Question de Paul-Olivier Delannois à Charles Michel, Premier ministre, sur le rachat de Brussels Airlines par Lufthansa

Monsieur le président, j'ai deux minutes pour vous parler des travailleurs de Brussels Airlines et je vais les utiliser parce que je pense qu'ils valent bien cela. Ce que je viens de vivre à travers les propos de M. Dewael est assez indécent. Je pense que si on a deux minutes pour parler de ces travailleurs, il faut les utiliser.

 

Monsieur le premier ministre, le plan de rachat de Brussels Airlines par Lufthansa peut être un coup dur pour notre pays. Un fleuron belge risque une nouvelle fois de passer totalement sous pavillon étranger et de quitter ainsi notre pays. Les 3 400 travailleurs de Brussels Airlines sont évidemment les premiers concernés. Les sous-traitants mais également les travailleurs de l'aéroport de Buxelles-National craignent les conséquences négatives de ce rachat. Nous devons les soutenir et le gouvernement doit les soutenir.

 

Face au géant Lufthansa, l'actionnariat belge est malheureusement très fractionné. Monsieur le premier ministre, pour réduire ce déséquilibre entre Lufthansa et les actionnaires belges, vous avez un rôle important à jouer. Vous devez unifier ces actionnaires et toutes les parties belges pour qu'elles pèsent plus lourd face à Lufthansa. Dans les négociations, vous devez avoir des exigences fortes; vous devez obtenir des garanties pour l'emploi en Belgique. L'ancrage belge de Brussels Airlines doit être défendu bec et ongles! Cet ancrage passe notamment par le maintien des longs courriers à Bruxelles. C'est ainsi que les liaisons directes entre notre capitale et l'Afrique, l'Amérique du Nord, Israël et bientôt l'Inde, sont des atouts économiques qu'il faut préserver.

 

Monsieur le premier ministre, avez-vous déjà pris contact avec Lufthansa et le gouvernement allemand? Vous ont-ils déjà fait part de leurs intentions pour l'avenir de Brussels Airlines?

 

Je vous demande de vous engager devant le parlement en faveur de l'emploi, de l'activité économique et des conséquences diplomatiques de cette décision. Allez-vous désigner un négociateur qui représentera les autorités et l'ensemble des actionnaires belges pour défendre les intérêts de la Belgique et de notre capitale?

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, chers collègues, je me réjouis que le parlement aborde de concert ces deux sujets. En effet, ils sont intimement liés à la nécessité de développer une stratégie pour les investissements, d'identifier les secteurs pour l'avenir.

 

Nous avons eu, hier, une réunion en comité de concertation, au cours de laquelle le principe de ce pacte a été validé ainsi que la décision de poursuivre les travaux avec les gouvernements des entités fédérées, à la fois sur la gouvernance mais également sur les axes principaux de ce pacte.

 

S'il n'y a aucune certitude, le consensus est largement partagé. La mobilité, les infrastructures, et par conséquent la stratégie pour les aéroports, sont évidemment des secteurs clefs pour l'avenir. De manière tragique, il y a quelques mois, nous avons ressenti sur le plan économique à Bruxelles, autour de Bruxelles et dans l'ensemble du pays, à quel point une stratégie pour les aéroports, une capacité de développer des compagnies aériennes représentent un enjeu majeur sur le plan économique et sur le plan de la création d'emplois.

Notre stratégie d'investissements pour l'avenir est capitale. Il est de mon devoir et de ma responsabilité de tout mettre en oeuvre pour engranger rapidement des résultats, en concertation avec les entités fédérées. Mon optimisme me porte à croire qu'il existe une volonté politique commune à cet effet.

 

Ce qui arrive aujourd'hui à Brussels Airlines est la conséquence d'une décision prise en 2008-2009

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Quelle est la décision prise en 2008 et 2009? C'est la montée dans le capital de Lufthansa. Á ce moment-là, d'emblée, il est décidé que Lufthansa dispose de ce qu'on appelle un call, une capacité d'acheter le reste des actions. Deux types de calls sont d'ailleurs envisagés. Un call classique, normal, et un call dit "de crise", utilisé en fonction de la situation de SN Airlines.

 

La situation de SN Airlines est saine. Cela a été souligné, un travail important a été réalisé par le personnel et le management pour crédibiliser la capacité de SN Airlines à affronter certains défis. Le partenariat avec Lufthansa a plutôt été fructueux ces dernières années. En effet, Lufthansa a permis, par exemple, que l'on renforce notre capacité de commercialisation en Amérique du Nord et au Canada.

 

Maintenant, vient un moment important: le call a été déclenché. Vous l'avez mentionné.

Au cours des prochaines semaines, je veux obtenir davantage de garanties car elles sont trop faibles pour l'heure. Nos priorités sont les suivantes: un ancrage dans notre pays, en tenant compte de notre expertise en Afrique et en Amérique du Nord; des garanties pour l'emploi et un centre de décision en Belgique.

 

Le moment est délicat, certes, mais il peut aussi offrir de nouvelles perspectives. La coopération avec Lufthansa peut, en effet, amener un renforcement du rôle joué par Bruxelles dans le cadre d'une plus grande entreprise. Telle est l'approche que je soutiendrai.

 

Ces derniers mois, j'ai déjà eu de nombreux contacts avec les directions tant de Brussels Airlines que de Lufthansa.

 

La SFPI joue un rôle à travers des participations bénéficiaires et des prêts qui ont été consentis, comme vous le savez. Mais il est bien dans mes intentions que le gouvernement fédéral s'invite à la table des négociations, parce que l'enjeu est stratégique et essentiel.

 

Je ne manquerai pas d'informer régulièrement le parlement des développements de ce dossier important. Je vous remercie.

Réplique de Paul-Olivier Delannois

Monsieur le premier ministre, je vous remercie pour vos différentes réponses. Effectivement, je vous ai entendu dire que nous n'avions pas assez de garanties. Je partage votre point de vue. Vous avez dit que vous aviez plusieurs objectifs, à savoir l'ancrage belge, l'emploi et un centre de décision en Belgique. Nous partageons également votre point de vue. Vous avez dit que vous alliez vous inviter à la table des négociations. C'est ce qu'on vous demandait. Par contre, n'aviez-vous pas intérêt à désigner une personnalité forte qui pourrait mener toute cette négociation face à ce géant? Vous ne m'avez pas répondu mais je suppose que c'est toujours ouvert. Enfin, on doit refuser tout fatalisme et défendre nos fleurons nationaux. Je vous souhaite beaucoup de courage pour y parvenir.