Question de Karine Lalieux à Marie-Christine Marghem, ministre de l’Énergie, sur les propos tenus par le directeur de l'AFCN

Monsieur le président, je vais m'adresser au premier ministre, comme s'il était là, car il est important qu'il parle au nom du gouvernement.

 

Après plus d'un mois de débats, on peut dire que le bilan sur ce dossier est sans appel: des documents dissimulés, des mensonges répétés, un projet de loi atomisé par le Conseil d'État, une ministre décrédibilisée, une majorité fissurée et, maintenant, comme l'ont rappelé mes deux collègues, un gendarme du nucléaire totalement déstabilisé. Jusqu'où allons-nous descendre dans ce dossier? Jusqu'où le gouvernement ira-t-il?

 

La semaine dernière, le premier ministre a soutenu la méthode de travail. Il a soutenu le non-respect des avis du Conseil d'État et de l'AFCN; il a soutenu l'insécurité juridique, l'insécurité pour les citoyens et l'insécurité d'approvisionnement. Il n'a même pas convaincu sa propre majorité qui est aujourd'hui totalement fissurée. Dois-je rappeler les propos de M. Wollants? Monsieur Wollants, vous avez dit que Doel 1 ne serait pas en activité cet hiver. Je vous crois. On le dit depuis des semaines. Madame Dierick, merci de dire que ce dossier est une vraie improvisation. C'est le cas. Nous vous soutenons. Et nous disons, quel amateurisme! Mais quel amateurisme! Quelle improvisation? Les termes sont même plus durs. Monsieur Vande Lanotte, vous avez raison. Quand des chefs de groupe font un communiqué de presse, c'est qu'il y a un réel problème dans la majorité. Or, ce problème était posé aujourd'hui au gouvernement.

 

Ce qui est plus grave encore, c'est que le patron de l'AFCN, aujourd'hui, n'est plus crédible. Il a tenu des propos totalement consternants: "Oui! J'ai reçu des enveloppes et j'ai donné des enveloppes." "L'accident nucléaire de Fukushima, ce n'est presque rien car il n'y a eu que deux morts". Et il parle également d'acrobatie juridique un peu bizarre. C'est encore mieux qu'une acrobatie! Oui, il était temps que le premier ministre vienne s'expliquer.

 

Je voudrais rappeler à la majorité que ce n'est pas nous qui mettons la cacophonie dans ce dossier. Les déclarations de M. Bens, les déclarations du CD&V ou de la N-VA, ce n'est pas nous! Nous ne sommes pas en train d'inventer la situation et la cacophonie. Nous réagissons simplement et demandons à ce gouvernement un nouveau moment de lucidité. Retirez votre projet! Il est temps que l'on travaille sérieusement sur la sécurité d'approvisionnement dans ce pays. Comme je l'ai dit la semaine dernière, vous aurez alors le soutien de l'opposition qui a des alternatives à proposer à un projet complètement chaotique.

Réponse de Marie-Christine Marghem

Merci monsieur le président, chers collègues, nous en débattons donc en commission depuis quelques semaines et je voudrais rappeler, pour préciser les choses devant l'ensemble des collègues du Parlement, que dans ce dossier, pour fournir le cadre législatif à la prolongation de Doel 1 et 2 qui est l'exécution de l'accord gouvernemental pour pourvoir le pays en sécurité d'approvisionnement électrique pour le prochain hiver - mesure à court terme -, il y avait trois possibilités, trois raisonnements juridiques que nous pouvions suivre.

 

Le premier, celui que nous suivons, à savoir de dire que Doel 1 et 2 ont bénéficié dès le départ d'une autorisation individuelle d'exploitation qui est à durée indéterminée. La loi de 2003 qui a prévu un échéancement du calendrier de sortie de nos centrales nucléaires à l'horizon 2025 et au plus tôt, quand elles atteignaient quarante ans, a prévu une sorte d'interrupteur. En vertu de cet interrupteur, Doel 1 a terminé d'injecter de l'électricité dans le réseau électrique de ce pays le 15 février 2015.

