Déclaration gouvernementale: intervention de Willy Demeyer sur le chapitre "Intérieur"

Monsieur le président,

monsieur le premier ministre,

monsieur le ministre de l'Intérieur,

 

quel sera l'apport concret de votre gouvernement pour lutter contre l'insécurité dans nos communes et pour promouvoir le vivre ensemble?

 

Monsieur le premier ministre, vous avez déclaré avant-hier à cette tribune: "Le gouvernement souhaite que la police soit le plus possible disponible sur le terrain." Nous sommes tous d'accord. Mais la première grève à laquelle votre gouvernement est confronté, ce n'est pas celle des cheminots ou des dockers mais celle des policiers. Les policiers seront bien sur le terrain, plus exactement dans la rue, mais pour manifester. Cela commence mal!

 

Comment allez-vous répondre aux demandes des fonctionnaires de police? Vous nous dites que le gouvernement va renforcer les méthodes de recherche, les banques de données, les services de police, la répression des vilains jeunes mendiants. Je ne vois nulle part d'engagement clair quant au refinancement qui va être nécessaire, notamment pour répondre aux nouvelles sollicitations du judiciaire.

 

Il en va de même pour la réforme de la sécurité civile. Je me permets de revenir ici sur vos déclarations d'hier concernant la trajectoire budgétaire pour ce qui est de la sécurité et des services de secours. Il demeure des flous que nous devons clarifier. Concernant les zones de secours, j'ai compris que la trajectoire budgétaire définie par le comité de monitoring sous la précédente législature serait bien maintenue. Pourriez-vous le confirmer? Qu'en sera-t-il du soutien aux communes dans la mise en place des mesures d'urgence en cas de délestage électrique?

 

Pour les zones de police, je suis inquiet et étonné à propos de la volonté d'une réduction de la dotation du fédéral aux zones de l'ordre de 2 %. Si j'ai bien compris, le montant maximum prévu dans l'ébauche budgétaire est de 14,5 millions d'euros en 2015 sur un montant de 725 millions. Je rappelle que 1 million d'euros correspond à 18 unités de police sur le terrain. Ces 14,5 millions sont donc bien inscrits en moins dans le cadre du saut d'index. Je voudrais savoir si la totalité des 2 % de réduction de la dotation fédérale est déjà répartie entre les traitements et les frais de fonctionnement.

 

Cette réduction de 2 % sera-t-elle appliquée de manière linéaire à chaque zone? Qu'en sera-t-il pour la police fédérale qui, rappelons-le, vient aussi en soutien aux zones de police locale? Qu'en sera-t-il de l'éventuelle révision de la norme KUL? Qu'en sera-t-il des critères retenus?

 

Par ailleurs, vous ne confirmez pas le niveau de recrutement. Maintiendrez-vous les efforts engagés par le précédent gouvernement à cet égard? Les subsides aux écoles de police seront-ils maintenus ou diminués?

 

Quel sera l'impact sur les finances des zones locales de votre solution au sujet de l'arrêt de la Cour constitutionnelle relatif aux pensions des policiers? J'ai compris que vous alliez proposer un congé préalable à la pension. Ce congé sera-t-il à charge des zones de police? Avec quel mécanisme de soutien par rapport à une dotation qui sera déjà en diminution?

 

Monsieur le premier ministre, monsieur le ministre de l'Intérieur, tous les mandataires communaux seront particulièrement attentifs à vos engagements budgétaires et, surtout, à leur mise en œuvre. Ce sera là l'épreuve de vérité. C'est sur cette base que nous pourrons juger du sérieux et de la sincérité de vos déclarations.

 

Vous disiez également que la politique du gouvernement se basera sur la coopération, la prévention et l'action efficace des services de sécurité. De quelle coopération et de quelle prévention parlons-nous?

 

L'accord de majorité limite les priorités du Plan national de sécurité. Quelles seront-elles? On en identifie deux: la lutte contre le terrorisme et le radicalisme; j'y reviendrai. Sans nier l'importance de ces menaces, qu'en sera-t-il des autres causes d'insécurité?

