Question d'Eric Massin à Charles Michel, Premier ministre, sur les licenciements chez ING

Monsieur le président, j'ai bien entendu votre demande. Je vais tenter de ne pas dépasser les deux minutes.

 

Monsieur le premier ministre, cela fait la énième fois que je me présente devant vous après ces différentes annonces: Caterpillar, Axa, Douwe Egberts, … Aujourd'hui, c'est ING qui nous annonce 3 000 personnes en moins, le licenciement de 1 700 personnes, etc. avec des excuses, paraît-il, dans le chef des dirigeants: régulation du secteur, Bâle III, faiblesse des taux d'intérêt, taxe bancaire, etc. Il semble qu'elles soient gobées! Or, imaginez-vous, ce n'est pas moins de 7 milliards qui ont été distribués aux actionnaires. C'est la banque qui place clairement le profit avant l'humain. C'est pour moi le fruit d'un libéralisme cynique, d'un libéralisme économique débridé. On ne peut pas accepter ce licenciement de 3 000 personnes, alors que ING distribue 7 milliards d'euros aux actionnaires.

 

Votre réaction, monsieur le premier ministre, a été de dire simplement que la banque doit assumer ses responsabilités. On attend plus de la part d'un premier ministre! On attend plus d'un gouvernement qui doit prendre ses responsabilités, qui doit prendre des mesures pour protéger les travailleurs et qui doit éviter pareils licenciements boursiers et faire en sorte que ceux-ci ne puissent se reproduire. Cela fait plusieurs semaines que je viens ici, devant vous, en demandant des engagements fermes. Cela s'est fait vis-à-vis de Caterpillar. Cela se fait maintenant vis-à-vis d'ING. Nous avons déposé des propositions de loi, entre autres pour éviter les licenciements boursiers, pour avoir un renforcement de la procédure Renault et un droit d'information et d'alerte pour les travailleurs. Je sais bien qu'une proposition est devant le groupe des Dix.

 

Aujourd'hui, monsieur le premier ministre, il faut ces engagements et ne pas baratiner. Il faut vraiment qu'ils soient là. La banque doit prendre ses responsabilités. Le gouvernement aussi! Vous dites: "Plus jamais cela!". Montrez-le s'il vous plaît!

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, pour commencer, je voudrais naturellement m’associer aux propos qui ont été exprimés par le parlement.

 

Mes premières pensées, mes préoccupations vont, comme les membres l’ont indiqué, vers l’ensemble des travailleurs qui ont été frappés par cette très mauvaise nouvelle, en début de semaine. Chacun peut imaginer quelle angoisse, quelle incertitude cela représente pour celles et ceux qui sont directement concernés.

 

Deux types de questions m’ont été posées. D’une part, il y a les questions relatives à la capacité du gouvernement de tenter d’agir de façon favorable dans le dossier d’ING; d’autre part, il y a les questions relatives à l’avenir du secteur financier avec une économie qui évolue et se transforme. Dans ce cadre, quel est l’avenir du secteur financier? Comment peut-on prendre des initiatives utiles pour tenter, plutôt que de subir les évènements, d’agir de manière positive et favorable?

 

Nous savions que le secteur financier était sous pression. En effet, la tendance générale de ces dernières années est à la baisse en matière d’emploi dans le secteur financier. Le gouvernement entretient régulièrement des contacts avec Febelfin. Nous craignions en effet de recevoir de mauvaises nouvelles après l’annonce de la tenue d’une réunion importante lundi dernier.

 

Ce jour-là, j’ai d’ailleurs immédiatement contacté la direction belge d’ING en l’exhortant à faire preuve de responsabilité. Il y a quelques années, les gouvernements et, par conséquent, les contribuables ont en effet joué un rôle important dans le cadre du sauvetage des banques.

 

Un deuxième point très important. J'ai d'emblée plaidé avec beaucoup de force pour que tout soit mis en œuvre pour éviter les licenciements par des alternatives et en tout cas pour réduire, si vraiment les alternatives ne sont pas possibles, le nombre de licenciements. C'est un plaidoyer très fort que je veux pousser en avant parce que je crois que l'on doit donner la capacité aux alternatives.

 

Malheureusement, l'histoire récente de Caterpillar a remis en lumière la situation de la loi Renault. La loi Renault constitue un cadre–peut-être imparfait– visant tout d’abord à obtenir des informations complètes sur les véritables raisons de la restructuration

 

Les syndicats ont raison de s'interroger pour savoir si la digitalisation justifie, à elle seule, un choc aussi rude, une rationalisation aussi lourde. C'est une question légitime. Je pense que, dans le cadre de la loi Renault, on doit recevoir toutes les informations par rapport à cela et faire la clarté sur ce sujet.

