Déclaration gouvernementale: intervention d'Alain Mathot sur le chapitre "Santé"

Monsieur le président,

monsieur le premier ministre,

messieurs les ministres,

chers collègues,

 

Jacques Chirac disait qu'un bon discours, c'est comme une mini-jupe. Il faut que ce soit suffisamment court pour attirer l'attention mais assez long pour couvrir l'essentiel. Je vais essayer de me tenir à cette maxime. Non par volonté mais parce que c'est le Règlement. J'ai bien entendu que vous rappeliez les minutes à chacun des intervenants.

 

Madame la ministre, je voudrais vous raconter une petite histoire. Je jouais avec mes enfants pour leur faire comprendre quelque chose. Je leur demandais de faire un cercle et d'inscrire dans ce cercle leurs priorités et de les diviser en quarts, en sixièmes, en cinquièmes, comme ils le souhaitaient, et d'y mettre l'amour, l'amitié, l'argent et, évidemment, la santé. Certains choisissaient l'amour – sans doute l'avaient-ils en tête à ce moment-là -, d'autres l'argent – peut-être voulaient-ils acheter un vélo – puis, à un moment donné, ils me demandaient comment je ferais. Moi, je faisais un cercle et dedans, je mettais la santé. Je ne mettais que la santé. Parce que, que l'on soit riche, puissant, quand on n'a pas la santé, ça devient intenable et invivable. D'où l'importance du débat sur la santé. D'où la volonté du Parti Socialiste de soutenir la santé via notamment les actions qui ont été menées par Laurette Onkelinx et par le Parti Socialiste depuis 25 ans au niveau du gouvernement – on l'a rappelé suffisamment – mais déjà même avant.

 

Que souhaitait-on? Garantir l'accès aux soins de santé, garantir un accès avec une qualité des soins de santé en essayant de toucher le moins possible au portefeuille du patient et en continuant et en mettant toutes les conditions pour que les travailleurs des soins de santé le fassent de la manière la plus efficace possible.

 

Pour nous, socialistes, c'était évidemment une des priorités de l'ensemble des gouvernements auxquels nous avons participé. Or, quand je lis l'accord du gouvernement, je suis tout d'abord un peu étonné par les mots utilisés dans la déclaration gouvernementale. Il y est question de rationalisation, de productivité, de contrôles et de sanctions. Je vous avoue que ma conception de la politique en termes de santé est assez éloignée de ce type de vocabulaire.

 

Il est vrai que – et Mme Laurette Onkelinx, qui a dû nous quitter parce qu'elle a un problème au dos, d'où l'importance d'être en bonne santé, l'a rappelé –, cet accord de gouvernement comprend de très bonnes mesures. J'en citerai six: le renforcement de la transparence financière des soins de santé, le plan d'attractivité pour les infirmiers, la création d'une procédure Unmet Medical Needs, le plan relatif à la garde médicale, le cadastre détaillé des professions de soins de santé ou encore la réforme du financement des hôpitaux. Toutes ces propositions figurant dans la déclaration gouvernementale nous semblent – je le répète – très positives puisqu'elles s'inscrivent dans la continuation des mesures prises par Laurette Onkelinx et des plans qu'elle a mis en place lors de la précédente législature. Cela signifie, en quelque sorte, que vous reconnaissez implicitement – j'en suis heureux – que l'action socialiste n'a pas été complètement inutile, même si certains estiment que notre non-présence au gouvernement est en soi une révolution.

 

Je m'arrête pour les exemples. Mais je peux en citer d'autres et vous préciser qu'ils se situent dans cette lignée.

 

En revanche, dans cette déclaration, je retrouve très peu de politiques nouvelles. Et je le regrette profondément. Je ne vois pas de nouveaux remboursements, par exemple pour les soins dentaires. Je ne vois rien en matière de politique de lutte contre le tabac ou l'alcool. Certes, il est question d'une révision de la nomenclature, d'une révision de l'arrêté royal n° 78, de la réforme du financement des hôpitaux. J'entends d'ailleurs qu'une task force sera mise sur pied pour ce faire.

 

Cela étant dit, j'ai une première question. Mon groupe et moi-même souhaiterions savoir qui viendra en soutien de cette task force. Quand je lis que vous vouliez une fusion ou, du moins, des rapprochements très précis entre l'Inami et le SPF Santé publique, j'imagine qu'il sera difficile de leur demander en plus de participer à ce genre de choses.