 

L'optique du gouvernement, sur laquelle nous ne sommes pas d'accord en commission, c'est de dire que le cadre législatif que nous voulons vous soumettre et dont nous voulons discuter avec vous, c'est l'interrupteur qui permettra à Doel 1 de repartir sachant que l'autorisation initiale n'a jamais cessé d'exister. Ceci est contenu dans les textes.

 

Il y avait deux autres possibilités. La rétroactivité: faire en sorte que par une fiction juridique, on revienne en arrière dans le temps pour faire en sorte que la loi entre en vigueur le 14 février 2015, la veille du jour où l'interrupteur commandé par la loi de 2003 ne permettait plus à Doel 1 d'injecter de l'électricité dans le réseau.

 

J'ai été amenée à vous le communiquer et cela a d'ailleurs amené des critiques dans votre chef, mais nous avons communiqué. Vous avez eu l'occasion de parcourir en long et en large, en ayant toutes les explications voulues, y compris en présence de mon collègue Jan Jambon, le texte de l'avis du Conseil d'État lié à ce projet d'amendement du gouvernement, à ce test effectué par le gouvernement sur la deuxième position juridique qui était la rétroactivité. Comme cela a été rappelé par mon collègue Jan Jambon en commission, le gouvernement avait indiqué qu'il ne suivrait pas cette deuxième possibilité si le Conseil d'État n'y était pas favorable. C'est ce que nous avons fait puisque le Conseil d'État n'y était pas favorable.

 

Le troisième raisonnement juridique qui n'est pas celui que nous suivons est celui d'une nouvelle autorisation et c'est celui que vous prônez. Effectivement, depuis le début, nous considérons que les autorisations n'ont pas pris fin, qu'elles ont été octroyées à durée indéterminée et que la logique juridique veut que nous agissions conformément à la logique juridique de notre projet de loi, logique juridique qui a été utilisée et reconnue, je le constate. Je ne vais pas commenter une décision de justice mais vous avez vu que Greenpeace avait introduit une action en justice contre l'État belge devant le tribunal de première instance de Bruxelles en référé. Le jugement est sorti le 1er juin et dans ce jugement, on voit que le magistrat suit la logique juridique du gouvernement, à savoir que les autorisations qui sont fournies aux centrales, en l'espèce Tihange 1 (c'estTihange 1 qui est attaquée dans ce dossier) et Doel 1 et 2 (car Greenpeace a étendu son action dans le décours du procès), sont des autorisations qui sont fournies à durée indéterminée et que seule la permission de produire de l'électricité et de l'injecter dans le réseau a cessé et peut resurgir par le biais d'un cadre législatif. Voilà l'explication.

 

En ce qui concerne les amendements que vous avez déposés, nous verrons quel est l'avis du Conseil d'État et nous aurons l'occasion d'en rediscuter ultérieurement.

Réplique de Karine Lalieux

Monsieur le président, monsieur le vice-premier ministre, je ne remets évidemment pas en cause les procédures que vous avez citées. Nous en partageons le principe.

 

En revanche, voici la question que peut se poser légitimement ce parlement: qu'y a-t-il à cacher? Pourquoi a-t-on refusé à deux reprises l'audition de M. Bens? Je rappelle, comme vous l'avez fait très justement, que c'est l'AFCN qui devra donner son feu vert. De plus, le gouvernement a totalement changé d'optique par rapport à tous les gouvernements précédents. En effet, aucun expert étranger indépendant ne donnera son approbation avant l'autorisation de l'AFCN. En outre, vous n'acceptez pas que la personne qui a déstabilisé cette institution soit auditionnée au parlement. Cela me semble inacceptable!

 

Par ailleurs, nous ne sommes pas intervenus ici pour débattre d'une énième analyse juridique de ce projet de loi, mais pour savoir ce qu'il se passait au sein du gouvernement. Encore une fois, je vous demande de prendre vos responsabilités afin d'éviter une insécurité juridique et en termes d'approvisionnement pour le pays et une insécurité pour nos concitoyens. C'est pourquoi vous devez retirer ce projet de loi complètement chaotique.

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