 

Je veux vous indiquer aussi que, le même jour, le lundi, j'ai décidé d'organiser une rencontre avec les ministres-présidents en présence du ministre des Finances, du ministre de l'Emploi et l'ensemble des syndicats. Cette réunion a été importante, je pense. Elle a été digne et constructive malgré le choc très douloureux que venait de recevoir les syndicats. Quels sont les points concrets d'actions qui ont été décidés avec les syndicats – et j'ose le mot – dans une forme de "front commun" syndicat-gouvernement pour se battre pour chacun des emplois chez ING? L'action qui a été décidée est, bien sûr, de soutenir.

 

À la demande des syndicats, nous avons offert notre expertise financière, économique et juridique. Tout comme dans le cas de Caterpillar, nous voulons nous mettre au travail de manière efficace et dans un dialogue permanent avec les syndicats, au travers d'une task force interfédérale. Nous sommes en outre disposés à examiner des solutions alternatives avec les syndicats.

 

Nous allons donc revoir régulièrement les syndicats sur ce sujet et faire en sorte que l'on puisse organiser un accompagnement. Voilà la situation pour ING.

 

Certains l'ont dit, c'est un secteur confronté à des bouleversements structurels: les taux d'intérêt, la pression en lien avec les règles de régulation et la question de la digitalisation. Je pense que chacun d'entre nous se rend moins souvent dans son agence bancaire et utilise davantage son smartphone ou sa tablette pour faire ses opérations.

 

Pensant à l'avenir du secteur, le ministre de l'Emploi envisage de créer un fonds de réorientation. Febelfin, les syndicats et le gouvernement se pencheront sur la manière de constituer un tel fonds dans une logique de réorientation et de formation.

 

Je termine cette intervention en déclarant que nous allons poursuivre ce dialogue avec les syndicats et avec Febelfin, pour cerner de quelle manière on peut mieux soutenir et accompagner le processus de digitalisation.

 

Une question a été posée: qu'a fait le gouvernement pour tenter d'anticiper ce type de situation? Nous aurons l'occasion d'en reparler la semaine prochaine, dans le cadre de la déclaration gouvernementale. Mais si nous sommes tellement obsédés par les réformes visant à faire en sorte que notre pays soit mieux armé et pourvu d'une économie, plus solide, en étant confronté aux défis que nous connaissons, c'est bien pour tenter de créer des dizaines de milliers d'emplois supplémentaires, et faire en sorte que l'on puisse surmonter ces chocs-là. Nous voulons faire en sorte que lorsqu'il y a des mauvaises nouvelles comme celles-là, nous puissions nous battre pour limiter les dommages et les dégâts, et surtout pour donner la chance et la perspective, à ceux qui malheureusement devraient perdre un emploi, d'en retrouver un, si nous réussissons à créer des dizaines de milliers d'emplois supplémentaires.

 

C'est le défi, majorité ou opposition, qui se pose à nous. Nous allons continuer à agir avec fermeté pour soutenir la création d'emplois. Nous allons faire en sorte que notre économie soit plus solide et plus à même de réagir aux défis de demain.

Réplique d'Eric Massin

Monsieur le premier ministre, l'empathie vis-à-vis des travailleurs est la moindre des choses. Mais je crois que ce que les travailleurs ne peuvent pas supporter, et surtout les travailleurs d'ING, c'est qu'un premier ministre fasse siennes les explications fournies par l'entreprise qui vient de distribuer 7 milliards de dividendes.

 

Non, tout ne relève pas de la responsabilité de la digitalisation! Non, tout n'est pas dû aux taux d'intérêt bas! Sept milliards d'euros de dividendes ont été distribués, et 3 000 emplois ont été jetés à la poubelle. Ce n'est pas le genre d'explications qu'attendent les travailleurs.

 

Vous parlez de fonds de réorientation. Voilà peut-être une optique dans laquelle il conviendrait de travailler. De même, je vous rappelle les investissements avec les Régions. Celles-ci ont mis des choses sur la table. J'espère avoir des déclarations de votre part. Vous parlez d'agir avec fermeté, monsieur le premier ministre. Voici trois semaines, déjà, au sujet de Caterpillar, je vous avais posé les mêmes questions. Vous ne voulez plus de licenciements boursiers. Nous non plus! Il y a une proposition de loi sur la table: agissez avec fermeté et demandez à la majorité de la voter, s'il vous plaît!