Déclaration de politique générale - Intervention de Christiane Vienne

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et messieurs les ministres,

Chers Collègues,

 

Nous avons entendu hier un chef de gouvernement afficher, avec calme et sérénité, son ambition d'aller de l'avant ! De poursuivre sur le chemin de la solidarité et de la croissance ! De forcer le passage à des mesures de relance dans un contexte difficile d'assainissement.

 

Monsieur le Premier ministre,

 

Une fois de plus, votre gouvernement allie rigueur budgétaire et soutien à la relance. Et si vous le permettez, je voudrais insister à cette tribune pour dire combien cette alliance est singulière, combien, oserais-je dire, cette alliance n'est pas naturelle.

 

Quand le monde bancaire et financier s'est retrouvé au bord du précipice et nous a plongés dans une des plus graves crises économiques jamais connues, une lame de fond s'est dressée pour imposer un remède miracle : l'austérité. Du FMI, en passant par la Commission européenne, ou certains think tanks proches de l'école de Chicago, l'austérité devait être la réponse à la crise des déficits excessifs qui frappait l'Europe.

 

Comme chaque Etat frappé par la violence de la crise financière, nous avons dû mettre sur pied une riposte d'envergure pour tenter de parer les coups qui pouvaient mener à la récession. Nous avons dû sacrifier bien des efforts consentis pour Maastricht pour renflouer les banques. Pas les renflouer pour les renflouer, mais pour sauver l'emploi, les épargnants et l'économie dans son ensemble. Et que nous demandait-on pour rembourser cet effort ? De l'austérité. Comment et quand devions-nous combler notre déficit ? A un rythme digne du trading de haute fréquence !

 

On a non seulement tenté d'imposer l'austérité mais en plus à un rythme insoutenable pour quiconque voulait protéger le pouvoir d'achat et redonner du souffle à l'économie réelle.

 

Rappelez-vous les débats enflammés dans cette enceinte lorsque le PS avait demandé que la Belgique résiste à la Commission européenne qui nous imposait une trajectoire d'assainissement intenable à nos yeux. Rappelez-vous que si nous n'avions pas obtenu une révision de la trajectoire, jamais nous n'aurions pu dégager un euro pour la relance ! C'est là toute l'originalité de la recette belge que vous avez réussi à préparer : s'inscrire dans un assainissement sérieux et crédible - plus de 20 milliards - et dégager des marges pour soutenir des mesures de relance - plus de 1,1 milliard de mesures cumulées.

 

Oui, pour mon groupe c'est véritablement de confiance retrouvée et d'aller de l'avant qu'il s'agit ! Parce que, aux côtés de la rigueur, des exigences pour remonter la pente du déficit budgétaire, vous dégagez des moyens pour redonner du souffle à l’économie et pour soutenir le pouvoir d’achat des gens.

 

Et j'en entends déjà ironiser sur l'écart entre les 20 milliards d'économie d'un côté et, de l'autre, un gros milliard pour la relance !

 

Mais je poserai une simple question : quels sont les autres états qui ont réussi à la fois à sortir du déficit excessif et à injecter un soutien au pouvoir d'achat et à l'économie réelle ? Quels sont les autres états européens qui ont adopté des mesures de relance ? Et je sais que je vais en hérisser plus d'un, mais il faut parfois ne pas hésiter à rappeler des évidences : cette recette belge, c'est avec le maintien de l'indexation des salaires, c'est avec une augmentation des pensions et des salaires les plus bas, c'est sans supprimer de jours de congé légaux, c'est en traquant la fraude, c’est en faisant pression sur les coûts de l’énergie...

 

Et pour les socialistes, il est un des ingrédients de cette recette belge qu'on veut mettre en avant : la recherche de davantage de justice fiscale. Ce ne sont pas moins de 7 milliards - soit grosso modo 1/3 de l'effort - que ce gouvernement est allé chercher dans ce panier « justice fiscale » via la taxation sur le capital, l’impôt minimum sur les grandes entreprises ou bien encore, par exemple, la lutte contre la fraude...

