Question d'Ahmed Laaouej à Koen Geens et Johan Van Overtveldt, ministres  de la Justice et des Finances, sur l'affaire SwissLeaks

Monsieur le président,

chers collègues,

messieurs les ministres,


enfin, nous allons avoir, après quatre jours, un avis officiel du gouvernement sur le SwissLeaks. Il n'est jamais trop tard! J'espère que nous allons avoir des réponses à nos questions.

 

En préalable, je voudrais vous demander si vous savez que cette semaine et la semaine prochaine, se plaide, devant le tribunal correctionnel, le dossier QFIE dans son volet Italie. Cela représente une fraude de l'ordre de 100 millions d'euros. Ce dossier a été initié au début des années 90 et voit son aboutissement judiciaire en première instance plus de vingt ans après. Cela signifie que pour des dossiers fiscaux transnationaux de grande envergure, il faut beaucoup de temps, tant à l'administration fiscale qu'à la justice, pour faire les investigations nécessaires pour dégager les moyens qui permettront de mettre à jour, de comprendre, de rectifier voire de sanctionner lesdits mécanismes.

 

Avec le SwissLeaks, nous avons un nouveau courant de fraude transnationale de grande ampleur. On parle de 6 milliards d'euros d'avoirs placés sur les comptes HSBC en Suisse. L'Echo, en janvier 2014, nous rappelait que les avoirs belges en Suisse sont évalués à 60 milliards d'euros. Cela signifie que ce n'est qu'une toute petite partie qui est ainsi dévoilée par la presse mais elle nécessitera, monsieur le ministre des Finances, monsieur le ministre de la Justice, que vous puissiez prendre un certain nombre de dispositions qui permettront d'aboutir aux résultats souhaités, aux vérifications et aux rectifications qui s'imposent, voire aux poursuites et aux sanctions pénales s'il échet.

 

Dès lors, dans le contexte budgétaire dans lequel vos départements sont soumis à des économies drastiques, allez-vous dégager tous les moyens en personnel et en matériel et faire en sorte que des cellules spéciales soient mises en place pour pouvoir aboutir dans le SwissLeaks? Et cela vaut aussi pour l'OffshoreLeaks ou le LuxLeaks. Une lutte efficace contre la fraude fiscale transnationale est fondamentale!

Réponse de Johan Van Overtveldt et Koen Geens

Johan Van Overtveldt: Mon administration enquête sur les nouvelles données sur les clients belges de la banque HSBC. Après un premier examen par l’ISI, il a été constaté que la plupart des contribuables cités dans la presse font déjà l’objet de l’enquête HSBC menée

par l’ISI. D’autres ont leur domicile fiscal à l’étranger. L’administration contrôlera si cette

domiciliation correspond à la réalité.


L’ISI suit de près l’évolution de cette affaire, en particulier la publication d’informations détaillées par le Consortium international des journalistes d’investigation. Le 7 juillet 2010, le fisc belge a reçu du fisc français un grand nombre de données bancaires de HSBC. Le tribunal de première instance d'Anvers a jugé récemment qu'il n'est pas question d'irrégularités dans l'obtention du cd-rom en question. Les données obtenues ont été analysées par l'ISI et les données exploitables ont été réparties, dossier par dossier, entre l'ISI et l'Administration générale de la Fiscalité (AGFisc). 829 dossiers potentiels ont été

sélectionnés: 494 font l’objet d’une enquête par l'ISI et 335 par l' AGFisc.

 

Les dossiers à l'examen ont été répartis entre les différentes directions. Une concertation est aussi organisée sur leur traitement uniforme, sur les tactiques à suivre pour les redressements, sur la transmission des dossiers aux parquets et sur l'examen des litiges.


Au 21 janvier 2015, l'ISI avait clôturé 193 dossiers dont 191 sans supplément d'impôt. Je ferai

distribuer sur papier les détails relatifs aux revenus et aux impôts majorés dans ces 193  dossiers, dont 136 ont été transmis au parquet.


Soyons clairs: le gouvernement prend la fraude fiscale à bras-le-corps et il fournit les moyens et les effectifs nécessaires à cet effet.


