante que l'on doit tenter de résoudre le plus possible dans le cadre de la solidarité européenne. Je veux ici affirmer, comme vous l'avez fait, notre volonté de travailler dans la solidarité européenne. J'évoquerai ici plusieurs éléments. Tout d'abord, le dernier Conseil européen qui s'est penché sur cette question a pris quelques décisions. On peut les considérer comme insuffisantes. Je peux entendre cet argument-là mais chacun connaît ici la mécanique de décision sur le plan européen. On doit tenter de convaincre largement des partenaires de partager ensemble une décision. Premièrement, c'est le triplement des budgets qui a été décidé pour les opérations Triton et Poseidon. Deuxièmement, c'est le renforcement des moyens pour Frontex. Troisièmement, c'est la mobilisation de moyens des États. Et la Belgique prend sa part. Comme vous le savez, grâce à la Défense, un navire logistique, le Godetia, participe en ce moment aux opérations humanitaires en mer.

 

Ensuite, la Commission a fait des propositions. C'est en soi très positif qu'en quelques semaines, la Commission ait fait des propositions complémentaires pour tenter de forcer les gouvernements à prendre attitude et à prendre des décisions. Il y aura de nouveau un rendez-vous, une heure de vérité, entre les États européens dans quelques jours, lors du prochain Conseil européen qui se penchera sur cette question. Je peux vous annoncer que, comme nous l'avions déjà fait lors du précédent Conseil européen, nous plaiderons pour continuer à renforcer les solidarités de deux manières, envers les immigrants bien entendu mais aussi entre les États européens. Chaque État européen doit aussi prendre sa part de responsabilité sur le sujet.

 

Enfin, dernier point, nous plaidons aussi pour qu'il y ait des politiques de retour effectives et efficaces, parce que ces politiques de retour pour les personnes qui n'ont pas vocation à séjourner sur le territoire belge, c'est aussi une partie de la solution. C'est ce que nous pensons en tout cas!

Réplique de Stéphane Crusnière

Monsieur le premier ministre, je vous remercie pour ces précisions. Nous serons attentifs aux réponses fournies et aux solutions proposées lors du Conseil.

 

Je vous avais posé une question relative à la situation actuelle chez Fedasil. Je vous réinterrogerai sur ce sujet car je n'ai malheureusement pas reçu de réponse.

 

Le droit d'asile et l'accueil des demandeurs d'asile sont des sujets extrêmement délicats, non pas parce qu'ils sont difficiles à amener dans l'opinion publique mais parce qu'ils concernent des hommes, des femmes et des enfants qui méritent qu'on traite leur demande avec sérieux. Face à l'urgence humanitaire, trouver une solution pour ces milliers des personnes, c'est aussi redonner un sens à l'Union européenne et c'est retrouver les valeurs fondatrices du projet européen. Chez nous aussi, ces valeurs doivent être le moteur de notre politique d'asile, faute de quoi les conséquences pour une Union européenne déjà fragilisée par la montée des nationalismes de tout poil et le repli égoïste de ses intérêts à court terme, seraient catastrophiques et chacun aura à en subir les conséquences.