Question d'Ahmed Laaouej à Charles Michel, Premier ministre, sur la cohésion du Gouvernement et le report de l'équilibre budgétaire

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, vous voilà intronisé recadreur professionnel d'un gouvernement de plus en plus désarticulé.

 

Le pays est aujourd'hui, hélas, tributaire, bien malgré lui, des querelles incessantes qui opposent vos partenaires politiques, les uns réagissant aux provocations des autres. À ces bisbrouilles qui donnent de votre gouvernement une piètre image, s'ajoutent des oppositions et des désaccords de fond qui s'étalent sur la place publique.

 

Encore aujourd'hui, alors même que la N-VA se dit ouverte à une fiscalité plus juste – comprenez peut-être sur les plus-values, sans doute le prix à payer pour racheter l'honneur perdu du CD&V –, on découvre, dans la presse que M. Van Biesen déclare que l'Open Vld s'y oppose, considérant qu'une fiscalité sur les plus-values est un tabou quasiment absolu.

 

Quelle cacophonie et quel désordre, monsieur le premier ministre! Car il s'agit bien d'un désordre, désordre gouvernemental auquel s'ajoute un désordre budgétaire; on le sait aussi depuis hier. En effet, vous faisiez du retour à l'équilibre en 2018 une priorité politique mainte fois répétée. Le constat est pourtant très clair: malgré tous les sacrifices imposés à la population, malgré tous les prétendus effets retour de votre prétendu tax shift, malgré tout cela, vous êtes dans l'impasse budgétaire la plus totale.

 

Nous n'avons pas, nous, le fétichisme d'une trajectoire budgétaire trop raide. Ce que nous dénonçons depuis trois ans, c'est votre politique économique et sociale qui ne produit pas les effets retour farfelus sur lesquels vous avez pourtant misé la quasi-totalité de votre politique budgétaire.

 

La bouée à laquelle vous allez vous raccrocher, comme d'habitude – la seule, d'ailleurs – c'est la création d'emplois  nets. Je dis bien "nets". Cette création d'emplois nets – vous le savez, monsieur le premier ministre – ne convainc personne, tant vos chiffres sont contestables tant sur le nombre que sur la qualité.

 

Vous invoquerez  le Conseil supérieur des Finances, les déclarations de Mme Thyssen pour la Commission. Personne n'est dupe! Que ce soit en 2018 ou en 2019, vous ferez payer, une nouvelle fois, nos concitoyens. Vous leur ferez payer les erreurs budgétaires de votre gouvernement, comme vous le faites depuis le début de la législature.

 

Pour ce qui concerne la dette, ne perdons pas de vue que vous avez alourdi cette dernière avec vos erreurs de gestion. D'ailleurs, la Commission européenne vous le rappelle. C'est aussi la raison pour laquelle vous allez vous précipiter pour vendre Belfius, parce que là aussi personne n'est dupe.

 

Ma question est très simple, monsieur le premier ministre. Allez-vous, enfin, répondre aux attentes concrètes de nos concitoyens qui n'en peuvent plus ni de vos disputes, ni de votre politique antisociale?

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, chers collègues, nous sommes pratiquement à la moitié de cette législature. Il y a deux ans et six mois, sur la base d'un programme de gouvernement, nous avons démarré un processus de réformes. Nous avions, c'est vrai, l'ambition de soutenir la création d'emplois en mettant celle-ci au cœur de notre projet économique et politique, et au service du financement des protections sociales.

 

Nous avions aussi l'ambition, en parallèle, de progresser pour que l'assainissement de la situation budgétaire soit au service de l'ensemble de nos concitoyens. Je voudrais donc partager avec vous certaines réflexions.

 

Premièrement, il était nécessaire de mettre les points sur les i, comme nous l'avons fait, au sujet de la cohésion et de la confiance entre nous. C'est en ce sens qu'après les propos exprimés par une secrétaire d'État, j'ai eu les entretiens nécessaires et j'ai communiqué les messages utiles. Je ne tolère pas la déloyauté au sein de la majorité. 

 

Dans cet esprit, j'ai aussi considéré qu'il était nécessaire, aussi bien au sein du kern avec les vice-premiers ministres qu'avec les présidents de partis, de constater une volonté, une ambition d'agir pour poursuivre des réformes.

Au cours des deux dernières années, nous avons pris des décisions structurelles et nous poursuivrons nos efforts.

