Question de Jean-Marc Delizée à Elke Sleurs, secrétaire d'Etat à l'intégration sociale, sur l'augmentation de la pauvreté

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, je regrette à nouveau que le premier ministre n'ait pas pris la responsabilité qui est la sienne sur cette question.

 

Cela dit, le Bureau du Plan a rappelé, voici quelques jours, que la situation des personnes les plus défavorisées de notre société et de notre pays était "préoccupante". Il vise les familles monoparentales, les chômeurs, les pensionnés et aussi un certain  nombre de travailleurs qui, aujourd'hui, malgré le fait qu'ils ont un emploi, précaire ou à temps partiel, ne peuvent vivre dignement.

 

On constate aujourd'hui, au travers des indicateurs du rapport du Bureau du Plan, mais aussi par de nombreux autres indicateurs, que le nombre de personnes et de familles surendettées augmente. Le nombre de revenus d'intégration sociale augmente. Le nombre de ménages à faible intensité de travail et de temps partiels augmente. De plus en plus de personnes reportent des soins de santé. C'est le résultat de la politique de ce gouvernement, qui n'améliore pas les choses.

 

Bien sûr, un plan de lutte contre la pauvreté existe, mais nous pensons qu'il s'agit d'un catalogue de bonnes intentions en lesquelles personne ne croit. Tout cela est insuffisant!

 

Faut-il rappeler les mesures négatives sur le pouvoir d'achat, le saut d'index, la TVA sur l'électricité, les accises sur le diesel, la réduction de l'allocation de garantie de revenu pour les travailleuses à temps partiel, en particulier pour les familles monoparentales? Cela ne va évidemment pas aider ces dernières! Sans parler du coût des spécialistes et des médicaments!

 

C'est vrai, dans sa déclaration, le premier ministre a dit qu'il était inacceptable que 15 % de la population de ce pays soit en situation de pauvreté. C'est bien d'en faire le constat mais, aujourd'hui, on doit se demander ce que fait la Belgique. Comment va-t-elle atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés et respecter les engagements qu'elle a pris à l'égard de l'Union européenne, à savoir de réduire de 20 % la pauvreté dans notre pays? On ne sent aucune mesure forte.

 

Madame la secrétaire d'État, quelles mesures comptez-vous prendre pour atteindre les objectifs européens de la Belgique en matière de réduction de la pauvreté? Quelles mesures comptez-vous prendre pour réduire les inégalités et venir en aide à nos concitoyens en situation de précarité et d'exclusion sociale?

Réponse d'Elke Sleurs

Chers collègues, c'est avec intérêt que j'ai pris acte de l'examen des 67 indicateurs qui viennent compléter le PIB en mesurant l'évolution de la Belgique dans les domaines social, environnemental et économique. Cette analyse, effectuée par le Bureau fédéral du Plan, fait l'état des lieux de la situation entre 2008 et 2015. Bien sûr, l'analyse ne s'est pas limitée à l'indicateur de pauvreté. Elle a, par exemple,  également repris des indicateurs comme la santé, la formation, l'environnement, la mobilité, etc.

 

Commençons par une note positive! Les analyses démontrent que la qualité de vie moyenne en Belgique est bonne, que l'espérance de vie augmente, que le fossé entre les hommes et les femmes diminue, que de moins en moins de jeunes quittent l'école de manière prématurée et que les communes produisent moins de déchets. Toutefois le rapport, qui se veut nuancé, dresse un portrait moins rose quand il s'agit d'analyser la pauvreté.

 

Chers collègues, quel que soit le nombre de personnes touchées par la pauvreté, ce sera toujours un nombre trop élevé. Ma politique est très claire en ce sens: en matière de lutte contre la pauvreté, les résultats ne sont jamais suffisamment bons. Toute mesure prise par un ministre de ce gouvernement doit être analysée en profondeur. Dans ce débat, il n'y a pas de solution unique. Ce qui est certain, c'est que nous nous concentrons sur la mise à l'emploi et la création de travail parce que nous sommes convaincus que c'est la pierre angulaire de la réponse que nous devons apporter à cette problématique de la pauvreté.

 

Nous constatons, ces dernières années, que des dizaines de milliers d'emplois ont été créés, apportant ainsi un revenu principal ou complémentaire issu du travail à des dizaines de milliers de familles. Le taux de chômage est particulièrement bas. En outre, nous observons une augmentation du revenu net et du pouvoir d'achat dans le groupe aux revenus les plus bas. Ainsi, nous faisons un grand pas en avant et nous aidons considérablement des familles qui vivaient jusqu'à présent une existence incertaine.

 

Ce gouvernement ne tournera pas le dos à ceux qui sont fragiles et qui ne parviennent pas à trouver leur place dans le circuit standard du travail. Nous ne laisserons pas à leur sort ceux qui, frappés par la mauvaise fortune, doivent rester provisoirement ou définitivement sur le banc de touche. Ce gouvernement prend des mesures complémentaires pour renforcer considérablement la position des familles les plus fragiles en termes de revenus. Cela se fait en concertation avec tous les ministres compétents mais aussi avec les partenaires sociaux, comme il se doit.

 

Chers collègues, comprenez la perplexité que m'inspirent certaines de vos analyses. J'ai lu, ces derniers jours, des commentaires qui laissent entendre un refus catégorique d'admettre la cohérence et l'interaction des mesures qui viendront renforcer la lutte contre la pauvreté. S'il y a un domaine dans lequel on ne peut jamais se contenter de résultats suffisants, c'est bien celui-là! S'il y a un domaine dans lequel une ambition solide doit aller de paire avec une approche structurelle, c'est bien celui-là!

 

Ni le gouvernement, ni moi-même n'avons cherché à éviter le débat sur ce sujet. Et nous avons eu raison! Faut-il en conclure que le match est fini? Absolument pas! Personne ne le dit et sûrement pas le gouvernement ou moi-même. Je suis convaincue que la politique de ce gouvernement aura un impact positif sur le niveau actuel du risque de pauvreté dans ce pays. Mais c'est probablement au prochain secrétaire d'État qu'il incombera de rapporter ces résultats.

Réplique de Jean-Marc Delizée

Monsieur le président, il y a quand même eu quelques applaudissements, faibles. La réponse ne me surprend pas. C'est une réponse généralement quelconque dans laquelle on ne sent ni vision, ni volonté, ni empathie, ni dynamique.

 

Le discours "Jobs, jobs, jobs" ne va jamais réduire et encore moins éradiquer la pauvreté. Bien sûr, il faut de l'emploi. Nous sommes tous mobilisés par le fait que l'emploi crée de la valeur ajoutée et peut permettre de sortir de la pauvreté. Mais s'il n'y a rien d'autre que ce discours, dans deux ans ou en 2020, quand on fera le bilan, voire plus tard encore, on aura toujours les mêmes inégalités et une pauvreté sans doute plus importante.

 

Vous l'avez dit, les revenus augmentent. Mais la pauvreté augmente aussi! C'est bien là le problème! Il faut donc des mesures structurelles, une fiscalité plus juste qui fait contribuer ceux qui ont les épaules les plus larges et qui ont le plus de moyen. Il faudrait aussi une politique cohérente et volontariste pour combattre la pauvreté.

 

Malheureusement, force est de constater que ce n'est pas le cas de ce gouvernement. Je le déplore.