Déclaration gouvernementale: intervention de Karine Lalieux sur le chapitre "Energie"

Madame la ministre,

 

vous savez que l'on a déjà beaucoup parlé d'énergie et que notre commission Économie s'est déjà réunie à maintes reprises et vous savez combien, évidemment, l'énergie sera importante et la sécurité énergétique sera importante pour cet hiver et pour les hivers prochains.

 

On ne va évidemment pas parler du plan de délestage ici à la tribune. Je pense qu'on en parlera très vite en commission et vous y serez invitée très vite bien évidemment.

 

À la lecture de la déclaration gouvernementale, je pense que… – et ce sont les thèses de MM. Wollants et Clarinval qui ont poussé le gouvernement à enterrer définitivement la sortie du nucléaire.

 

D'abord il y a une prolongation de Doel 1 et Doel 2 qui va être reprise dès cette année et il me semble que le timing qui est présenté dans cet accord, parce que là il est précis, est non seulement totalement artificiel mais également complètement risqué par rapport à la sécurité des citoyens, puisque les conditions de sécurité risquent d'être bâclées, madame la ministre, puisque vous demandez à l'AFCN de prendre une décision dans les deux mois.

 

Sachez qu'on a déjà invité l'AFCN en commission de l'Économie il y a moins de quatre semaines et qu'elle nous a dit évidemment qu'il était impossible de prendre une décision de prolongation, même de quelques mois de centrale, dans les deux mois; qu'il fallait faire des études, qu'il fallait s'assurer de la sécurité de tous. Donc, votre timing est totalement artificiel.

 

De plus, madame la ministre, ce que nous a dit Electrabel, qui possède Doel 1, c'est qu'ils n'auraient même plus assez de combustible pour prolonger la centrale.

 

Donc déjà ce que vous indiquez dans votre accord de gouvernement ne sera même pas possible au niveau technique.

 

Ainsi, madame la ministre, je ne sais pas comment vous allez faire et, en plus, vous ne parlez même pas des investissements nécessaires pour prolonger d'un an l'une et de quelques mois l'autre. Et qui va payer ces investissements nécessaires? Qu'allez-vous réellement faire de Doel 1 et Doel 2?

 

Vous prétendez effectivement vouloir un mix énergétique mais j'ai du mal à découvrir le mix énergétique dans votre déclaration gouvernementale. D'abord, vous dites un mix énergétique durable.

 

On va rappeler que l'énergie nucléaire n'est pas une énergie durable. C'est une énergie qui amène une quantité de déchets énormes. C'est une énergie qui est dangereuse. C'est aussi une énergie qui n'est pas une énergie d'avenir. Rappelons-nous pourquoi on parle de plan de délestage, pourquoi on parle de pénurie cet hiver. C'est justement parce que le nucléaire ne peut pas assurer notre sécurité d'approvisionnement.

 

Tihange 2 et Doel 3 sont fermés pour des raisons de sécurité. Et Doel 4 pour des raisons de sabotage. Comment osez-vous tout miser sur le nucléaire alors que c'est le nucléaire qui fait que, cet hiver, nous aurons peut-être des pénuries?

En dehors du nucléaire, vous revendiquez, et nous le revendiquons aussi depuis longtemps, un climat stable pour les investissements en matière énergétique dans notre pays. C'est une revendication totalement légitime.

 

Par contre, vous revendiquez cela et, en même temps, vous revenez sur une décision que nous avons votée en décembre 2013, c'est-à-dire la prolongation de Doel 1 et Doel 2. Vous revenez sur une autre décision, c'est-à-dire l'appel d'offres pour la construction de nouvelles centrales, ce qui va créer une insécurité juridique pour tous les investisseurs ici, ce qui va créer des retards par rapport à une sécurité d'approvisionnement.

 

Comment, madame la ministre, allez-vous créer cette sécurité d'approvisionnement avec des décisions qui reviennent sans cesse sur des décisions prises avec le MR et le CD&V dans ce gouvernement? Je me le demande réellement.

