Question d'Ozlem Ozen à Koen Geens, ministre de la Justice, sur l'avis de l'inspection des Finances sur le budget de la Justice

Monsieur le président,

monsieur le ministre,


le département de la Justice court tout droit vers la catastrophe! Tous les acteurs du monde judiciaire partagent unanimement ce sinistre constat et seront d'ailleurs rassemblés le 20 mars prochain pour vous lancer un cri d'alarme et pour exprimer leurs inquiétudes, à savoir que sans moyens supplémentaires, la justice va droit dans le mur!

 

Même la Sûreté de l'État, qui est pourtant très peu bavarde, vous a lancé un appel à l'aide vu l'insuffisance des moyens qui lui sont octroyés pour mener ses missions essentielles pour la sécurité de nos citoyens.

 

Monsieur le ministre, lors des dernières discussions budgétaires, nous vous avions mis en garde contre les coupes linéaires qui risquaient de mettre en péril le bon fonctionnement du département de la Justice. Vous vous étiez alors engagé à revoir l'étalement de l'effort budgétaire à fournir. Vous nous aviez promis des glissements d'enveloppes et de facilitations qui allaient permettre d'améliorer la situation et surtout de maintenir les budgets là où ils sont indispensables.

 

L'Inspection des Finances vient de recaler votre budget, allant même jusqu'à le comparer à la situation de la Grèce dans la zone euro! Vos promesses de relever la valeur du point attribué aux avocats pro deo sont balayées, les engagements que vous avez pris vis-à-vis des gardiens de prison sont compromis et vos déclarations en faveur du maintien du personnel sont écartées d'un revers de la main.

 

Monsieur le ministre, devant des considérations aussi extrêmes et brutales de l'Inspection des Finances, nous ne pouvons que vous soutenir dans votre démarche pour ne pas laisser la justice sombrer.

 

Comment comptez-vous procéder - puisque vous avez promis beaucoup aux acteurs de la justice - pour maintenir la justice la tête hors de l'eau? Que pouvez-vous sérieusement dire au secteur pour le rassurer, lui qui est complètement désespéré face à l'ampleur du désastre qui s'annonce?

 

Monsieur le ministre, n'est-il pas temps de revenir à la raison et d'oser reconnaître qu'il faut immuniser le budget de la justice, comme nous vous le demandons depuis des mois?

Réponse de Koen Geens

Vous avez utilisé à plusieurs reprises le mot "désespoir". Surtout, ne désespérez pas! Ce serait prématuré. Quand je promets quelque chose, c'est pour moi un engagement de résultat. Si vous doutez du plan Justice, je vous assure qu'il va venir. Si vous doutez des projets de loi "pot-pourri", ils vont être rendus publics. Mme Onkelinx s'en souvient très bien. Je lui avais promis un projet de loi bancaire. Elle l'a reçu quatre mois après. Et elle ne peut pas le nier. Pour tout vous dire, nous allons y parvenir.

 

Vous me demandez ce que je pense de l'avis de l'Inspection des Finances. Je vous répondrai qu'il est peu flatteur! Comme il n'est pas soumis au débat contradictoire, je ne suis pas censé répondre à vos questions, puisque vous ne l'avez pas lu. Vous n'avez consulté que La Libre Belgique, dans laquelle il était écrit que le plan Justice avait été recalé, alors que ce journal ne le connaissait même pas. Non, vous ne l'avez pas dit, puisque vous avez corrigé le titre du quotidien. Je ne parle pas des trois dernières lignes de l'article qui me comparent au ministre des Finances de la Grèce. Il est plus dégarni que moi, de surcroît!

 

Pour tout vous dire, je partage la conclusion de l'avis. Comme vous n'en avez pas pris connaissance, je peux vous la citer: "En matière structurelle, la Justice ne fait pas ce qu'elle doit faire". Et c'est vrai! Il faut abroger les timbres-poste, ainsi que beaucoup de plis judiciaires et de citations pénales. Nous allons nous y atteler. Je dis seulement qu'il faut nous donner le temps de prendre le virage. Nous avons besoin de nous investir dans les législations. Je vais y venir plus vite que vous ne le pensez. Nous devons aussi investir dans le matériel informatique afin de pouvoir prendre ce virage.

 

Quant aux bâtiments, on nous demande de supprimer certaines prisons. Oui, mais il faut alors moins de prisonniers. Cela nécessite des mesures structurelles. J'ai perdu un petit mois, mais nous allons aboutir. Je ne puis que vous demander de faire preuve d'un tout petit peu de patience. Vous connaissez La Vache et le prisonnier, avec Fernandel: "Il faut prendre le temps nécessaire". Et je le prends. 

Réplique d'Ozlem Ozen

Monsieur le ministre, je vous remercie. Nous sommes désespérés mais il y a une lueur d'espoir!

 

Même si nous sommes juristes, l'équation n'est pas très compliquée. Soit votre gouvernement s'en tient à la rigueur budgétaire et veut à tout prix réaliser des économies dans le département de la Justice et celle-ci pourra mettre les clés sous le paillasson, soit vous faites le forcing auprès de vos collègues pour obtenir des moyens supplémentaires ou, à tout le moins, immuniser votre budget.

 

J'ai entendu le chef de votre gouvernement dire qu'il joignait la parole aux actes et que votre gouvernement prenait ses responsabilités! Je pense que c'est l'occasion de nous le prouver. Nous attendons avec impatience votre plan et les mesures concrètes que vous allez prendre pour faire face à la situation.

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