Question d'Eric Massin à Koen Geens, ministre de la Justice sur la nouvelle loi "Transaction pénale"

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous vivons dans un contexte relativement particulier - on le sait bien -, plus particulièrement concernant le dossier Kazakhgate et tout ce qui va autour, à savoir ce qu'on appelle la transaction pénale.

 

Le 2 juin 2016, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt, alors qu'en 2011, avait été votée cette transaction pénale qui est - il suffit de suivre un peu les travaux de la commission d'enquête pour s'en rendre compte - un véritable traumatisme pour notre démocratie. La Cour constitutionnelle a décidé que le mécanisme de la transaction pénale, tel qu'il avait été organisé et mis en place, violait la Constitution. Il y avait de légitimes questions. Y avait-il eu une ingérence d'un État étranger dans le mode de fonctionnement de notre pays? La justice a-t-elle failli dans le cadre de sa mission? Des partis politiques, le MR, le CD&V, comme on l'entend dire, sont-ils impliqués dans le cadre de cette problématique? Ces éléments-là doivent-ils être mis en avant, ressortir? Doit-on en arriver à revoir le système dans lequel nous nous étions mis, compte tenu que la Cour constitutionnelle avait considéré qu'il y avait là une violation de la Constitution.

 

Dans le cadre de ces discussions, d'autres commissions s'y sont penchées, comme la commission Panama Papers, présidée par M. Laaouej. Cette commission a estimé que du travail devrait être fait et que des recommandations devraient être émises. Vous-même, interpellé par des parlementaires, avez considéré que, dans le cadre de la transaction pénale, oui, il y avait des initiatives à prendre mais il fallait sans doute attendre les différents travaux menés par les commissions. Vous l'avez d'ailleurs confirmé dans un courrier du 9 février adressé au président de la commission Kazakhgate.

 

Quelle n'est pas la surprise - alors qu'aujourd'hui nous savons que c'est un élément fondamental pour notre démocratie, de justice pénale, afin que cette justice soit égale pour tous - d'apprendre que le gouvernement a bouclé une réforme sur la transaction pénale sans attendre les travaux parlementaires, que ce soit Panama Papers ou Kazahgate. Monsieur le ministre, est-ce là votre manière de respecter votre engagement d'attendre les travaux du parlement? Pourquoi ce mépris pour le parlement?

Réponse de Koen Geens

Le 20 juillet 2016, j'ai soumis au cabinet restreint et au Conseil des ministres une proposition de réparation de la loi sur la transaction pénale à la suite de l'arrêt de la Cour constitutionnelle. Après le lancement de la commission Kazakhgate, il m'a en effet paru indiqué de temporiser quelque peu. Toutefois, le 3 février 2017, le président de la Chambre, M. Bracke, m'a fait savoir que le président de la commission, M. Van der Maelen, avait lui-même indiqué que la commission ne procéderait pas à une évaluation générale de cette loi. Personnellement, j'espérais assister à l' avènement d'une solution portée par l'ensemble des députés.

 

Pourquoi le fait-il? Si on continue dans cette atmosphère, et si on ne sait pas modifier cette loi dans une bonne atmosphère portée par toute la Chambre, il est très délicat pour n'importe quel ministre, qu'il soit en charge de la Justice ou des Finances, de proposer quoi que ce soit à ce sujet. Pourquoi l'ai-je fait quand même? Je vous ai répondu. Vous l'avez dit à juste titre, monsieur Massin. Et ce n'est pas par mépris du Parlement. Si j'avais du mépris pour le Parlement, je n'expliquerais pas tout ceci en toute transparence. Pourquoi ai-je fait ce que j'ai fait?

 

Pour éviter que les parquets appliquent une politique des deux poids deux mesures, je vais reprendre cette loi dans le grand projet de loi avec toutes les adaptations apportées à la suite des décisions de la Cour constitutionnelle, qui sera soumis au Conseil des ministres dans les prochaines semaines.

 

Sans aucun apport de ma part, le parquet a décidé de procéder au retrait de cette circulaire qui empêche désormais les transactions. Les procureurs-généraux pourront autoriser les transactions, mais les dossiers politiques sensibles ne seront pas traités. Telle est la situation actuelle, je ne l’ai ni approuvée, ni promue.

 

Le projet doit encore être adressé au Conseil d’État, donc je ne m’attends pas à ce qu’il me revienne avant l’été.

 

J'espère que des auditions auront lieu lors du dépôt de ce projet en commission de la Justice de sorte qu’avec la plus grande unanimité possible, on puisse porter un tel projet parce que pour un pays, après un certain temps, cela devient indigne de se disputer sur de telles choses. Tout le monde sent que ce besoin existe, qu’il ne faut pas trop l’utiliser mais que, dans certains cas, cela est inévitable et que, donc, le législateur a le devoir de faire en sorte que le juge puisse décider d’une telle transaction pénale

Réplique d'Eric Massin

Monsieur le ministre, le terrain est impatient. Ne vous inquiétez pas, c’est le genre de chose qui peut faire qu’au niveau du parlement, cela suscite des inquiétudes. Cela suscite des inquiétudes parce que justement la commission Kazakhgate montre bien que lorsqu’il y a une impatience sur le terrain et qu’on n’a pas le temps de bien faire son travail au niveau du parlement, de bien peser le pour et le contre, d’éventuellement entendre toutes les parties, de demander l’avis de l’ensemble des partenaires intéressés et de savoir éventuellement quels sont les dangers qui peuvent être là-derrière, cela crée des problèmes, cela crée des suspicions. L’intégralité du parlement souhaite qu’une réponse soit apportée.

 

Je tiens à vous signaler – et vous n’en êtes pas responsable – que mercredi, hier, la majorité n’a pas montré le bon signe en la matière. S’il vous plaît, ne suivez pas cette ligne, monsieur le ministre de la Justice! Allez dans un autre sens! Collaborez avec le parlement! N’allez pas vers une simple majorité contre opposition en la matière! Je tiens à cet égard à vous rappeler quand même une petite chose, c’est que la commission Panama Papers a dit qu’elle allait s’occuper du problème de la transaction et ce, à la demande du groupe CD&V. Respectez au moins votre groupe!