Madame la présidente,
monsieur le premier ministre,
mesdames et messieurs les ministres,
chers collègues,
malgré cette heure tardive, j'aimerais m'arrêter un instant sur le sort que le gouvernement réserve au SPP Politique scientifique et, plus généralement, à toute la politique scientifique et culturelle fédérale.
Je ne vous cache pas que nous avons été surpris par la violence des mesures annoncées. En même temps, quand on observe le destin réservé au monde culturel et scientifique par le gouvernement flamand, nous aurions dû nous douter que les mêmes partis ne feraient pas preuve d'une vision plus sensée au niveau fédéral. Car il s'agit bien d'un démantèlement de tout un pan de la politique fédérale, voire d'une petite réforme de l'État qui ne dit pas son nom que nous propose votre gouvernement.
Mais doit-on s'en étonner? N'est-ce pas cohérent pour un gouvernement dont le premier parti a fondé sa politique sur la séparation des hommes, le mythe des identités figées et l'opposition entre celles-ci. Or la culture et la science sont de ces domaines qui créent du lien entre les hommes, qui ridiculisent ceux qui croient dans la force des frontières et qui évoluent par-delà les conceptions figées et rétrogrades de nos sociétés.
Ainsi compris le danger que représentent la science et la culture pour le premier parti du gouvernement Michel-De Wever, le démantèlement, le cloisonnement annoncé prend tout son sens. En réduisant le SPP Politique scientifique à une simple Direction générale, tout en coupant drastiquement dans ses moyens, le gouvernement prend une position idéologique qui va à l'encontre de toute logique de bonne gouvernance.
En effet, ce SPP est aujourd'hui une structure efficace, comptant plus de 3000 employés, qui garantit les synergies entre les politiques menées par les parties qui le composent. Faut-il rappeler qu'outre les dix établissements scientifiques fédéraux qui en relèvent et qui en assurent tous les services d'appui, le SPP Politique scientifique définit et met en œuvre des programmes de recherche dans tous les domaines de compétence fédérale, assure la coordination interfédérale et internationale de l'effort de recherche ou encore relève et analyse les indicateurs de recherche et de développement tant auprès des acteurs publics que privés de tout le pays?
Monsieur le premier ministre, avant de réduire BELSPO à peau de chagrin, sachez qu'en physique quantique, une matière trop compressée devient une matière dégénérée. Si vous ne me croyez pas, plusieurs projets interuniversitaires financés par le fédéral pourront vous le confirmer. Malheureusement, votre aveuglement idéologique ne s'arrête pas là, car au démembrement de l'État s'ajoute la volonté de diviser et de séparer les établissements scientifiques fédéraux les un des autres. Votre pseudo-automatisation et pseudo-rationalisation de chaque établissement sont une aberration à plusieurs égards. Tout d'abord, au lieu de favoriser structurellement les synergies, vous isolez les établissements. Or, comme par exemple sur le plateau d'Uccle, les collaborations entre les établissements sont indispensables à leur bon fonctionnement. Ensuite, vous leur imposez des charges qui, d'une part, les éloigneront de leur cœur de métier et qui, d'autre part, seront difficilement supportables pour les plus petites structures. Finalement, on peut légitimement craindre que cela aboutisse à une mise en concurrence des établissements qui découragera les projets communs ainsi que le partage des moyens humains et des infrastructures.
Qu'est-ce qui pousse le gouvernement Michel-De Wever à tant isoler structurellement et financièrement les établissements les uns des autres, presque comme des lots qu'on s'apprêterait à vendre, voire tout simplement à supprimer? Poser la question, c'est déjà un peu y répondre.
D'ailleurs, à propos de ce transfert de compétences qui ne dit pas son nom, l'annonce de la création d'un Office interfédéral pour l'Espace est étonnante à plus d'un titre. Premièrement parce qu'une telle offre ne répond à aucun besoin. Le service fédéral actuel est souple et à l'écoute des attentes de ses utilisateurs. Il tient d'ailleurs sa crédibilité dans la neutralité de son action. Y intégrer les Régions, au-delà du coût budgétaire supplémentaire, ne pourrait que compliquer la prise de décision. En somme, c'est une autre mesure inutile, voire contre-productive, mais pourtant indispensable aux yeux de ce gouvernement avide de mesures idéologiques, voire institutionnelles.
En effet, vous nous annoncez ni plus ni moins que la régionalisation de la politique spatiale. Permettez-moi de vous poser ces questions: comment conciliez-vous cela avec, d'une part, la loi spéciale du 8 août 1980 qui détermine que le fédéral est compétent pour la recherche spatiale dans le cadre d'institutions, d'accords, d'actes internationaux ou supranationaux et, d'autre part, avec vos déclarations de ne pas engager de réforme institutionnelle?
Monsieur le premier ministre, comptez-vous sur la nécessaire majorité du groupe linguistique francophone pour transférer la compétence spatiale aux Régions? Cette mesure ne présente simplement aucune valeur ajoutée. Ni les entreprises, ni l'emploi, ni l'efficacité de l'action de l'État n'en bénéficieront! Dois-je rappeler que le spatial est un secteur où la Belgique est pourtant en pointe au niveau mondial, créateur d'emplois à haute valeur ajoutée et où le retour sur investissement est considérable?
De tout cela, chers collègues, on ne peut conclure qu'une seule chose. Que ce soit la science, la culture ou la politique spatiale, le gouvernement Michel-De Wever a décidé d'affaiblir tout ce qui contredit l'idéologie d'un gouvernement qui divise plus qu'il ne réunit, qui se referme plus qu'il ne s'ouvre, qui fige plus qu'il n'émancipe.
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