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et messieurs les ministres,

Chers collègues,

 

Depuis quelques jours, on parle beaucoup de ce qui ne se trouve pas dans la déclaration. Mon groupe préfère lui insister sur les mesures qui ont déjà été adoptées pour redonner dès demain du souffle aux ménages et à l'économie; via le soutien au pouvoir d'achat, le soutien à la création d'emploi et le soutien à la compétitivité

 

Soutien au pouvoir d'achat : le pouvoir d'achat des travailleurs est préservé et même renforcé. Un exemple : On renforce le bonus à l’emploi des bas et moyens salaires ! Cela représente pour un travailleur au salaire minimum un gain supplémentaire de 10 € par mois soit 120 € par an ! Certains ont parlé de mesurettes... Je ne sais pas dans quel monde ils vivent... Allez dire à ces travailleurs que 10 euros par mois, c'est rien ! Autre exemple : le soutien au pouvoir d'achat des indépendants qui sont aussi victimes de la crise avec une diminution des contributions sociales.

 

Soutien à l'emploi : la création d'emploi est véritablement stimulée avec la réduction des cotisations patronales pour les 4e et 5e nouveaux emplois dans les PME, mais l'industrie et le non marchand ne sont pas en reste puisqu'on va soutenir ce qu'on appelle le travail continu ; c'est par exemple, le secteur chimique ou bien encore les services d'urgence d'un hôpital. Je me demande aussi si celles et ceux qui minimisent les mesures de relance iront dire aux jeunes, aux moins qualifiés surtout, que la formation en alternance ou l’élargissement des critères du plan Activa sont des mesures à la marge.

Soutien à la compétitivité enfin via une nouvelle diminution du coût du travail. Nous poursuivons donc l'effort et je vous rappelle que selon le Conseil central de l'Economie en 2012, les différentes réductions du coût du travail se chiffraient à pas moins de 11,5 milliards que ce soit par le biais des réductions de cotisations patronales, par celui des dépenses fiscales ou encore par celui des dispositifs d'activation de l'Onem.

 

Mesdames et messieurs,

 

Si je devais mettre en avant un secteur où l'austérité aurait frappé avec cruauté, c'est bien celui de la santé. Imaginez ce qu'auraient provoqué des coupes sombres dans le budget de la sécu sur la santé et sur la qualité et l'accessibilité des soins dans notre pays. C'est un de nos fleurons que l'austérité aurait attaqué ! Et là, la gestion responsable et rigoureuse a été préférée aux mesures d'austérité. Mais ne le nions pas, les efforts demandés aux différents acteurs de ce secteur sont conséquents. Néanmoins, il faut préciser et rappeler que, contrairement aux politiques menées dans bien d’autres pays, les économies structurelles poursuivies par notre Gouvernement n’affectent pas la qualité et l’accessibilité des soins de santé et permettent, cette année encore, de dégager des moyens qui sont directement réinjectés en vue de mener des politiques que beaucoup attendent.

 

Les médecins attendent, à raison d’ailleurs, la mise en œuvre de réformes dans le domaine de la garde médicale. Après avoir entendu l’ensemble des professionnels sur le terrain qui lui ont fait part de leurs difficultés quotidiennes à assumer ces rôles, Madame Onkelinx a défendu et obtenu 3 millions d’euros pour mettre en œuvre dans les prochaines semaines toute une série de mesures garantissant et la continuité des soins et la sécurité et le bien-être des prestataires qui assument ces gardes. C’est fondamental et cela doit être salué.

 

Par ailleurs, le patient le plus faible, celui qui souffre d’une maladie rare, d’une maladie qui n’intéresse pas l’industrie pharmaceutique, n’est pas oublié par notre Ministre de la santé publique. Là encore, 3 millions d’euros ont été dégagés pour soulager ces patients, tenter de répondre à leurs besoins et à celui de leur entourage.

 

Et enfin, la rémunération des aides-soignants exerçant dans les hôpitaux sera revalorisée. Si ces professionnels se sentent parfois peu considérés, le budget dégagé en la matière - 14,245 millions - doit être vu comme un signe de reconnaissance, de mise en valeur de ces personnes si dévouées à l’égard des patients. Les aides-soignantes ont effectivement un rôle essentiel dans la chaîne des soins de santé effectués à l’hôpital, ce sont des professionnels qui sont en première ligne, qui sont à l’écoute des patients. En revalorisant leur rémunération – de près de 120 euros/mois, l'Etat exprime clairement sa reconnaissance envers le travail effectué par ces professionnels.

 

Rappelons enfin le rôle fondamental joué par le gouvernement et plus particulièrement par la Ministre de la santé publique qui a su mettre d’accord l’ensemble des acteurs du secteur qui ont donc approuvé à l’unanimité, ce lundi, le budget 2014 de l’assurance maladie.

