Question d'Ahmed Laaouej à Sophie Wilmès, ministre du Budget, sur les trous dans le budget

Monsieur le président, madame la ministre, nous avons tous pu remarquer les doutes – c'est un euphémisme – de la Commission européenne quant à la bonne tenue des budgets que vous lui avez présentés.

 

Vous comprendrez assez aisément que nous n'en sommes pas étonnés. C'est la raison pour laquelle je souhaite évoquer ici avec vous la question de cet "oignon" budgétaire qui voit, chaque jour, une de ses pelures se décoller. En effet, votre budget n'est pas encore déposé au parlement qu'il continue d'alimenter et de faire pleurer critiques et polémiques en particulier pour ce qui concerne les recettes. Je ne parlerai ici que de l'exercice 2016. À ce sujet, quelques petits rappels ne sont pas superflus.

 

Vous aviez programmé 250 millions d'euros au titre de la régularisation fiscale. Qu'apprend-on aujourd'hui? Qu'une poignée de dossiers sont introduits. Bref, il n'y a plus que vous pour croire que cela vous rapportera effectivement 250 millions d'euros.

 

Pour ce qui concerne le nouveau régime fiscal des sicafi, vous avez également programmé 250 millions d'euros alors que la Cour des comptes vous enjoint à ne retenir que la moitié de ce montant.

 

Faut-il parler de la taxe Caïman au sujet de laquelle un membre de votre majorité nous a expliqué qu'elle rapporterait, au maximum 40 millions d'euros, soit seulement 10 % du rendement attendu, à savoir 460 millions?

 

Par ailleurs, il y a le fiasco des accises sur les spiritueux qui rapportent moins que les recettes enregistrées avant leur augmentation. C'est vous dire si vous avez à faire face à une collection de problèmes!

 

Il ne faut évidemment pas oublier la taxe sur la spéculation qui, au total, rapporte moins en raison de la baisse de la recette sur la taxe sur les opérations boursières, taxe sur la spéculation que vous allez supprimer sans aucune garantie qu'une taxation des plus-values sera introduite sous cette législature. Je ne voudrais pas non plus oublier un élément important du tableau d'ensemble, à savoir la baisse constante des recettes de précompte mobilier et de TVA.

 

Madame la ministre, les constats sont clairs. Non seulement votre politique économique aboutit à un recul des recettes et à une aggravation des déficits mais, en plus, les rendements de vos nouvelles mesures s'écroulent les uns après les autres. Vous nous avez présenté un gros "oignon" budgétaire. Mais de pelure qui se détache en pelure qui se détache, votre oignon ressemble de plus en plus à une petite échalote!

 

Madame la ministre, jusqu'à quand et jusqu'où votre budget va-t-il ainsi s'écrouler?

Réponse de Sophie Wilmès

Monsieur le président, monsieur Laaouej, merci pour ce cours de cuisine ou presque!

 

Au départ, le sujet de votre interpellation était, si je ne m'abuse, la mise en garde de la Commission européenne. C'est ainsi que vous interprétez le document que nous avons reçu. Je ne sais pas si vous avez lu cette lettre mais, moi, je l'ai lue ainsi que celles qui ont été envoyées aux autres pays qui ont déposé leur draft budgetary plan. Effectivement, la Commission européenne a des questions auxquelles nous sommes encore en train de répondre. Il s'agit de toute une série de mesures nouvelles pour lesquelles il est normal qu'elle pose des questions.

 

La lettre n'est pas une mise en garde. La mise en garde, par exemple, elle a été faite pour d'autres pays. Si vous avez lu l'entièreté des documents qui ont été publiés, il était précisé entre autres, pour l'Italie, Chypre et la Finlande, qu'il y avait un risque de non-respect des objectifs budgétaires européens. Ce n'est pas le cas pour la Belgique. Par ailleurs, dans la presse de ce matin, le commissaire Moscovici a rappelé que l'Europe n'avait pas l'intention de rejeter le draft budgetary plan de la Belgique.

 

En ce qui concerne la problématique des recettes fiscales, c'est un vrai questionnement. On l'a vu, les recettes escomptées ne correspondent pas aux recettes réalisées. C'est pourquoi nous avons prévu un buffer, principalement pour faire face à cette problématique, ainsi que, lors du conclave budgétaire, le démarrage d'une task force afin d'évaluer les raisons de ce différentiel et d'en proposer le meilleur remède.

 

En conclusion, la Commission européenne, par les déclarations du commissaire Moscovici, n'a pas l'intention de rejeter notre draft budgetary plan. Nous verrons, une fois qu'elle aura fini de l'étudier et qu'on aura répondu à toutes les questions, ce qu'elle fera en définitive. Monsieur Laaouej, je vous encourage peut-être aussi à attendre et à lire ce que nous déposerons au niveau du budget pour faire votre commentaire.

Réplique d'Ahmed Laaouej

Monsieur le président, en dehors de la minute qui m'est accordée pour ma réplique, je tiens quand même à vous dire ce qui suit. Il était clair que ma question portait sur les recettes fiscales. Je ne sais pas ce qui se passe au sein du gouvernement. Nous n'avons pas émis d'objection à ce que ce soit Mme Wilmès qui réponde. Cependant, je pense avoir été clair, et avoir dit à M. le ministre des Finances que ma question portait sur les recettes fiscales. Finalement, j'entends que vous êtes étonnée de ne pas avoir de question sur ce sujet. Je pense qu'il y a là plus qu'un malentendu. Je m'interroge, madame la cheffe de groupe: la prochaine fois, devrons-nous faire preuve d'autant de souplesse qu'aujourd'hui? Je m'étonne de votre façon de faire.

 

Madame la ministre, au fond, votre gouvernement fait face à un triple échec. Le premier est votre politique d'austérité. Votre obsession à vouloir couper dans les services publics et dans la sécurité sociale, pendant que vous multipliez les cadeaux au grand patronat, n'a abouti à rien sur le plan économique.

 

Deuxième échec: votre politique fiscale. En augmentant de manière aussi massive les taxes sur la consommation, en prenant au moins, sur la législature, trois milliards dans la poche des ménages, vous avez provoqué la méfiance de nos concitoyens. Cela aussi, madame la ministre, c'est très mauvais pour l'économie, et pour la  demande intérieure en particulier.

 

Votre troisième échec est celui de votre politique budgétaire. Non seulement votre politique économique creuse le déficit des finances publiques, mais en plus, vos nouvelles mesures, censées rapporter des moyens, s'effondrent les unes après les autres. En résumé, votre politique est inefficace en plus d'être injuste. Il est grand temps d'arrêter ce désastre qui semble vous convenir, mais qui se traduit, pour la population, par des difficultés de plus en plus grandes.

 

Face à votre triple échec, je vous adresse un triple message: arrêtez d'enfoncer les gens dans la précarité, arrêtez la déglingue de nos finances publiques, et puis surtout, arrêtez votre politique antisociale: elle conduit à la ruine budgétaire, économique et sociale de notre pays!