 

Je lis avec inquiétude que "les plans de prévention seront évalués de manière approfondie". Faut-il craindre à cette occasion une remise en cause des subsides aux communes pour financer des projets de prévention? La prévention ne doit pas se résumer à la multiplication des caméras, à l'éloignement résidentiel des SDF et des mendiants, à l'interdiction de places, à la lutte contre les squats ou les magasins d'alcool de mauvaise foi.

 

La détention de drogue dans l'espace public sera interdite et ne pourra plus faire l'objet d'une tolérance. Nous pouvons y réfléchir, mais il ne s'agit pas de considérer une approche exclusivement répressive, qui sera inapplicable sur le terrain en matière de toxicomanie.

 

Cette déclaration ne laisse a priori aucune place pour les initiatives en matière de réduction des risques réclamés par les travailleurs sur le terrain et par les experts.

 

Pour le Parti Socialiste, la police de proximité, sous la responsabilité des mandataires locaux, est une composante essentielle de notre sécurité physique, de notre sécurité d'existence et de notre bien-être.

 

Permettez-moi de vous dire que je suis à nouveau très inquiet à la lecture de vos textes. On peut craindre, en effet, un renforcement de la tutelle et de l'intervention du fédéral dans l'organisation et le fonctionnement mêmes des zones de police, ainsi qu'une modification de la répartition des tâches au détriment de la police locale. En caricaturant, cela voudrait dire que les zones de police seraient dirigées par le fédéral et qu'elles verraient leurs missions à la fois rabotées en termes de financement et dirigées autrement par une modification de la répartition des tâches, la police locale s'acquittant alors des tâches autrefois dévolues à la police fédérale.

 

Par ailleurs, allons-nous assister à une privatisation du service public de police? Je note que le gouvernement va déterminer les missions essentielles de la police, encourager l'externalisation et simplifier le recours à la sécurité privée. Quels seront les garde-fous pour éviter une appropriation privée de la force publique? De même, qu'en sera-t-il de votre volonté de revoir la législation sur les détectives privés?

 

J'ai lu que vous alliez mettre en place un conseil national de sécurité. Il faut améliorer le fonctionnement de l'actuel collège, mais pourquoi? Sera-ce un Conseil des ministres bis? Quelles seront ses prérogatives? Avec quelle transparence? Comment s'exercera le contrôle parlementaire?

 

Monsieur le premier ministre, monsieur le ministre de l'Intérieur, je terminerai mon intervention par la lutte contre le radicalisme. Il est évident que nous devons lutter contre le terrorisme et le radicalisme. Le Parti Socialiste n'a jamais été laxiste en matière de sécurité et est ferme à ce sujet. Mais encore, au-delà des discours, comment allons-nous concrétiser cette proposition? Trois critères doivent être pris en considération pour apprécier le bien-fondé des mesures proposées:

1) la pertinence;

2) la faisabilité et

3) leur compatibilité avec les libertés publiques.

 

À la lecture de l'accord, on reste perplexe à cet égard. J'ai la fâcheuse impression d'être mis devant un catalogue de mesures, dont certaines sont d'ailleurs déjà mises en œuvre – et c'est tant mieux! –: les radiations et la coopération internationale.

 

J'espère que nous aurons rapidement un débat à ce sujet, sur des bases objectivées et avec des propositions pragmatiques et concrètes de votre part.

 

Enfin, monsieur le premier ministre, monsieur le ministre de l'Intérieur, nous avons besoin d'actes, de décisions pragmatiques, répondant aux besoins des communes, des services de police, des services de renseignement, des femmes et des hommes qui, à chaque instant, oeuvrent pour la sécurité de tous les citoyens, pour le vivre-ensemble, pour l'émancipation et la cohésion sociale, pour la paix publique et pour le respect de la démocratie.

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