 

Mais au-delà de ces mesures budgétaires et de ce ballon d'oxygène pour soutenir le pouvoir d'achat et relancer l'économie, vous avez mis en avant Monsieur le Premier ministre de grands chantiers que le gouvernement a entrepris pour à la fois stabiliser ce pays et lui permettre de se projeter dans l'avenir. Et je me permets d'insister sur ce point qui est crucial me semble-t-il : c'est l'impossibilité de se projeter dans l'avenir qui est paralysante et déstructurante, pour les gens comme pour un pays tout en entier, et c'est en cela qu'avoir retrouvé une certaine confiance et avoir l'ambition d'aller de l'avant est essentiel ; cela nous permet d'éviter paralysie, résignation et repli sur soi.

 

Vous avez insisté sur l'achèvement de grands chantiers pour le gouvernement, sur l'importance cruciale de certains, je pense en particulier à celui du renforcement de la sécurité, que vous abordez de manière transversale - de la présence policière, aux pompiers en passant par la lutte contre la cybercriminalité. Je pense surtout, Monsieur le Premier ministre, à la lutte contre la pauvreté ; les chiffres sont glaçants lorsqu’ils pointent le nombre d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté - plus de 400.000 enfants en Belgique - et surtout lorsqu’ils révèlent combien ces enfants, si on n’aide pas leurs familles, sont presque condamnés à ne pas pouvoir se projeter dans un avenir meilleur. Il faut ne faut pas permettre la résignation, la lutte contre la pauvreté doit être une obsession de l’ensemble de votre gouvernement.

 

Nous serons à vos côtés bien évidemment pour mettre en oeuvre, pour terminer dans les mois qui viennent l’achèvement de l'accord de gouvernement. Mon groupe sera particulièrement attentif à 3 dossiers qui devraient arriver sur la table :

- la réforme du secteur bancaire d'abord,

- la bonne gouvernance dans les entreprises publiques ensuite,

- et enfin la réflexion sur la refonte de notre fiscalité

 

La réforme du secteur bancaire doit viser un double objectif : protéger l'épargne en la mettant à l'abri des vautours de la spéculation et soutenir l'économie réelle.

 

La bonne gouvernance dans les entreprises publiques ne se résume pas à ramener les rémunérations des dirigeants dans des normes décentes ; même si je tiens ici à féliciter le gouvernement et en particulier le Ministre des Entreprises publiques pour avoir osé s'attaquer à ce dossier avec succès ; mon groupe avait une série de propositions sur la table qui souhaitent en finir avec des salaires qu'aucune intelligence et aucun investissement en temps et/ou énergie ne peuvent justifier, ni dans le privé, ni dans le public d'ailleurs ! mais pour en revenir à la gouvernance dans les entreprises publiques, nous sommes demandeurs de règles qui consacrent l'éthique et qui vont au-delà de la simple légalité. Le public se doit d'être vertueux au regard de son rôle central dans la société et dans l'économie...

 

Enfin, et là c'est nous qui avons la main, mon groupe vous remercie de l'attention que vous portez à la commission fiscalité ; la mission n'est pas mince car il s'agit d'alimenter une réflexion pour faire basculer la fiscalité des revenus du travail vers d'autres formes de contribution, vers les revenus du capital par exemple. C'est un exercice auquel nous tenons beaucoup et que nous plaçons dans le contexte de la justice fiscale et du soutien à la croissance...

 

Mesdames et messieurs,

 

Pour conclure, je dirai que malgré des marges budgétaires réduites et une croissance qui, certes, est meilleure que la moyenne de la zone euro mais qui reste ténue, le gouvernement a pris ses responsabilités. Il a tenu ses engagements budgétaires tout en menant une politique garante du bien-être de l’ensemble de la population : le pouvoir d’achat a été préservé et même consolidé, la qualité des soins a été maintenue à un niveau exceptionnel et le budget 2014 s’inscrit dans une stratégie de relance qui, toutes mesures cumulées, représentent 1,1 milliard en faveur de la compétitivité, de la création d’emplois et du pouvoir d’achat.

 

A l’heure où l’on aperçoit une sortie du tunnel, il était donc particulièrement important de dégager des moyens supplémentaires pour renforcer et compléter ce qui a déjà été entrepris et, ainsi, pour accélérer la reprise économique.

 

Tout ceci dépasse le catalogue des bonnes intentions !

 

Nous nous en félicitons et c’est sans réserve que notre groupe vous accordera la confiance.