 

Il est vrai que nous avons l'impression que vous allez prolonger de dix ans les autres centrales nucléaires. Vous ne le dites pas, mais cela a été dit par d'autres. Vous pouvez rire, monsieur le premier ministre. Le nucléaire, ça ne vous intéresse pas; l'énergie, ça ne vous intéresse pas. Ça n'a pas d'importance. Il est cinq heures et demie du matin; vous pouvez toujours sourire.

 

Par rapport à cette prolongation du nucléaire que vous n'osez pas annoncer mais que vous allez annoncer de toute façon in fine, il faudra évidemment, avant toute modification législative – et j'espère que vous allez respecter cela pour la sécurité des citoyens mais aussi pour la sécurité des investissements –, voir le potentiel des interconnexions, les capacités de production actuelle et planifiée, le potentiel des matières de gestion de la demande, le potentiel au niveau des économies d'énergie et aussi au niveau du coût pour les consommateurs.

 

Bien entendu, j'espère que tout cela sera fait par des experts indépendants, sous le contrôle d'Elia et de la CREG, parce qu'on ne dit pas grand-chose sur ces acteurs.

 

Quand il s'agit de nucléaire, il s'agit aussi de provisions pour les déchets et le démantèlement des centrales. Pas un mot! Nous savons que cela va coûter des milliards pour recycler tous ces déchets nucléaires et nous savons que si on prolonge les centrales, ça ne fera que coûter plus, d'abord en investissements dans les centrales et puis dans le démantèlement de ces centrales et dans les déchets nucléaires. Pas un mot! C'est totalement irresponsable. Comme d'ailleurs, il n'y a dans vos tableaux pas un mot sur la rente nucléaire. Où sera cette rente? À quel niveau sera la rente nucléaire? Je l'ignore.

 

Je voudrais terminer mon intervention en abordant la question des consommateurs et des prix. Vous savez que le gouvernement précédent a régulé les prix de l'énergie. Contrairement à la volonté de certains, les ministres ont bloqué les prix de l'énergie, ils ont diminué la TVA sur l'énergie et ils ont également procédé à l'interdiction de l'indemnité de rupture et de sortie, ce qui a réellement fait diminuer les prix de l'énergie. Je vous félicite et vous remercie d'ailleurs au passage, messieurs Wathelet et Vande Lanotte.

 

Ce n'est pas le marché qui est à l'origine de la diminution du coût de l'énergie, c'est l'action de l'État. Mais la loi dont question concerne aussi le filet de sécurité. Selon la déclaration gouvernementale, la première chose que vous allez faire, madame la ministre, c'est remettre en cause ce filet de sécurité. Ce filet de sécurité permet pourtant de maintenir des prix corrects pour les consommateurs et nos entreprises.

 

La CREG, qui est un régulateur indépendant, a rédigé un rapport visant à demander une prolongation de trois ans du filet de sécurité. Or vous faite fi de l'avis de cette dernière et vous allez remettre en cause ce filet de sécurité. Par quoi comptez-vous le remplacer, madame la ministre? Je vous le demande. Un marché à la main invisible qui va faire baisser les prix? Non.

 

Madame la ministre, il semble que vous ne vous engagiez pas non plus – mais peut-être me direz-vous le contraire – à prolonger la TVA réduite à 6 % au-delà de 2015. Vous savez que la loi s'arrête en 2015. Or, vous ne dites pas un mot concernant la poursuite de cette réduction après 2015.

 

Enfin, il n'y a rien concernant les tarifs sociaux et la guidance énergétique des CPAS? Allez-vous continuer à les financer? Monsieur Clarinval, on a souvent entendu que les missions de service public coûtaient trop cher aux consommateurs. Ces missions de service public seront-elles mises à mal par le prochain gouvernement?

 

Pour ce qui concerne la norme énergétique, je suis d'accord pour dire qu'il faut également diminuer le prix de l'énergie pour les entreprises. Je vous demande que cela ne se fasse pas sur le dos des PME et des familles. Comment comptez-vous gérer cette diminution de norme énergétique? J'espère que cela se fera en concertation avec les Régions et les régulateurs. Je sais, madame la ministre, que vous aimez le mot "concertation", mais que vous prenez les décisions en amont. J'ai l'impression que cet accord de gouvernement a plutôt été pris en pensant aux fournisseurs et non aux consommateurs.

Partagez sur