Monsieur le président, monsieur le ministre, comme vous le savez, nous allons bientôt fêter les 60 ans du Traité de Rome, les 60 ans de cette belle aventure marquée par la réconciliation, le rapprochement des peuples. Malheureusement, aujourd'hui, nous en sommes loin. Il y a maintenant en Europe des chasseurs de frontières, des bâtisseurs de murs.
Le PS n'acceptera aucune mollesse lorsqu'il s'agira des valeurs européennes. La souveraineté des États s'arrête là où commencent les traités que ces mêmes États ont ratifiés de leur plein gré.
Une fois encore, la Hongrie fait parler d'elle en décidant de mettre systématiquement en détention tous les migrants entrant dans ce pays. Cette décision viole clairement le droit européen et le droit international.
Monsieur le ministre, notre pays se doit d'agender ce point au Conseil, mais également sur le plan bilatéral. En effet, cela fait des mois que vous plaidez pour un mécanisme de contrôle effectif du respect des valeurs européennes par tous les États membres.
Nous vous soutenons – vous le savez – dans cette démarche. Mais force est de constater que nous ne voyons pas grand-chose venir. Il est vrai que vos ailes doivent être coupées quand M. Francken trouve hypocrite de condamner la Hongrie, de créer des routes légales et qu'il interdit, par exemple, aux médecins de l'Office des Étrangers de prendre contact avec les spécialistes qui suivent les demandeurs d'asile, ou encore quand votre partenaire de la N-VA veut créer une nationalité belge en conditionnel.
Monsieur le ministre, comment comprendre que la Hongrie semble pouvoir faire ce que bon lui semble avec les traités tant en matière de migration qu'en matière des droits de l'homme? Quelles sont les initiatives bi- et multilatérales que vous avez prises ou que vous comptez prendre pour condamner cette décision hongroise qui viole les valeurs fondamentales européennes et le droit international?
Réponse de Didier Reynders
Monsieur le président, monsieur Crusnière, je ne vais pas rappeler le contenu de la décision qui a été adoptée le 7 mars 2017 par le Parlement hongrois, malheureusement à une écrasante majorité: 138 voix pour, à peine quelques voix contre et quelques abstentions. C'est effectivement une décision qui consiste à instituer des centres à la frontière serbe et à la frontière croate, d'imposer le maintien des personnes dans ces centres, excepté les mineurs non accompagnés – il y a une exception – et avec d'ailleurs un retour à la frontière des personnes qu'on aurait l'occasion de retrouver en situation illégale dans le pays.
Première chose. Ce texte n'est pas en vigueur. Il le sera fort probablement au plus tôt à la fin avril. Deuxième chose. Le commissaire Avramopoulos va se rendre à Budapest. La réaction que nous devons demander, c'est que la Commission européenne entame une discussion avec les autorités hongroises sur le sujet. Ce n'est malheureusement pas la première fois que l'on doit entamer cette discussion. Comme je l'ai fait sur d'autres thèmes à propos d'autres pays, nous souhaitons que le débat vienne à un moment donné sur la table du Conseil. J'étais avant hier en Pologne, hier en Biélorussie. Les débats ne manquent pas dans ces deux pays sur l'État de droit et le respect des droits individuels. Ce que nous pouvons faire et nous le ferons, c'est demander à la Commission d'exposer sa position devant le Conseil.
Je le répète et je vous remercie de votre soutien; au-delà de cela, je reste convaincu que, tant qu'on se contentera d'attendre de devoir débattre d'un problème spécifique dans un pays avant de parler de l'État de droit et des droits individuels, nous ne progresserons pas. Il n'y a pas de raison qu'on ait un débat aussi pointu sur la situation économique et budgétaire des États membres et qu'on n'ait pas, au même moment, une revue périodique de l'État de droit dans chacun des pays européens. Je le demande depuis février de l'année dernière. Nous avons maintenant plus de la moitié des États membres qui nous rejoint. Je suis très heureux de voir que le Parlement européen nous rejoint aussi. Je pense que nous devrions maintenant travailler dans la même direction avec les parlements nationaux.
Seule une vraie revue périodique de l'État de droit, des droits individuels et des systèmes démocratiques dans les États européens, chaque année, permettra réellement d'avancer, sinon nous aurons des débats superficiels sur la situation d'un État puis d'un autre.
Réplique de Stéphane Crusnière
Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses. Je partage la plupart des choses que vous avez dites mais je pense, malheureusement, qu'au sein de votre gouvernement, tout le monde n'a pas la même vision.
Je rappelle que le fait d'être membre de l'Union européenne implique de respecter des valeurs. On ne fait pas ce que l'on veut avec les chartes et les traités européens, n'en déplaise à M. Orban et à ses amis conservateurs. L'Europe n'est pas un Bancontact, un distributeur de fonds, c'est avant tout un projet de paix et de solidarité. Il faut donc que des mesures et des sanctions soient prises rapidement face à ce genre de régime liberticide. Je regrette d'ailleurs que le parlement ait rejeté une initiative quand il s'agissait de condamner les atteintes à l'État de droit en Pologne.
Il est vrai que pour pouvoir être légitime dans ce combat pour les valeurs européennes, cela implique pour ce gouvernement une politique irréprochable en la matière. Mais j'ai de très sérieux doutes quand on voit la politique menée par certains membres de ce gouvernement.