Question d'Ahmed Laaouej à Johan Van Overtveldt, ministre des Finances, sur la vente, par la Belgique, d'un quart de ses parts dans BNP Paribas

Monsieur le président, monsieur le ministre, après Belfius, nous apprenons, aujourd'hui, que le gouvernement s'apprête à revendre 25 % de sa participation dans BNP Paribas.

 

Ne tournons pas autour du pot: vous êtes aux abois sur le plan budgétaire et vous ne parvenez pas à désendetter de manière significative l'État belge! Ce faisant, vous décidez de liquider nos avoirs publics. C'est la grande liquidation! Et personne ne sait où cela va s'arrêter!

 

La vraie et seule motivation de vos décisions est budgétaire sur fond d'idéologie. Personne n'est dupe, monsieur le ministre!

 

À aucun moment, depuis le début de nos échanges sur les dossiers de privatisation, nous n'avons perçu, de manière convaincante, des motifs économiques déterminants. Belfius fonctionne bien. Elle garantit à l'État un dividende de plus de 200 millions d'euros; Belfius, aujourd'hui banque publique, dont le potentiel de soutien aux épargnants, aux ménages aux entreprises et aux pouvoirs locaux est réel et n'est contesté par personne.

 

Notre participation dans BNP Paribas nous permet non seulement d'être le premier actionnaire, mais aussi et surtout d'être un actionnaire déterminant. Voulons-nous demain, monsieur le ministre, être à la merci d'une décision prise à Paris qui dépouillerait notre pays de ses emplois et de nombreuses implantations économiques?

Dois-je vous rappeler ce qu'à fait ING, il n'y a pas si longtemps avec une brutalité inouïe, vous rendant totalement impuissant?

 

Et qu'on ne dise pas que l'État belge, même en revendant 25 % de ses parts, resterait le premier actionnaire. Personne n'est dupe! Vous ouvrez là une porte et vous ne la refermerez pas. Nous le savons et vous le savez.

 

Monsieur le ministre, avez-vous un deal avec la Commission européenne: tolérance sur la trajectoire budgétaire contre réduction de la dette et vente des avoirs de l'État? Allez-vous sacrifier nos actifs dans Belfius et dans BNP Paribas sur l'autel de vos erreurs budgétaires? Comment allez-vous garantir, à l'avenir, nos intérêts stratégiques qu'il s'agisse de l'emploi ou du soutien à l'économie? Je sais que cela vous gêne, mais vous ne m'empêcherez de vous le dire.

Réponse de Johan Van Overtveldt

Hier, le gouvernement a en effet décidé de vendre 25% de ses actions BNP Paribas, ce qui ramène notre niveau de participation de 10,3 à 7,8%. L’opération s’est particulièrement bien déroulée, et j’en félicite toute l’équipe concernée ainsi que le cabinet du premier ministre.

 

Notre participation dans BNP Paribas était directement liée à la crise financière sans précédent

survenue en 2008. En effet, sans l’intervention du gouvernement, Fortis courait à sa perte. À l’époque, 9,4 milliards d’euros ont été déboursés pour les actions Fortis, échangées peu de temps après contre 121 millions d’actions BNP Paribas au prix de 58 euros par action. Hier, 31,2 millions d’actions ont été vendues au prix net de 62,40 euros, soit 66,15 euros brut.

 

La différence entre brut et net s'explique par la commission versée aux banques d'investissement et par le dividende de cette année, à savoir 2,7 euros par action

 

Nous avons opté pour une transaction de type vente à terme, de sorte à pouvoir percevoir le dividende qui sera émis le 13 juin 2017 et qui a été inscrit au budget. Cela ne change donc rien sur le plan budgétaire. Par rapport au prix d'achat de 2008, nous pouvons espérer aujourd'hui une plus-value de 137 millions d'euros et une recette brute de 2 milliards d'euros.

 

L'accord gouvernemental prévoit ces transactions pour valoriser au mieux les participations dans BNP Paribas, Belfius et autres, sans perdre de vue le contexte financier, économique et sociétal.

 

Cette vente aura trois effets positifs: nous poursuivrons le démantèlement de la dette en réduisant le déficit structurel, nous réduirons considérablement notre risque dans le secteur

financier et le dividende restera intégralement inscrit dans le budget. Au cours des années à venir, le dividende sera moins important mais les charges d'intérêt baisseront aussi grâce à la poursuite du désendettement.

 

Les règles européennes font que le bénéfice sera affecté en premier lieu à la réduction de la dette mais je suis convaincu que cette opération pourra nous aider dans nos pourparlers avec la Commission européenne sur de grands investissements en vue de travaux d'infrastructures.

 

Nous réduisons notre participation dans BNP Paribas conformément à l'accord gouvernemental, mais restons le plus grand actionnaire individuel, et conserverons sans doute

deux administrateurs indépendants.

 

Si nous avions vendu plus d'actions, nous n'en aurions pas obtenu le prix actuel.

 

Hier, après la décision prise par le Conseil des ministres restreint, l'information a fuité

sur Bloomberg. J'ignore qui est à l'origine de cette fuite. Le gouvernement a donc décidé de

communiquer cette décision. Grâce au mécanisme de backstop que nous avions mis en place, les conditions étaient toutefois déjà solidement fixées, tant en ce qui concerne les volumes que le cours. La fuite n'y a rien changé.

Réplique d'Ahmed Laaouej

Monsieur le ministre, vos réponses nous confortent dans l'idée que vous avez ouvert la saison des grandes liquidations. Tout est à vendre, avis aux amateurs! Monsieur le ministre, la peur budgétaire est très mauvaise conseillère! Dois-je vous le rappeler? Visiblement oui!

 

Si vous en êtes là, c'est d'abord en raison de vos mauvais choix politiques. Je vous le dis à vous mais aussi au MR, qui est co-responsable de cette Bérézina! Vous avez creusé les trous et il vous faut aujourd'hui les combler, c'est aussi simple que cela! Avec vos décisions, vous allez pourtant continuer à creuser ces trous! Ce que vous perdrez en recettes de dividendes ne compensera pas ce que vous gagnerez de façon marginale en baisse de charge d'intérêts.

 

Dans le contexte actuel, rien que pour BNP Paribas, le budget fédéral pourrait perdre de l'ordre de 70 millions par an, auxquels s'ajouteront les 60 millions que nous perdrons en raison de la vente pour moitié de Belfius. C'est la réalité des chiffres, monsieur le ministre! Au total, il y aura une perte annuelle de 130 millions d'euros qui pourrait affecter plus encore le déficit structurel de l'État belge.

 

Le plus grave, c'est que, progressivement, avec vos décisions, nous serons plus encore à la merci des diktats des marchés financiers et des états-majors étrangers, qui n'auront aucun scrupule, comme l'a fait ING, à sabrer dans l'emploi et dans les agences.

 

Monsieur le ministre, la facture de votre mauvaise gestion s'alourdit de jour en jour et c'est toujours la population qui trinque!