L'AG Fisc a donné des directives aux services de taxation concernés pour assurer un

traitement égal des contribuables visés, en matière de procédure et de sanctions. Les services ont été priés de transmettre aux autres services toute information utile à l'exercice de leur mission.

 

Il y a eu 335 dossiers sélectionnés, 23 annulés, 312 vérifiés. Le montant d’augmentation de revenus est de 24 millions d’euros. Les impôts enrôlés ont atteint 15 millions d'euros.


Le rapport de la Financial Action Task Force–mieux connue sous son abréviation française GAFI (groupement d’action financière) – sera discuté à Paris durant la semaine du 23

février 2015. Participeront à cette réunion des représentants du gouvernement, des SPF Justice, Finances et Économie, de la police fédé rale, de la Banque nationale, de la FSMA et du secteur privé. Le rapport définitif sera ensuite publié.


Par ailleurs, la publication de la quatrième directive européenne relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme est attendue entre juin et septembre 2015. Les dispositions de cette directive devront bien entendu être transposées par la suite en droit belge.


Par ailleurs, nous peaufinons actuellement un projet de texte sur la taxe Caïman ou taxe de

transparence. Il s’agit d’une matière très complexe qu’il faudra examiner attentivement pour savoir si nous disposons des moyens pour faire appliquer cette législation de manière efficace. Nous voulons en tout état de cause éviter une loi de réparation ultérieure. Notre objectif est de soumettre au plus vite un texte définitif au Conseil des ministres.

 

Koen Geens: Je n'ai pas changé depuis la législature précédente et je me comporte de manière aussi responsable qu'à l'époque

.

Les magistrats fiscaux répressifs sont cinq sur huit, les ressorts de Bruxelles néerlandophone, Flandre occidentale et Hainaut ne trouvant pas de candidat. Les juges fiscaux aux tribunaux de première instance sont 30 sur 32: deux nominations en Flandre orientale auront lieu incessamment. Les substituts sont 16 sur 21. Il manque trois candidats à Mons.


Pour ce qui est de votre question sur la prescription, le Collège des procureurs généraux fait tout pour avoir les informations demandées et je vous les transmettrai dès que possible.


C'est le ministre des Finances qui décide s'il doit se constituer partie civile, posez-lui la question plutôt qu'à moi.

Réplique d'Ahmed Laaouej

Monsieur le président, messieurs les ministres, j'ai rarement vu une telle confusion dans les explications. Vous nous avez en réalité décrit le bilan de John Crombez, quand il s'est agi de traiter le premier volet HSBC. Oui, les 829 dossiers, nous les connaissons depuis 2010! Et le gouvernement Di Rupo, et John Crombez en particulier, a pris toutes les mesures qui s'imposaient pour les gérer. Effectivement, plus de 400 millions sont rentrés dans nos caisses. Merci John Crombez! Merci le gouvernement Di Rupo!

 

Je vous parle de la nouvelle affaire HSBC, les 3 000 clients! C'est de ceux-là dont on vous parle, monsieur le ministre des Finances et je n'ai pas eu de réponse! Car il faut sortir de la passivité, il faut sortir de cette situation où l'on attend de recevoir des informations de l'étranger pour diligenter des enquêtes. Je vous dis qu'il y a 60 milliards d'avoirs planqués en Suisse par des résidents belges. C'est cela qu'il faut viser par des investigations et des enquêtes qui soient nouvelles et qui prennent la mesure de l'ampleur.

 

On a beaucoup parlé de déchéance. Je vais vous en proposer une: la déchéance de l'agrément bancaire, de ces banques, de ces filiales, de ces succursales qui viennent en Belgique faire leur shopping pour vider les caisses de l'État et siphonner nos finances publiques par de la fraude fiscale et le renforcement de l'Inspection spéciale des Impôts et des magistrats. Ce n'est pas simplement par de la passivité que l'on y parviendra, mais par une politique proactive, qui remet la lutte contre la fraude fiscale et la lutte contre la criminalité financière au cœur des priorités du gouvernement, ce qui, malheureusement pour le moment, n'est pas le cas.

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