Question d'Emir Kir à Daniel Bacquelaine, ministre des Pensions, sur la pension dans la Fonction publique

Monsieur le président, chers collègues, monsieur le ministre, je vous interroge aujourd'hui sur la pension complémentaire destinée au personnel contractuel employé par les pouvoirs locaux.

 

Après avoir imposé des mesures particulièrement injustes telles que la retraite à 67 ans – qui ne figurait dans le programme d'aucun parti, en particulier dans celui du MR, il convient de le rappeler –, après avoir redoublé d'efforts en n'hésitant pas à recourir à une forme de désinformation pour dissimuler la réalité de vos actions, avec l'étape que vous venez de franchir, vous excellez décidément dans l'art de la sournoiserie. 

 

En effet, vous avez décidé de réduire drastiquement la pension des contractuels qui ont le malheur d'être nommés tardivement dans la fonction publique. Soyons clairs: cette nomination tardive ne relève pas du choix du travailleur; il n'y peut rien. Or vous avez décidé de le punir.

 

Pour occulter cette nouvelle attaque contre les pensions, vous avez trouvé un nouvel effet de communication en promettant un deuxième pilier de pension aux contractuels de la fonction publique. Derrière cette belle promesse, se cache une intention de décourager la nomination d'agents statutaires. Ce faisant, vous vous en prenez aux droits des travailleurs, puisque vous les affaiblissez. La protection qui leur est due sera ainsi diminuée, de même que leur pension, dans la mesure où ils ne pourront pas être statutarisés.  

 

Les cotisations de responsabilisation des pouvoirs locaux qui ont mis en place un second pilier seront amoindries. Très bien! Toutefois, les pouvoirs locaux qui cotisent sont ceux qui n'ont pas nommé suffisamment. Vous allez donc récompenser les mauvais élèves et décourager les nominations. C'est évidemment intolérable!

 

Pire encore, vous allez pénaliser les Régions wallonne et bruxelloise pour favoriser la Flandre. Sur les 16,3 millions d'euros que cet incitant financier représentera à l'avenir, cette dernière gagnera 13 millions, la Wallonie seulement 2,4 millions et Bruxelles un peu moins d'un million. Si nous explorons les chiffres plus avant – monsieur Bracke, vous me regardez…

Quand on regarde de plus près les 13 millions d'euros qui seront attribués à la Flandre, on constate que 6,4 millions sont destinés à Anvers.

 

C'est énorme! C'est la mesure De Wever ici!  C'est un peu gênant.

 

On voit bien que cette mesure profite davantage à la Flandre et elle essentiellement financée par la Wallonie et Bruxelles: 8,5 millions d'euros de financement pour la Wallonie et 2,7 millions d'euros pour Bruxelles sur les 16 millions d'euros.

 

Monsieur le président, j'en arrive aux questions. Monsieur le ministre, comment justifiez-vous l'octroi de cet incitant à des pouvoirs locaux qui ont déjà un deuxième pilier et, pour lequel, il constitue un effet d'aubaine et ce, au détriment des pouvoirs locaux les moins riches? Pourquoi ne pas financer vous-même un financement complémentaire du fédéral pour vos choix politiques?

Réponse de Daniel Bacquelaine

Monsieur le président, monsieur Kir, j'entends bien votre question. Je vous rappelle que cet avant-projet de loi a été approuvé en Comité A par les partenaires sociaux, en particulier par deux des trois syndicats, le troisième n'étant pas tellement syndical mais plutôt politique, comme vous le savez.

 

Cet avant-projet de loi met en œuvre la pension mixte qui est une vieille revendication des Unions des villes et communes depuis de nombreuses années. Les syndicats ont effectivement demandé d'y ajouter un volet "pension complémentaire". Je trouve cela tout à fait légitime parce qu'il est anormal que des contractuels qui sont majoritaires dans les pouvoirs locaux aujourd'hui soient finalement les seuls salariés de ce pays à ne jamais pouvoir bénéficier de pension complémentaire, alors qu'ils pratiquent le même métier que des statutaires à côté d'eux qui ont des pensions trois fois plus élevées que les leurs. Si c'est cela le sens de l'équité que vous partagez, je me permets de m'interroger.

 

On a dès lors prévu un incitant qui est de faire en sorte que les primes payées pour les pensions complémentaires puissent être en partie déductibles de la cotisation de responsabilisation. Bien sûr, il faut cet incitant pour booster le système des pensions complémentaires. Moi, je suis du côté des travailleurs, plus que du côté des institutions. Je l'avoue. Je pense que les femmes et les hommes qui travaillent dans les pouvoirs locaux ont droit à avoir des pensions correctes. Or la solution que vous proposez, c'est que ces institutions soient plutôt des machines à produire des pensionnés pauvres. Ce n'est pas ma vision des choses!

 

Les chiffres que vous avez cités sont purement virtuels, comme si aucune commune en Wallonie et à Bruxelles n'allait créer un plan de pension complémentaire pour son personnel contractuel. Il est vrai qu'aujourd'hui, elles sont en retard. Elles ont 18 mois, jusqu'au 1er janvier 2019, pour mettre en place des plans de pension complémentaire. Les chiffres que vous annoncez aujourd'hui ne correspondent à aucune réalité. Ils sont purement fantaisistes. Il me semble que l'analyse doit être un peu plus objective.

 

Monsieur Kir, notre but est que tous les salariés de notre pays, qu'ils soient engagés par des pouvoirs locaux ou par des entreprises, puissent bénéficier d'un plan de pension complémentaire. Tel est le but de la réforme. Il est important de défendre les travailleurs. D'ailleurs, les syndicats ne s'y sont pas trompés. Ils ont marqué leur accord sur cette mesure, ce qui, à l'heure actuelle, est rare en matière de concertation sociale, je le concède. Ils ont marqué leur accord sur cette mesure parce qu'ils savent que c'est une bonne mesure pour les travailleurs.

Réplique d'Emir Kir

Monsieur le ministre, vous mettez en question les chiffres. Vous dites qu'ils sont inexacts, car ils ne tiennent pas compte de la situation qui va, selon vous, évoluer dans les 18 mois à venir. Vous pensez qu'ils vont évoluer au profit des Régions wallonne et bruxelloise, mais vous refusez de nous présenter des simulations ou de donner des pistes.

 

Vous ne pouvez pas ignorer la situation compliquée des pouvoirs locaux en Wallonie – vous le savez quand même un peu – et à Bruxelles. À Bruxelles, par exemple, la plupart des communes sont sous plan de gestion. Elles seront dans l'impossibilité d'accorder une pension complémentaire à leurs contractuels. En Wallonie, la plupart des grandes villes (Liège, Namur ou Mons) sont dans la même situation. Il y aura donc certainement un transfert de la Wallonie et de Bruxelles vers la Flandre, qui n'a pas eu besoin de cet incitant pour mettre en place ce second pilier.

 

D'après les chiffres que j'ai en ma possession, 73 % des pouvoirs locaux en Flandre accordent déjà ce deuxième pilier. Vous créez là un effet d'aubaine pour les communes flamandes au détriment de la Wallonie et de Bruxelles. Prétendre le contraire, monsieur le ministre, est un mensonge! En réalité, vous, ministre MR, ne défendez pas les intérêts des francophones de Wallonie et de Bruxelles. Vous avez à nouveau cédé face aux exigences de la N-VA et de M. De Wever!