Nous comptons cent cinq mille emplois supplémentaires. Le pouvoir d'achat s'élève pour les bas et moyens salaires. Ce sont autant de conséquences de nos décisions. Sur le plan des finances, la Banque nationale, le Bureau du Plan et l'OCDE constatent les résultats qui sont enregistrés. Nous allons poursuivre sur cette voie!

Dans les prochains mois et jusqu'à l'été, je convoquerai encore trois Conseils des ministres exceptionnels pour prendre des décisions structurelles supplémentaires. La première priorité

est la sécurité, la Justice et la Défense. Il y aura ensuite le développement économique et la création d'emplois. La troisième priorité concerne l'approche sociale, notamment la lutte contre la pauvreté. L'été sera un temps fort, avec la préparation du budget de 2018 et peut-être de 2019.

 

Ce sont donc trois Conseils des ministres thématiques, à côté du Conseil des ministres ordinaire que nous continuerons à tenir.

 

Enfin, vers l'été, à partir des chiffres dont nous disposerons, nous trancherons des questions complémentaires pour soutenir le développement économique et la capacité de créer des emplois supplémentaires. Je me sens bien. Je ne rougis pas des résultats enregistrés à ce stade. Par exemple, je constate que, chaque mois, deux fois plus de personnes par rapport à la législature précédente choisissent la carrière d'indépendant. J'observe aussi qu'il n'y a jamais eu aussi peu de faillites depuis les dernières années. Je constate que la confiance des consommateurs est en hausse. Selon le dernier rapport du World Economic Forum, nous avons grimpé dans le classement en termes de compétitivité. Certes, il reste du pain sur la planche. Mais, les yeux dans les yeux, je vous le dis, monsieur Maingain: nos choix économiques sont les bons, parce que nous créons des emplois. De cette manière, nous réduisons durablement nos déficits et nous faisons en sorte de transmettre aux générations qui nous suivront un pays dont le développement économique servira à financer des protections sociales. Nous prenons courageusement nos responsabilités pour réformer les pensions et pour garantir les soins de santé aujourd'hui et demain. C'est le cap que nous allons tenir.

 

L'accord de volonté entre les quatre partis est solide. Il a été réaffirmé sans ambiguïté au cours des dernières heures. Nous allons regarder l'avenir avec confiance et en conservant la conviction que le chemin qui est suivi est le seul qui soit susceptible d'offrir des perspectives utiles sur le plan économique et donc sur le plan social.

Réplique d'Ahmed Laaouej

Monsieur le premier ministre, le pays n'a pas besoin d'un "recadreur", il a besoin d'un premier ministre qui décide, qui prend ses responsabilités, et qui œuvre à l'unité du pays. Puisque vous avez mentionné Mme Demir, parlons-en. Quand Mme Demir, prétendument en charge de l'égalité des chances, compare nos concitoyens de confession musulmane à du "bétail électoral" - je dis bien du bétail -, elle tient des propos dégradants aussi ignobles qu'inadmissibles! Propos pour lesquels elle ne s'est pas excusée, ce qui est aussi inacceptable. Vous deviez exiger sa démission, vous ne l'avez pas fait. Ce faisant, vous avez déshonoré l'ensemble du gouvernement.

 

En ce qui concerne les indépendants, vous avez critiqué le précédent gouvernement. Je transmettrai vos amitiés à Mme Laruelle qui était en charge de cette matière sous le précédent gouvernement. Merci pour elle, monsieur le premier ministre!

 

Sur le terrain budgétaire, beaucoup de choses ont été dites. En résumé, votre politique d'austérité, en plus de provoquer une dégradation sociale généralisée, conduit à un échec cuisant. Voilà la réalité, monsieur le premier ministre. Vous vous raccrochez aux déclarations de la Commission, qui vous conseille de poursuivre la politique d'austérité. Dites-vous bien, une bonne fois pour toutes, que les conseilleurs ne sont pas les payeurs, surtout lorsque les payeurs sont les travailleurs et les ménages, monsieur le premier ministre. Changez de politique, prenez des mesures de justice sociale et de justice fiscale, au lieu de vous entêter à envoyer la facture à la population! Exigez aussi de vos ministres qu'ils travaillent dans le souci de l'intérêt commun, au lieu de passer leur temps à s'insulter ou, pire, à insulter la population!