 

D'autre part, dans l'ensemble des propositions qui sont faites, je remarque que vous faites même marche arrière. En effet, s'agissant de la loi du 27 décembre 2012 qui portait l'accessibilité aux soins de santé et qui prévoyait qu'ils bénéficient du tiers payant automatique pour les prestations médicales dès le 1er janvier prochain, vous vous vantez que vous allez le faire – et je vous en remercie, je trouve cela formidable –, mais vous décalez l'application de cette loi au mois de juillet 2015. Donc, soit vous postposez certaines mesures, soit vous en poursuivez d'autres, soit encore vous dites que vous allez y réfléchir.

 

Je comprends que cette déclaration ne soit pas plus précise pour la simple et bonne raison qu'on se trouve confronté à un problème budgétaire.

 

À mon sens, c'est là que se situe le nœud du problème: le budget. Or une politique cohérente en matière de santé publique doit évidemment se fonder sur un objectif budgétaire clair et précis.

 

D'ailleurs, dans sa déclaration de politique générale, le gouvernement Di Rupo avait d'entrée de jeu annoncé cet objectif budgétaire en précisant la norme de croissance qu'il entendait fixer. Pourquoi? Parce que cette norme de croissance est indispensable, elle est un gage de stabilité financière du secteur, elle permet de conserver des soins de santé de qualité pour tous en tenant compte du vieillissement de la population, du développement de technologies nouvelles et surtout souvent coûteuses. En revanche, aucun chiffre ne figure dans cet accord de gouvernement.

 

Madame la ministre, je dois bien l'avouer, si Michel était "impuissanté", moi je suis "enténébré" par les chiffres que M. le premier ministre a cité hier concernant le budget des soins de santé. Vous pouvez vérifier: cela existe, j'ai contrôlé.

 

Il a indiqué que la norme de croissance serait de 1,5 %; jusque-là, c'est clair même si l'on peut estimer que c'est peu connaissant la croissance réelle des soins de santé de ces dernières années. Par contre, ce qui devient moins clair, c'est d'entendre une norme de croissance nominale de 2,2 %, puis d'entendre 1,2 milliard d'euros.

 

C'est pourquoi j'avoue que ma deuxième question concerne le budget dans les années à venir. Nous avons reçu un tableau: j'y vois une économie de 2,87 milliards.

Est-ce correct? Pouvez-vous nous confirmer les chiffres? Dans ce cas, un problème apparaît d'évidence.

 

Nous disposons d'un système de soins de santé qui est un des meilleurs au monde.

 

Quand on regarde les chiffres – je reprends encore une étude de la KCE –, le coût par habitant des soins de santé se situe en Belgique aux alentours de 3 000 euros. Aux États-Unis, pays que certains d'entre vous trouvent extraordinaire, le coût est double. Il est de 6 à 7 000 euros par habitant. Notre système de soins de santé est l'un des meilleurs. Et nous sommes en dessous de la moyenne européenne.

 

Parallèlement, notre accessibilité aux soins de santé est extraordinaire. Nous avons 0,6, voire 0,8 % – sans doute que ce chiffre est encore trop haut – de personnes qui ne sont pas couvertes par le système de sécurité sociale en Belgique. Aux Pays-Bas et au Danemark, les chiffres sont de 1,6 %, soit le double. Si je vais aux États-Unis, ce pays tellement extraordinaire, seulement 30 % de la population sont couverts par le système.

 

Notre système est fabuleux; il fonctionne; il ne coûte pas plus cher que dans les autres pays. Dans la déclaration de politique générale, il va falloir qu'on nous explique comment on va faire demain pour continuer à garantir l'accès aux soins de santé, avec des soins de qualité, tout en conservant des salaires et de bonnes conditions de travail et, ce faisant, en économisant des milliards d'euros sur le budget. Un réel problème mathématique se pose à moi.

 

Je terminerai sans avoir parlé des hôpitaux.

 

Madame la ministre, je vous en prie, ne soyez pas le Buffalo Bill qui tue tous les bisons au risque de faire disparaître l'espèce. J'espère que vous préserverez notre sécurité sociale qui nous permet d'être en bonne santé car quand on a la santé, on peut tout espérer!

Partagez sur