Question de Daniel Senesael à Maggie De Block, ministre de la Santé, sur la colère des cardiologues

Madame la ministre, veut-on continuer à avoir une médecine accessible à tous pour le plus grand nombre, avec des soins de qualité, ou pas? C'est la question que posait aujourd'hui dans la presse la présidente de la Société belge de cardiologie, alors qu'un congrès de plus de 900 cardiologues se réunit actuellement à Bruxelles. C'est une question essentielle pour l'avenir, madame la ministre, dont la réponse peut faire peur au vu des économies substantielles que vous avez décidé de réaliser dans nos soins de santé.

 

 

Vous le savez, un vent de révolte gronde. Avant-hier, les médecins et les pharmaciens, hier, les kinésithérapeutes et les dentistes et, aujourd'hui, ce sont les cardiologues qui montent au créneau pour dénoncer un manque d'investissements dans le domaine.

 

 

 

Et pourtant, madame la ministre, vous le savez mieux que quiconque, les progrès thérapeutiques en cardiologie ont été impressionnants ces dernières années. Ils ont permis de sauver davantage de patients, mais aussi de réduire leur séjour à l'hôpital et donc de diminuer de manière significative les coûts indirects pour l'assurance soins de santé. Je ne prendrai qu'un exemple, édifiant, madame la ministre: le transcatheter aortic valve implantation (TAVI), pour lequel la valve est remboursée mais pas l'acte pour la mettre en place. Ce sont donc aux hôpitaux de s'occuper des ressources pour payer l'anesthésiste, l'infirmière spécialisée, la salle d'opération et le reste. Au vu des coupes sombres budgétaires, qui sont impressionnantes, nous nous retrouvons devant un choix de société interpellant et peut-être stigmatisant.

 

 

 

Madame la ministre, la colère est partout, les craintes fusent de toutes parts. Que répondez-vous à ces cardiologues? Une accessibilité des soins de cardiologie sera-t-elle encore possible pour tous les patients à l'avenir? Voulez-vous vraiment que nous nous retrouvions comme en Angleterre, où le système de soins de santé dérape par manque de financement suffisant? Voulez-vous vraiment, comme dans certains pays, n'apporter les soins nécessaires comme la pose d'un stimulateur cardiaque qu'en deçà d'un certain âge? Enfin, madame la ministre, voulez-vous vraiment que nos médecins présentent la facture aux patients avant de leur prodiguer les soins pour s'assurer s'ils sont, oui ou non, en mesure de les payer? J'attends impatiemment vos réponses.

 

Réponse de Maggie De Block

Je vous remercie pour vos questions, monsieur Senesael, madame Fonck, monsieur Thiéry. C'est vrai que le vieillissement de la population et les progrès technologiques font augmenter nos besoins dans les soins de santé. Sans intervention fondamentale, le budget des soins de santé sera intenable dans le futur.

 

De grandes réformes s'imposent depuis longtemps. C'est pourquoi on travaille à la révision du financement des hôpitaux. La modification de la loi relative à l'exercice des soins de santé pour que celle-ci puisse être mieux organisée ainsi qu'un audit de la nomenclature sont également prévus. Le patient est toujours au cœur des préoccupations dans le cadre de cette politique. Par conséquent, nous visons des soins accessibles et de qualité. La sécurité tarifaire est une priorité. Dans ce cadre, je continue à encourager l'application du modèle de concertation et nous donnons toutes les chances aux membres de ce modèle pour qu'ils arrivent à des décisions approuvées.

 

Cependant, tous les acteurs du secteur de soins de santé devront aussi faire un effort pour que les soins restent accessibles. Kinésithérapeutes, médecins et infirmiers, bref tous les prestataires de soins doivent prendre leurs responsabilités.

 

Pour ce qui est des cardiologues, j'étais effectivement présente ce matin au 36e congrès annuel de l'Association des cardiologues belges. La présidente m'avait invitée pour qu'on puisse me poser quelques questions.

 

Étant donné que 29 % des décès dans notre pays sont causés par des maladies cardiovasculaires, les soins de santé investissent énormément dans ce domaine. Des efforts particuliers ont été consentis pour la prévention primaire et secondaire de pathologies cardiaques. Ainsi, le budget alloué aux antihypertenseurs s'élève déjà à 262 millions d'euros et est de 126 millions d'euros pour les statines. Nous comptons moins de six hôpitaux de cardiologie interventionnelle et vingt-huit services de chirurgie cardiaque.

 

J'aspire à des réseaux de spécialistes et à des centres spécialisés plutôt que de créer encore plusieurs petits centres. Il est primordial que l'expertise soit concentrée et que celle-ci puisse se développer continuellement dans un cadre interdisciplinaire.

 

Bien entendu, nous faisons en sorte que nos patients aient accès aux meilleures techniques innovantes, car il s'agit d'un domaine hautement spécialisé. Les nouvelles techniques et nouveaux médicaments sont abordés toujours au sein d'une commission spéciale de l'INAMI. S'il existe une évidence scientifique, la technique entrera en ligne de compte pour un remboursement et il faudra trouver l'argent.

 

Madame Fonck, vous dites que, chaque jour, on tire la sonnette d'alarme. Mais, chaque jour aussi, des gens bénéficient désormais d'un remboursement pour des médicaments ou techniques pour lesquels on n'avait pas trouvé l'argent.

 

Nous avons un système de soins de santé dont nous pouvons vraiment être fiers et, si nous voulons maintenir la qualité et l'accessibilité aux soins de santé, il faudra toutefois oser mener des réformes.

 

Monsieur Seneseal, vous avez pris l'exemple du placement d'une nouvelle valve aortique par la technique TAVI. Une règle a été établie pour le placement transfémoral de valve aortique. Il s'agit d'une méthode moins invasive pour le remplacement de valve chez certains groupes-cibles fragilisés pour lesquels le remplacement de valve par chirurgie classique comporte trop de risques. Il est prévu de pouvoir effectuer 500 interventions dans notre pays dans vingt-deux centres et quatre réseaux. Le budget a été trouvé et s'élève à 10 000 euros.

 

Les centres ayant un volume inférieur de remplacement des valves bénéficient d'un budget par intervention limité. Par ailleurs, avant et après l'intervention, bien que vous disiez qu'il n'y a pas de rémunération, ce n'est pas vrai: tous les soins peuvent être remboursés par le BMF.

 

Nous avons trouvé les moyens de rembourser ces valves, après en avoir parlé pendant cinq ans. Mais cela ne peut se faire que dans les centres spécialisés.

Réplique de Daniel Senesael

Madame la ministre, je vous remercie pour vos réponses. On vous sent quand même acculée parce que vous attaquez vos nombreux opposants dans les médias en prétendant être incomprise et en soutenant que le patient n'est que peu touché par vos économies. C'est faux et vous le savez. La semaine dernière encore, le Bureau du Plan disait que le nombre de ménages ayant reporté leurs soins de santé pour des raisons financières a quadruplé par rapport à 2008.

 

Vous attaquez les prestataires de soins et les clients particuliers sur les réseaux sociaux pour faire croire que, faute d'accord tarifaire conclu, ce sont eux qui mettent la sécurité tarifaire des patients en péril. C'est faux et vous le savez aussi. La meilleure défense, c'est l'attaque. La vôtre manque d'arguments convaincants.